L’esclavage en toutes lettres – La esclavitud con todas las letras (7)

 


Pour ce septième volet, nous ferons tout d’abord escale au Pérou, un pays avec une longue tradition culturelle afro américaine en ce qui concerne principalement la musique, je pense à Victoria et Nicomedes Santa Cruz et à Susana Baca.  

En 2001, paraît à Lima le roman de Lucía Charún-Illescas, Malambo. Deux personnages s’y détachent, Tomasón, esclave et artiste peintre, et Manuel de la Piedra, marquis de Valle Umbrosio, son maître. L’un habite Malambo, sur la rive misérable du Rimac, le fleuve « parleur », où logent les affranchis, les marrons et les esclaves dans des maisons en terre et en roseaux. Il partage sa case avec sa petite-fille Pancha et y reçoit ses amis Jacinto Mina, le caporal de la confrérie des Angolas ; le pêcheur Venancio Martin ainsi que Yawar Inka, un Indien voleur d’églises.

« Sur la rive erronée, près des enclos du bétail et des terres cultivables et sur les pentes de la montagne San Cristóbal surgissent les cabanes misérables du Faubourg de San Lázaro, et les eaux du Rimac répètent aux roseaux ces récits que le vent promène dans les champs de maïs et les champs de coton. Le murmure arrive doucement aux champs de lucuma et se balance entre les pommes cannelle et le pacayal.  Bien qu’elles aient une apparence douce, ces eaux savent déborder en criant. Pendant les crues de l’été, elles entrent en emportant de la boue aux pierres de la léproserie et se glissent teintées de sang, parmi les cadavres des animaux sacrifiés à l’abattoir de Malambo, l’endroit des Noirs de Lima … »

« Sur l’autre rive, celle du Palais du Vice-Roi et les grandes demeures aux frontispices de maçonnerie sculptée, aux grandes fenêtres et aux jalousies avec de lourds rideaux en soie, le fleuve s’insinue dans des maigreurs de son cours, ordonnées par des tuyauteries d’argile. »

Le sujet central du roman est l’esclavage urbain â Lima, au temps de la colonie espagnole.

Le marquis de la Piedra s’occupe d’ailleurs de vendre des esclaves. Il l’explique ainsi au jeune Chema :

« J’ai un associé qui choisit les nègres récemment arrivés des marchés de Guinée et quelques-uns de la Nouvelle Espagne ou du vieux continent : des nègres créoles. Il les achète au marché de Cartagène des Indes. Il navigue avec eux à Portobelo, quelques neuf jours de mer, et de là, il traverse la rivière Chagres jusqu’à Panama. De Panama à Callao ils m’arrivent en un mois, s’ils ne Font pas une escale à Paita ou Guanchaco. »  

Voici la parole de Tomasón :

« C’est le malheur que nous subissons, mais notre situation n’est pas la même à celle dont souffrent les bêtes. (…) les nègres nous nous rendons compte et il y a celui qui se révolte ou celui qui demande au Maître : Combien voulez-vous de moi ? Combien de pesos ? Ils marchandent leur prix, ils demandent un rabais, ils vont se plaindre auprès du juge. Il y en a d’autres, et c’est mon cas, qui ne voulons rien payer. Les nègres qui s’échappent ne manquent pas. »

Le protagoniste du roman, Tomasón, esclave urbain, peintre de son état, nous permet de fixer notre attention sur le sujet qui nous intéresse, l’esclavage.

Il commence par fuir le couvent où on l’a envoyé apprendre la peinture, exaspéré par la corruption morale des moines, c’est-à-dire la pédophilie.

