PIER PAOLO PASOLINI

La quête de la liberté

« Pourquoi s’en étonner ? On tue à Rome. »

Ninetto Davoli

 


  Je m’en souviens très bien.

  Le 2 novembre 1975, les journaux argentins, ainsi que ceux du monde entier, trempèrent leur plume dans un cloaque pour décrire l’assassinat du poète et cinéaste Pier Paolo Pasolini.

  Le célèbre cinéaste, homosexuel et communiste, tué sur une plage romaine par l’un des jeunes prostitués qu’il affectionnait tant !

  La justice italienne fit tout son possible pour effacer les preuves qui contredisaient cette version du crime qui confortait les âmes bienpensantes.

  L’affaire ne fut jamais résolue. Or, il est clair que Pasolini dérangeait, particulièrement la droite au pouvoir alliée à la Mafia, empreinte encore des relents du fascisme.

 

  Pier Paolo Pasolini naquit le 5 mars 1922, à Casarta, en Bologne, fils d’un militaire, descendant d’une famille noble, et d’une institutrice, de souche paysanne.

  L’enfant dut s’adapter aux constants déménagements de sa famille qui suivait les mutations du père. Son pays de cœur sera, cependant, toujours le Frioul natal.

  Il n’a pas encore 20 ans, quand il publie son premier recueil de poèmes, « Poesie a Casarta ».

 

« CHANT DES CLOCHES

Quand le soir se perd aux fontaines

mon pays est couleur égarée.

 

Je suis au lointain, et me souviens ses grenouilles

la lune et le triste tintillement des grillons.

 

Rosario joue, il s’essouffle dans les prés :

moi je suis mort au chant des cloches.

 

Étranger, à mon doux vol de par la plaine,

n ’aie pas peur : je suis esprit d ’amour

qui au pays s’en revient de très loin. »

 

  Ces poèmes furent publiés en dialecte du Frioul, le frioulan étant la langue de sa mère. Cette mère qui fut, possiblement, le centre de gravité de la vie du poète. Cette mère qu’il fit jouer la Mère de Jésus dans son film l’Évangile selon saint Mathieu.

 

«   CIANT DA LI CIAMPANIS

Co la sera a si pièrt ta li fontanis

il me pais al è colòur smarit

(…) »

 

  La guerre le met en contact avec la douleur de la mort. Tout d’abord, avec celle de sa grand-mère, en 1944, et puis, un an plus tard, avec celle de son frère cadet, Guido, qui formait parti d’un groupe de partisans, assassiné par un autre groupe appartenant au parti communiste.

  Fin 1949, Pasolini est exclu de ses fonctions d’enseignant ainsi que du Parti Communiste à cause de ses mœurs. Il déménage à Rome avec sa mère.

  Ce déracinement lui est très douloureux. Un grand désenchantement s’empare de Pasolini.

  En 1974, il republie le recueil « La meglio giuventù » (La meilleure jeunesse), de 1954, qui contient « Poesie a Casarta » et « Suite furlana », sous le titre de « La nuova giuventù » (La nouvelle jeunesse).

  Il s’agit, en fait, d’une réécriture des poèmes, une version plus sombre du même livre.

  « Fontaine d’eau de mon village.

Il n’y a pas d’eau plus fraîche que dans mon village.

Fontaine de rustique amour. », devient vingt ans plus tard :

  « Fontaine d’eau d’un village qui n’est pas le mien.

Il n’y a pas d’eau plus vieille que dans ce village.

Fontaine d’amour pour personne. »

  Ce qui est possible, comme l’affirme l’écrivain Dominique Fernandez, c’est que Pier Paolo Pasolini n’ait jamais vraiment assumé son homosexualité, qu’il s’en soit toujours senti coupable.

  C’est ainsi que, peu après le départ de Casarta, il écrit :

  « … Mais pourquoi

avant de me perdre ? Pourquoi incurablement

innocent ? Je dois tout payer,

sans pitié, juste moi

qui n’apporte à la conscience lucide

qu’une existence confuse, moi qui naïf

me perds dans des fautes en

lesquelles je ne sais jamais croire,

moi qui néglige le monde tout en sachant

en tirer de pures passions… C’est une vengeance

que celle qui donne la mort, pour moi immortelle. »

 

  Son ami, l’écrivain Alberto Moravia, définissait Pasolini comme un « poète civil » dont la passion était celle de transformer le monde.

