UNE PETITE HISTOIRE DE LA CHANSON EN FRANÇAIS (15)

 

MAI 68

“Prenez vos désirs pour des réalités”, “Soyez réalistes, demandez l’impossible”, “Sous les pavés la plage”, autant de graffiti qui expriment un esprit utopique exercé contre la société capitaliste et bureaucratique au nom du rêve, de la vie, du plaisir. L’esprit de mai 68 n’est pas exclusivement français, sa dimension est internationale.

En France, d’autre part, ce mouvement va accélérer la crise du régime semi-bonapartiste du général de Gaulle, comme le dit Raymond Aron (La Révolution introuvable) : “La crise de mai a surgi dans un régime fondé à ce point sur la magie d’un homme qu’avec le charisme du chef, tout s’effondrait, société comme État”.

Et la chanson dans tout cela ?

À l’aube du “grand chambardement”, la chanson traditionnelle se porte à merveille. Tino Rossi enregistre un double album de tangos ; Joséphine Baker se produit à l’Olympia ; Maurice Chevalier fait ses adieux au théâtre des Champs-Elysées ; Serge Reggiani fait son premier Bobino.

  D’un autre côté, Richard Antony chante Aranjuez, mon amour, Mireille Mathieu est la chanteuse préférée des Français et Claude François enregistre Comme d’habitude.

Deux chansons vont être diffusées en boucle, celle d’un inconnu Gérard Manset qui a produit lui-même son disque Animal on est mal, et Il est 5 heures, Paris s’éveille de Jacques Lanzmann, chantée par Jacques Dutronc.

Celle-ci aurait connu, de toutes manières, une large diffusion tandis que celle de Manset n’aurait jamais été diffusée sans les grèves et les manifestations.

https://www.youtube.com/watch?v=Xrexn9CZW5M

D’autres artistes, comme Dominique Grange et Évariste, s’engageront pleinement dans le mouvement contestataire.

Dominique Grange (1940) menait jusque-là une carrière confidentielle à l’ombre de Guy Béart. Puis, elle s’engage corps et âme dans le mouvement de mai 68.  Elle enregistre et chante dans les usines et les amphithéâtres occupés, A bas l’État policier, La pègre, Les nouveaux partisans. Cet engagement dure encore aujourd’hui. En 2021, Dominique Grange publie, avec son mari le dessinateur Jacques Tardi, l’album de BD Les nouveaux partisans.

https://www.youtube.com/watch?v=hPHpTdpOmKs

https://www.youtube.com/watch?v=RBpucyTFMBI

Évariste (1943), un brillant chercheur du nom de Joël Sternheimer, avait déjà enregistré quelques titres loufoques (La chasse au boson intermédiaire). En 1968, il sort un 45 tours dont la pochette est illustrée par Wolinski, avec deux titres : La Révolution et C’est la faute à Nanterre. (Rappelons que la contestation étudiante avait commencé à l’université de Nanterre).

https://www.youtube.com/watch?v=Jyo1M0umFBM

À l’automne certains artistes confirmés vont chanter Mai 68, Nougaro (Paris mai) poétise, …

https://www.youtube.com/watch?v=bB0cYvgkJSg

Ferrat (Au printemps, de quoi rêvais-tu ?) idéalise …

https://www.youtube.com/watch?v=LL2yYL_MwLE 

et Ferré (L’été 68) vitupère.

https://www.youtube.com/watch?v=_iav8gz9Mdw

  Colette Magny, est possiblement la seule des artistes directement inspirés par mai 68 à avoir laissé une empreinte durable, son album paru immédiatement après (Nous sommes le pouvoir) est une œuvre forte d’un réalisme saisissant.

https://www.youtube.com/watch?v=4atUxaS7XNU