« Il y apprit à écrire. Même vieux, il ne se trompait pas sur les traits d’aucune lettre et savait les lier mieux que des poulains pour former les noms de toute ce qui existait dans la Terre ou que l’on soupçonne exister derrière le ciel. Il n’oubliait non plus le vice de ces frères. «  Aïe ! caraaa ! Ne me parlez pas de péché ignoble (…) je me suis joint à quelques marrons qui n’allaient nulle part. Ils venaient. Un assez grand nombre ; des vieux, des enfants, des femmes, des jeunes. Ils m’ont dit qu’ils voulaient laisser le plus loin possible ce site d’immiséricorde. Pilori, coups de fouet, supplice, rien que ça. Ils ne savaient pas eux-mêmes s’ils échappaient depuis deux nuits, vingt ans ou peut-être des centaines, mais pour mon bonheur ou mon meilleur malheur, quand je les ai trouvés, la direction que menait leur marche passait justement, sans qu’ils ne l’aient décidé ni pensé ainsi, par la vallée du Rimac. »

Le vieil esclave fait aussi preuve d’indépendance lorsqu’il refuse de vendre son lit à baldaquin. Une dame insiste pour le lui acheter, les Noirs et les esclaves ne pouvant pas dormir sur un lit.

« -Aïe ! Quelle brute ! Cent dix pesos, ça te va ?

Tomasón se tut.

-Bon, alors. Je suis si bonne que je t’en offre cent quinze. Tu me vends le lit, ou non ?

-Ni je ne le vends ni non.

-Tu sais, je ne te ferai pas d’autre proposition.

-Dieu le veuille.

-Je peux le demander à ton maître. Penses-y.

Tomasón ne lui parla jamais plus. Il l’effaça.

Comme les autres meubles et la grande quantité de vieilleries et d’ustensiles avec lesquels il cohabitait, y compris la charcuterie pendue d’une corde et les feuilles de tabac, le lit provenait des trocs qu’il effectuait avec les vierges et les saints peints. »

Qu’en est-il des femmes dans Malambo ?

Les femmes noires sont des objets, objets de travail sans fin et objets de plaisir. C’est le cas de Candelaria, cuisinière et maitresse du marquis de la Piedra, qui cédera ce rôle à Altagracia Maravillas.

Après sa mort, le fantôme de Candelaria hantera la maison à la recherche de son argent enterré sous le fouloir.

Les rapports que Manuel de la Piedra entretient avec ses esclaves auront une conséquence néfaste pour lui. Un soir, il tue Guararé, un esclave qu’il a lui-même vendu et qu’il soupçonne de vouloir le voler. Le jeune Chema Arosemena lui apprend que l’esclave était en réalité à la recherche de son père et qu’il tenait dans sa main un morceau de tissu ayant appartenu à celui-ci. Manuel reconnaît l’étoffe et comprend qu’il a tué son propre fils.

L’un des atouts de ce magnifique roman en est la langue de Charún Illescas où l’on découvre tous ces peuples qui ont forgé l’histoire du Pérou.

« À la marée qui va et qui vient, des patenotres et des méaculpa sont décontenancés au fond du fleuve et une voix noire comme le midi leur répond à son tour.  Ayé Ayé sambagolé Ayé Ayé! Et ainsi reviven la canne de Castille et le carrizo et la cannelle. Ayé Ayé sambagolé! Et les joncs et les bambous décoiffés Ayé ! et le rêve des chaînes qui s’échelonnent  Ayé Ayé sambagolé! »

« … l’esclavage en tant que tel n’y apparaît pas (dans la littérature haïtienne) vraiment. C’est le roman d’Évelyne Trouillot, Rosalie l’infâme, qui pose enfin comme cadre l’esclavage, les conditions de vie des esclaves et la mémoire de la traversée », répondait l’écrivaine Yanick Lahens en 2019, dans una entretien de Clara Palmiste et Michelle ZancariniI-Fournel.

La romancière, poète et essayiste Evelyne Trouillot publie le roman Rosalie l’infâme en 2003.

Nous nous trouvons à Saint-Domingue, l’actuel Haïti, dans les années 1750. C’est le même pays et la même situation que nous décrivait Alejo Carpentier dans Le royaume de ce monde, en 1949.