 

« Qu’est-ce qui rend mécontent le poète ?

Une infinité de problèmes qui existent et que personne n’est à même de résoudre : et sans la résolution desquels la paix, la véritable paix, la paix du poète, est irréalisable.

Par exemple : le colonialisme. Cette violence anachronique d’une nation sur une autre, avec ses séquelles de martyrs et de morts.

Ou : la faim, pour des millions et des millions de sous-prolétaires.

Ou : le racisme. Le racisme comme cancer moral de l’homme moderne et qui, précisément comme le cancer, prend une infinité de formes. C’est la haine qui naît du conformisme, du culte de l’institution, de l’arrogance de la majorité. C’est la haine pour tout ce qui est différent, pour tout ce qui ne rentre pas dans la norme, et perturbe ainsi l’ordre bourgeois. Malheur à celui qui est différent ! voilà le cri, la formule, le slogan du monde moderne. Haine envers les noirs donc, les jaunes, les gens de couleur : haine envers les juifs, haine envers les enfants rebelles, haine envers les poètes. »

 

  Ces mots, qui nous semblent, en 2025, de toute actualité, furent écrits en introduction du recueil « La rabbia » (La rage) publié en 1963.

 

  Tout comme ces vers, du même recueil :

 

« Si on ne crie pas vive la liberté avec humilité

on ne crie pas vive la liberté.

Si on ne crie pas vive la liberté en riant,

on ne crie pas vive la liberté.

Si on ne crie pas vive la liberté avec amour,

on ne crie pas vive la liberté.

Vous, fils des fils, vous criez

avec mépris, avec rage, avec haine

vive la liberté,

donc, vous ne criez pas vive la liberté !

Il y a une liberté véritable et une liberté mensongère,

mieux vaut être les héros de la liberté véritable.

Sachez-le, fils des fils,

que vous criez vive la liberté

avec mépris, avec rage, avec haine. »

 

  Les assassins de 1975 ne purent taire la voix de Pier Paolo Pasolini. Elle resonne encore comme celle de Federico García Lorca tué par les brigades franquistes. Comme celle de tant d’autres poètes assassinés, emprisonnés, disparus …

  Des poètes lèvent aujourd’hui leurs voix, les fascistes essaient de les faire taire.

  Des poètes lèveront leurs voix, les fascistes essaieront de les faire taire.

  Jusqu’à ce qu’un jour …

 

PIER PAOLO PASOLINI

La búsqueda de la libertad

 


«¿Por qué asombrarse? En Roma matan.»

Ninetto Davoli

 

  Me acuerdo muy bien.

  El 2 de noviembre de 1975, los diarios argentinos, así como los del mundo entero, mojaron su pluma en una cloaca para describir el asesinato del poeta y cineasta Pier Paolo Pasolini.

  ¡El célebre realizador, homosexual y comunista, matado en una playa romana por uno de esos jóvenes prostitutos que tanto amaba!

  La justicia italiana hizo todo lo posible para borrar las pruebas que contradecían esta versión del crimen que tranquilizaba a las almas biempensantes.

  El caso nunca fue resuelto. Está claro, empero, que Pasolini molestaba, particularmente a la derecha en el poder aliada a la Mafia, llena todavía de resabios des fascismo.

 

  Pier Paolo Pasolini nació el 6 de marzo de 1922 en Casarta, en Bolonia, hijo de un militar de familia noble, y de una maestra de origen campesino.

  El niño tuvo que adaptarse a las constantes mudanzas de su familia que seguía los cambios de destino del padre. La tierra de su corazón será siempre, sin embrago et Friul natal.

  Aún no tiene 20 años cuando publica su primer libro de poemas, «Poesie a Casarta».

 

«CANTO DE LAS CAMPANAS

Cuando el atardecer se pierde en las fuentes

Mi país es de un color extraviado.

 

Estoy lejos y recuerdo las ranas

la luna y el triste tintineo de los grillos.

 

Rosario toca, sin aliento en los prados:

Yo estoy muerto ante el canto de las campanas.

 

Extranjero, no tengas miedo de mi suave vuelo por la llanura,

por la llanura, soy el espíritu del amor  

que vuelve al país desde muy lejos.»

 

  Estos poemas fueron publicados en friulano, siendo esta la lengua de su madre. Esta madre que fue, posiblemente, el centro de gravedad de la vida del poeta. Esta madre a quien hizo representar a la Madre de Jesús en su película El Evangelio según San Mateo.