Les hommes et les femmes réduits en esclavage résistent comme ils peuvent à un système inhumain : marronage, empoisonnement, suicide, infanticide, avortement, tout est valable pour échapper aux chaînes de l’esclavage.

Tout commence à bord du bateau négrier :

« Imagine une nuit dont tu ne peux pas compter les lunes car au-dessus de toi, il n’y a qu’un plafond de bois. Pour fenêtre, tu as les panneaux. Pour univers, les entreponts. La nuit, nos corps et nos esprits ne se reposent pas, les ténèbres renforcent cette impression de tumulte de chairs pressées les unes contre les autres.

Tu passes quelques jours à accorder ton souffle à celui de ta compagne de chaîne, puis tu te rends compte que son souffle à elle s’est arrêté et que tu es collée à un cadavre presque raide. »

Celle qui nous parle s’appelle Lisette, c’est une esclave créole, née â Saint-Domingue qui se fait la porte-parole de toute une lignée de femmes, sa grand-mère, Charlotte ; sa grand-tante, Brigitte ; sa marraine, Man Augustine et sa mère, Rose.

« OuganDaga a été rebaptisée comme nous tous, m'a dit un jour Man Augustine, mais je n'arrive pas à l'appeler Dada comme le fait tout le monde. Pour moi, elle restera OuganDaga, comme une ouanga nègess, un oiseau trop libre pour accepter qu'on lui taille les ailes. C'est comme pour ta mère, on l'a rebaptisée Rose, mais pour nous elle a toujours été Ayouba, avec la fragilité de la vie dans son regard et la douceur du vent dans ses pas. »

Et voici ce que dit Charlotte à sa petite-fille :

« Moi, je te dis, Lisette, quand tu as vécu les barracons et la traversée, la vente et toutes les couleurs de la honte, même quand tu continues de respirer, des grands morceaux de toi sont à jamais égarés, comme des lambeaux de peau que tu as retirés l’un après l’autre. Tu arrives au bout du parcours si déchirée que tu ne sens plus rien. Tu es prisonnier d’une carapace qu’aucun rayon ne peut briser. »

Ce sont les voix de ces êtres blessés, Lisette, Grann Charlotte, Man Augustine, mais aussi Vincent, le marron dont Lisette est amoureuse, que nous entendons tout au long de ce roman choral.

La résistance s’organise, profitant su fait qu’ils sont invisibles à leurs yeux, les esclaves espionnent leurs maîtres.

« Sans que mon visage trahisse mes pensées, je suis les moindres paroles que disent les maîtres et leurs amis. Du moment que je remplis les verres, place et reprends les plats, fais goûter à la petite Marion toujours prisonnière de son poste d’attrape-poison, les maîtres ne me voient pas. Invisible à leurs yeux, je les épie avec la même efficacité avec laquelle je les sers. »

Un autre fait s’inscrit dans cet extrait, la crainte d’être empoisonnés des colons qui n’hésitent pas à faire goûter leur nourriture par une jeune esclave.

A la fin du roman, Lisette décide de garder l’enfant de Vincent qu’elle attend et de fuir vers la liberté.

Et Rosalie dans tout cela ? Rosalie n’est que le nom de l’infâme bateau négrier qui transporta la famille de Lisette à Saint-Domingue

 

« Quand je suis venue. Quand. Je ne suis pas venue. On m’a apportée. Par la force, Pire qu’une prisonnière. Sans ma volonté. Traînée. On m’a arrachée. On a commencé à me tuer. J’ai perdu mes mots. Ils se sont cachés dans le silence. Ou ils ont voulu rester. Comme sont restés les fleuves. Les arbres. La terre. Les bois. L’herbe. Les animaux. Le lion. L’éléphant. Le lapin. Le bœuf. Peut-être que moi aussi je suis restée. Je suis là-bas. Je suis restée dans le village. Je suis demeurée dans le royaume. Est-ce cela venir. Je suis incomplète. Ma force se consomme. Mon rythme trébuche sur tout ce qui est d’ici et se dévoie. Je ne fais plus attention à ce qui se passe derrière moi. Je préfère ce qui vient devant et le sentir une fois que je reconnais ma frontière. Être dans ce qui est là-bas. M’incorporer. Connaître son compas. Exhaler pour me réincarner dans cela. Je ne peux pas. Il me refuse. Il résiste. Mon énergie s’épuise. La mort avance. Peu importe. Je ne vais jamais mourir. Je vivrai dans ce que j’ai habité. Arbre et terre. Récolte et animal intouchable. »     

Voici la voix d’Analía Tu-Bari, l’une des deux voix d’esclaves que l’on entend dans le roman du colombien Roberto Burgos Cantor, La ceiba de la memoria (L’arbre fromager de la mémoire) (2007). L’autre voix noire est celle de Benkos Biohó, un roi africain qui, sachant qu’il ne retournera jamais sur ses terres, décide de se mettre à la tête de la révolte des esclaves et de créer les « palenques », ces espaces de liberté qui accueillent les marrons.

« Il manque ma famille. Mes mots séparés de ce qu’ils nomment, de la terre a laquelle nous appartenons et avec laquelle nous sommes un monde d’harmonies, ruinent leur vertu,

deviennent vides. Je cris. Mes mots savaient attirer la pluie. Mes mots guérissaient. Éloignaient la maladie. Mes mots effrayaient le lion. Mes mots se déversaient comme des prières et savaient se recueillir en remerciement. Maintenant mes mots s’envelopperont du cri. Mes mots. Ils parcourront la rage, ils briseront la douleur, ils traverseront la mer et les terres et les cieux et réveilleront les dieux. »

Deux moines côtoient les esclaves, Pedro Claver, qui deviendra saint, et Alonso de Sandoval. Ils se trouvent à Carthagène d’Indes dans le but d’évangéliser les Africains. Claver s’opposera à la théorie de l’absence d’âme des Noirs qui justifierait l’esclavage. Ils luttent tous deux contre la cruauté de la traite, mais, attachés à la doctrine de l’église, ignorent l’altérité des Africains et d’efforcent de gommer leur culture dans le but de les christianiser.


« Le père Pedro veut que je croie en ce qu’il croit. Je veux être celui que je suis, ou celui que je fus, ou celui que je commencerai à être.

Pour toujours, Benkos Biohó. »

« Pedro, qui insiste â m’appeler Domingo et se fâche quand je ne lui réponds pas. Je ne lui réponds jamais. Crier pour qu’il le sache, aucun ami ne méconnaît le nom de son ami. Ni prétend le lui voler. Moi, je ne dis pas pierre à Pedro. »

« Domingo est un jour. Je suis. Je m’appelle Benkos. Je ne suis pas un jour. Je suis un homme. »    

Voici la parole de l’esclave révolté.

 Toujours à Carthagène, et toujours au XVIIe siècle, un troisième personnage espagnol, une femme, Dominica de Orellana, femme de notaire, lectrice des livres interdits et qui se lie d’amitié avec son esclave. Elle devient aussi la maitresse de Benkos qui finit sur l’échafaud.

« Mes jours s’achèvent. Un pendu. Que reste-t-il. Ce que je suis en toi. Même pas des enfants. Même pas la force. À peine cette nuit pendant laquelle je fus reçu. Ils me pendent. La mer la mer et le moment où je te connus Dominica. Je criai cette nuit-là. Cette nuit-là fut mon cri.  Tu geignis. Et tu t’acceptas comme ma terre. Je restai là. Que suis-je. Je regarde la mer et j’accepte l’abîme. Quelqu’un m’amena à cette terre. Ce n’est pas la mienne, Dominica on me pend. Garde-moi en toi Dominica. »   

Burgos Cantor nous fait entendre ensuite deux voix du XXe siècle, celle de l’écrivain étasunien Thomas Bledsoe, fasciné par la personnalité de Pedro Claver, qui arrive à Carthagène pour consulter les archives et nous introduira au centre du processus de la création littéraire, et puis celle d’un écrivain colombien qui voyage en Europe avec son fils et découvre les camps de concentration nazis. Deux époques, deux génocides et deux témoignages qui montrent comment le mal absolu persiste dans l’âme humaine.