 

«   CIANT DA LI CIAMPANIS

Co la sera a si pièrt ta li fontanis

il me pais al è colòur smarit

(…) »

 

  La guerra lo pone en contacto con el dolor de la muerte. Primero la de su abuela, en 1944, y luego, un año más tarde, la de su hermano menor, Guido, que formaba parte de un grupo de partisanos, asesinado por otro grupo perteneciente al partido comunista.

  A fines de 1949 Pasolini es separado de sus funciones docentes y excluido del partido comunista a causa de sus costumbres. Se muda a Roma con su madre.

  Este desarraigo le es muy doloroso. Un gran desencanto se apodera de él.

  En 1974 vuelve a publicar el libro «La meglio giuventù» (La mejor juventud), de 1954 que contiene «Poesie a Casarta» y «Suite furlana», con el título de «La nuova giuventù» (La nueva juventud).

  Se trata, en realidad, de una reescritura de los poemas, una versión más oscura del mismo libro.

  «Fuente de agua de mi pueblo.  

No hay agua más fresca en mi pueblo.

Fuente de rústico amor.», se vuelve veinte años más tarde:

  «Fuente de agua de un pueblo que no es el mío.  

No hay agua más vieja que la de este pueblo.

Fuente de amor para nadie.»

  Es posible, como lo afirma el escritor Dominique Fernández, que Pier Paolo Pasolini nunca haya asumido su homosexualidad, que siempre se haya sentido culpable.

  Es así que escribe poco después de su partida de Casarta :

 

  «… ¿Pero por qué

antes de perderme? ¿Por qué incurablemente

¿Inocente? Debo pagar todo,

Sin piedad, justo yo

Que sólo traigo a la conciencia lúcida

Una existencia confusa, yo que, ingenuo,

me pierdo en faltas  

en que nunca sé creer,

yo que ignoro al mundo sabiendo

sacarle puras pasiones… Es una venganza

la que da la muerte, para mí inmortal.»

 


Su amigo, el escritor Alberto Moravia definía a Pasolini como un «poeta civil» cuya pasión era la de transformar al mundo.

 

«¿Qué vuelve descontento al poeta?

Una infinidad de problemas que existen qui nadie es capaz de resolver: y sin la resolución de los cuales la paz, la verdadera paz, la paz del poeta, es irrealizable.

Por ejemplo; el colonialismo. Esta violencia anacrónica de una nación sobre otra, con sus secuelas de mártires y de muertos.

O: el hambre, para millones y millones de subproletarios.

O: el racismo. El racismo como cáncer moral del hombre moderno y que, precisamente como el cáncer, toma una infinidad de formas. Es el odio que nace del conformismo, del culto de la institución, de la arrogancia de la mayoría. Es el odio por todo lo que es diferente, por todo lo que no entra en la norma y así perturba el orden burgués. ¡Desgraciado aquel que es diferente!  Este es el grito, la fórmula, el slogan del mundo moderno. Odio para con los negros entonces, los amarillos, la gente de color: odio para con los judíos, odio para con los niños rebeldes, odio para con los poetas.”

 

  Estas palabras, que nos parecen, en 2025, de total actualidad, fueron escritas como introducción del libro «La rabbia» (La rabia) publicado en 1964.

 

  Así como estos versos, del mismo libro:

 

«Si no se grita viva la libertad con humildad,

no se grita viva la libertad.

Si no se grita viva la libertad riendo,

no se grita viva la libertad.

Si no se grita viva la libertad con amor,

no se grita viva la libertad.

Ustedes, hijos de los hijos, gritan

Con desprecio, con rabia, con odio

viva la libertad,

¡no gritan, entonces, viva la libertad!

Hay una libertad verdadera y una libertad mentirosa,

Más vale ser los héroes de la libertad verdadera.

Sépanlo, hijos de los hijos,  

que gritan viva la libertad

con desprecio, con rabia, con odio.»

 

  Los asesinos de 1975 no pudieron callar la voz de Pier Paolo Pasolini. Resuena aún como la de Federico García Lorca matado por las brigadas franquistas. Como la de tantos otros poetas asesinados, encarcelados, desaparecidos…

  Poetas levantan hoy sus voces, los fascistas tratan de hacerlos callar.

  Poetas levantarán sus voces, los fascistas tratarán de hacerlos callar.

  Hasta que un día …

 

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