 

Bibliographie

Malambo, Lucía Charún-Illescas, Seix Barral, 2022

Rosalie l’infâme, Evelyne Trouillot, Dapper, 2003.

Haïti, les femmes, la littérature et l’histoire (entretien) réalisé par Clara PALMISTE & Michelle ZANCARINI-FOURNEL Yanick Lahens. Clio. Femmes, Genre, Histoire 50 | 2019

La ceiba de la memoria, Robertoi Burgos Cantor. Planeta, 2007


Para este séptimo capítulo, haremos en principio escala en el Perú, un país  con una larga tradición cultural afroamericana en lo que concierne principalmente a la música, pienso en Victoria y Nicomede Santa Criz y en Susana Baca.

En 2001 aparece en Lima la novela de Lucía Charún-Illescas, Malambo. Se destacan dos personajes, Tomasón, esclavo y pintor y Manuel de la Piedra, marqués de Valle Umbrosio, su amo. Uno vive en Malambo, en la ribera miserable del Rimac, el río «hablador», donde viven los libertos, los cimarrones y los esclavos en casa de barro y junco. Comparte su choza  con su nieta Pancha  y recibe a sus amigos Jacinto Mina, lel caporal de la cofradía de los Angolas; el pescador Venancio Martin así como a Yawar Inka, un indio ladrón de iglesias.

«En la orilla equivocada, cerca de los corrales del ganado y las tierras de cultivo, y en las faldas del cerro San Cristóbal, surgen las casuchas miserables del Arrabal de San Lázaro, y las aguas del Rímac les repiten a las tacuaras esos relatos que el viento pasea por los maizales y los campos de algodón. Suave llega el susurro a los sembrados de lúcumas y se mece entre los chirimoyos y el pacayal. Aunque tengan la apariencia mansa, esas aguas saben desbordarse a gritos. Durante las crecidas del verano, entran arrastrando lodos al pedregal del leprosorio y se escurren confundidas, tintas en sangre, por entre los cadáveres de los animales sacrificados en el matadero de Malambo, el rincón de los negros de Lima …»

El tema central de la novela es la esclavitud urbana en Lima en tiempos de la colonia española.

El marqués de la Piedra se ocupa, por otra parte, de vender esclavos, Así se lo explica al joven Chema:

«Tengo un socio que escoge los negros recién traídos de las factorías de Guinea y unos cuantos de Nueva España o del viejo continente: negros criollos. Los compra en el mercado de Cartagena de Indias. Navega con ellos a Portobelo, unos nueve días de viaje, y de allí cruza el río Chagres hasta Panamá. De Panamá al Callao me llegan en un mes, si es que no hacen escala en Paita o Guanchaco» 

Esta es la palabra de Tomasón :

«Esa es la desgracia que sufrimos, pero nuestra situación no es igual a la que padecen las bestias [...] los negros nos damos cuenta y no falta el que se rebela o le pregunta al amo: ¿cuánto quiere por mí? ¿Cuántos pesos? Regatean su precio, piden rebaja, se van a quejar al juez. También hay otros -como es mi caso- que no queremos pagar nada. No faltan los negros que se escapan»

El protagonista de la novela, Tomasón, esclavo urbano, con oficio de pintor, nos permite fijar nuestra atención en el tema que nos interesa, la esclavitud.  

Comienza huyendo del convento donde lo mandaron a aprender pintura, exasperado por la corrupción moral de los monjes, es decir la pedofilia.

“Ahí aprendió a escribir. Aún de viejo, no se le trastocaban los rasgos de ninguna letra y sabía entrelazarlas mejor que a potrillos para formar los nombres de cuanta cosa existe sobre la tierra o se sospecha detrás del cielo. Tampoco se olvidaba del vicio de esos frailes. «¡Ay, carááá! A mí no me hablen de pecado nefando.  (…) me arrejunté con unos cimarrones que no iban a ninguna parte. Venían. Eran más de bastantes; viejos, niños, mujeres, maltones. Me dijeron que les importaba dejar lo más lejos posible el sitio de la inmisericordia. Cepo, azote, suplicio, nada más que eso. Ni ellos mismos sabían si estaban escapando desde hacía dos noches, veinte años o quizás cientos, pero para mi suerte o para mi mejor desgracia, en aquel trance que los encontré, el rumbo que llevaba su caminar sin haberlo propuesto ni pensado pasaba justamente por el valle del Rímac … »

El viejo esclavo también da muestras de independencia cuando se niega a vender su cama con baldaquino. Una señora insiste en comprárselo, los negros y los esclavos no podían dormir en una cama.

«—¡Ay, si serás bruto! ¿Qué tal ciento diez pesos, ah?

Tomasón se quedó callado.

—Bueno, pues. De puro buena que soy, digamos ciento quince. ¿Me vendes el catre, o no?

—Ni se lo vendo ni no.

—Mira, que no te volveré a hacer otra propuesta.

—Ojalá.

—Puedo pedírselo a tu amo. Piénsalo.

Tomasón no le habló nunca más. La borró.

Al igual que los otros muebles y la demasía de trastos y enseres con los que cohabitaba, incluidos el fiambre colgado en el cordel y las hojas de tabaco, el catre provino de los trueques que efectuaba con las vírgenes y los santos pintados.»

¿Qué hay de las mujeres en Malambo?

Las mujeres negras son objetos, objetos de trabajo sin fin y objetos de placer. Es el caso de Candelaria, cocinera y amante del marqués de la Piedra, que cederá este puesto a Altagracia Maravillas.

Después de su muerte, el fantasma de Candelaria volverá a la casa en busca de su dinero enterrado bajo el batán.

Las relaciones que Manuel de la Piedra mantiene con sus esclavos tendrán una consecuencia nefasta para él. Una noche mata a Guararé, un esclavo que vendió el mismo y que sospecha querer robarle. El joven Chema Arosemena le informa que el esclavo estaba en realidad en busca de su padre y que tenía en su mano un pedazo de tela que había pertenecido a este último. Manuel reconoce la tela y comprende que ha matado a su propio hijo.

Una de las cualidades de esta magnífica novela es la lengua de Charún Illescas en la que se descubren a todos los pueblos que han forjado la historia del Perú,

«A mareaje de vaivén, monótonos padrenuestros y meaculpas se atolondran en el lecho del río y una voz negra como el mediodía les responde a su turno ¡Ayé Ayé sambagolé Ayé Ayé! y ya reviven y se van cantando la cañabrava y el carrizo y los palosmalambo ¡Ayé Ayé sambagolé!

y los juncos y las tacuaras despeinadas ¡Ayé! y el sueño de las cadenas eslabonándose al ¡Ayé Ayé sambagolé!»

 

«… la esclavitud como tal no parece (en la literatura haitiana) realmente. La novela de Évelyne Trouillot, Rosalía la infame, la que pone por fin como marco a la esclavitud, las condiciones de vida de los esclavos y la memoria de la travesía», contestaba la escritora Yannick Lahens en 2019 en una entrevista de Clara Palmiste y Michelle ZancariniI-Fournel.

La novelista, poeta y ensayista Evelyne Trouillot publica la novela Rosalía la infame en 2003.

Nos encontramos en Santo Domingo, actual Haití, en los años 1750. Rs el mismo país y la misma situación que nos describía Alejo Carpentier en El reino de este mundo, en 1949.

Los hombres y las mujeres reducidos a la esclavitud resisten como pueden a un sistema inhumano: cimarroneo, envenenamiento, suicidio infanticidio, aborto, todo es válido para escapar de las cadenas de la esclavitud.

Todo comienza en el barco negrero:

«Imaginá una noche en la que no puedas contar las lunas ya que arriba tuyo sólo hay un techo de madera. Cómo ventana tenés tablones. Como universo, los entrepuentes. Durante la noche, nuestros cuerpos y nuestras mentes no descansan, las tinieblas refuerzan esa impresión de tumulto de carnes apretadas unas contra otras.   

Pasás algunos días acordando tu respiración a la de tu compañera de cadenas, luego te das cuenta de que su respiración se detuvo y que estás pegada a un cadáver casi rígido.»

La que nos habla se llama Lisette, es una esclava criolla, nacida en Santo Domingo que se vuele la portavoz de todo un linaje de mujeres, su abuela Charlotte ; su tía abuela, Brigitte ; su madrina, Man Augustine Y su madre, Rose.

« OuganDaga fue vuelta a bautizar, como todos nosotros, me dijo un día Man Augustine, pero no logro llamarla Dada como hace todo el mundo. Para mí será siempre OuganDaga, como una ouanga negra, un pájaro demasiado libre para aceptar que le corten las alas. Como tu madre, la rebautizaron Rose, pero para nosotros siempre fue Ayouba, con la fragilidad de la vida en su mirada y la suavidad del viento en sus pasos.»

Y esto le dice Charlotte a su nieta:

«Yo te lo digo Lisette, cuando has vivido los barracones y la travesía, la venta  y todos los colores de la vergüenza, aunque sigas respirando grandes pedazos de vos se han perdido para siempre, como harapos de piel que has retirado uno después de otro. Llegás al final del camino tan destruida que ya no sentís nada. Sos prisionero de una coraza que ningún rayo puede quebrar.»

Son las voces de estos seres heridos, Lisette, Grann Charlotte, Man Augustine, pero también Vincent, el cimarrón de quien Lisette está enamorada, que oímos a lo largo de toda esta novela coral.

La resistencia se organiza, aprovechando el hecho de que son invisibles ante sus ojos, los esclavos espían a sus amos.

«Sin que mi rostro traicione mis pensamientos, escucho las mínimas palabras que dicen los amos y sus amigos. Mientras llene sus vasos, ponga y saque las fuentes, haga probar a la pequeña Marion, siempre prisionera de su puesto de agarra veneno, los amos no me ven. Invisible ante sus ojos, los espío con la misma eficacia con la que los sirvo.»

Otro hecho se inscribe en este fragmento, el temor de ser envenenados de los colonos que no dudan en hacer probar sus alimentos por una joven esclava.

Al final de la novela, Lisette decide tener el niño de Vincent que espera y huir hacia la libertad.  

¿Y Rosalía en todo esto? Rosalía sólo es el nombre del infame navío negrero que trasportó a la familia de Lisette a Santo Domingo.

“Cuándo vine. Cuándo. Yo no vine. Me trajeron. A la fuerza. Peor que prisionera. Sin mi voluntad. Arrastrada. Me arrancaron. Me empezaron a matar. Mis palabras las perdí. Se escondieron en el silencio. O quisieron quedarse. Como se quedaron los ríos. Los árboles. La tierra. Los bosques. La hierba. Los animales. El león. El elefante. El conejo. El buey. Quizá yo también me quedé. Estoy allá. Quedé en la aldea. Permanecí en el reino. Será esto venir. Soy incompleta. Se va consumiendo mi fuerza. Mi ritmo se tropieza con todo lo de aquí y se descarría. Ya no atiendo lo que ocurre a mi espalda. Prefiero lo que viene de frente y sentirlo una vez que reconozco mi frontera. Ser en lo que está allí. Incorporarme. Conocer su compás. Exhalar para reencarnarme en eso. No puedo. Me rechaza. Se resiste. Mi energía se agota. La muerte avanza. No importa. Nunca voy a morir. Viviré en cuanto he habitado. Árbol y tierra. Cosechas y animal intocable.”


Esta es la voz de Analía Tu-Bari, una de las dos voces de esclavos que oímos en la novela del colombiano Roberto Burgos Cantor, La ceiba de la memoria (2007). La otra voz negra es la de Benkos Biohó, un rey africano que, sabiendo que no volverá jamás a sus tierras, decide ponerse a la cabeza de la revuelta de los esclavos y crear los palenques, esos espacios de libertad que albergan a los cimarrones.

“Mis familiares faltan. Mis palabras separadas de aquello que nombran, de la tierra a la que nos pertenecemos y con la cual somos un mundo de armonías, arruinan su virtud, se quedan vacías. Grito. Mis palabras sabían atraer la lluvia. Mis palabras sanaban. Espantaban la

enfermedad. Mis palabras asustaban al león. Mis palabras se esparcían como plegarias y sabían recogerse de agradecimiento. Ahora mis palabras se envolverán en el grito. Mis palabras. Recorrerán la rabia, romperán el dolor, atravesarán el mar y las tierras y los cielos y despertarán a mis dioses.”

Dos monjes se acercan a los esclavos, Pedro Claver, que será santo, y Alonso de Sandoval. Se encuentran en Cartagena de Indias con el objetivo de evangelizar a los africanos. Claver se opondrá a la teoría de la ausencia de alma en los negros que justificará a la esclavitud. Luchan ambos contra la crueldad de la trata, pero, atados a la doctrina de la iglesia, ignoran la alteridad de los africanos y se esfuerzan por borrar su cultura para cristianizarlos.

“El padre Pedro quiere que yo crea lo que él cree. Yo quiero ser el que soy, o el que fui, o el que empezará a ser.

Para siempre: Benkos Biohó.”

“Pedro, que insiste en llamarme Domingo y se molesta cuando no le respondo. Nunca le respondo. Gritar para que lo sepa: nadie que es amigo desconoce el nombre de su amigo. Ni pretende robárselo. Yo a Pedro no le digo piedra.”

“Domingo es un día. Soy. Me llamo Benkos. Yo no soy día. Yo soy un hombre.”

Esta es la palabra del esclavo rebelde.

Siempre en Cartagena, y siempre en el siglo XVII, un tercer personaje español, una mujer, Dominica de Orellana, esposa de escribano, lectora de libros prohibidos y que se hace amiga de su esclava. Se vuelve también la amante de Benkos que termina en el cadalso.

“Mis días se acaban. Un ahorcado. Qué queda. Lo que soy en ti. Ni hijos. Ni fuerza. Apenas esta noche en la cual fui recibido. Me ahorcan. El mar el mar y el momento en el cual te conocí Dominica. Yo grité esa noche. La noche esa fue mi grito. Tú gemiste. Y te aceptaste como mi tierra. Ahí quedé. Qué soy. Miro el mar y acepto el abismo. Alguien me trajo a esta tierra. No es la mía. Dominica me ahorcan. Guárdame en ti Dominica.” 

Burgos Cantor nos hace oír luego dos voces del siglo XX, la del escritor estadounidense Thomas Bledsoe, fascinado por la personalidad de Pedro Claver, que llega a Cartagena para consultar los archivos y nos introducirá en el centro del proceso de la creación literaria, y luego la de un escritor colombiano que viaja a Europa con su hijo y descubre los campos de concentración nazis. Dos épocas, dos genocidios y dos testimonios que muestran como persiste el mal absoluto en el alma humana.

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