L’esclavage en toutes lettres – La esclavitud con todas las letras (6)


En Équateur, comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, l’histoire de l’esclavage fut refoulée jusqu’à bien avancé le XXe siècle. Luz Argentina Chiriboga, elle-même afro descendante, publie, en 1994, le roman Jonatás y Manuela.

« À la tombée de la nuit, ils furent tous transportés vers trois goélettes qui hissèrent tout de suite leurs voiles. Les futurs esclaves descendirent par la trappe aux cales comblées de moustiques, de rongeurs et de captifs qui avaient le même destin. Ba.Lunda  hurle et, à l’instant, le chef de quadrille la prend par les cheveux et la menace au cas où elle répéterait ses cris. À travers son étonnement elle perçoit la puanteur de la cale. Les hommes empestent les sueurs macérées. Les femmes empestent la menstruation, les enfants empestent l’urine conservée, l’air empeste les choses pourries, elle-même se sentit empester les vomissures tombées sur sa peau. Enfermée dans cet endroit elle ne se résigne pas à se savoir prisonnière et ignorante de son destin, »  

Ba-Lunda, l’esclave venue d’Afrique, est la grand-mère de Jonatás, qui sera l’esclave, et l’amie, de Manuela Saenz, la maîtresse de Simon Bolivar, que l’on nomma « la libératrice du libérateur ».

Or, avant d’arriver aux luttes pour l’indépendance de l’Équateur, nous assistons au cruel processus de réification subi par les esclaves à leur arrivée en Amérique.

Tout d’abord la « carimba », pendant lequel on les marque comme du bétail.

« Un feu de camp éclairait l’endroit, ce matin-là, une demi-douzaine de bouts de fer furent placés sur lui. On marqua les mulets et, ensuite, les lettres incandescentes, les initiales du patron, furent appliquées sur les bras de ses esclaves attachés.   

Des cris tordus, des malédictions, des protestations se mêlèrent à l’odeur de la viande brûlée. La carimba les marqua pour toute la vie. »

Ensuite, le baptême, qui supprime la dernière marque identitaire, le nom qu’ils avaient porté depuis leur naissance.

« Il répéta la cérémonie avec chacune des prisonnières. Quand ce fut le tour de Nasakó, elle pleura et fut baptisée du nom de Juana Carabali. Mina devint Carmen Tate. Elles furent prévenues qu’elles seraient châtiées au cas où elles continueraient à porter leurs noms antérieurs.    

L’homme blanc, maître des plantations, leur avait volé le dernier bien qu’il leur restait, leurs noms. »

Ba-Lunda est la première des trois femmes noires au moyen desquelles Luz Argentina Chiriboga nous présente l’histoire de l’Équateur.

« Ba-Lunda comprit que maintenant elle devait être forte pour affronter un nouveau destin et préparer sa vengeance. » 

Sa fille, Nasakó, née en Afrique, adopte de bon gré son nouveau nom, Juana, et oublie ainsi ses origines et accepte son identité d’esclave. Elle finit par se marier avec un mulâtre qui s’occupe lui-même du commerce d’esclaves. 

Zanzi, Jonatás, la petite-fille née en Équateur, reprendra le flambeau de sa grand-mère, mais à partir d’une perspective américaine. Elle est achetée par don Simón Saenz de Vergara qui la place auprès de sa fille naturelle Manuela, qui deviendra, avec le temps, la maitresse de Bolivar.

Les deux enfants se lient d’amitié, une amitié qui ne s’éteindra jamais.

« Quand il n’y avait pas de jeux nocturnes, elle allait à la barque et s’y couchait les yeux fermés et les oreilles bien ouvertes, pour enregistrer les contes africains que racontaient les vieilles. C’était là que Manuela partageait avec les esclaves leurs repas et leurs rites. Elles profitaient su tempérament humoristique de Jonatas, qui passait la plupart du temps à leur raconter les histoires écoutées dans les plantations et à imiter les défauts et la manière de parler des autres. »  

Les deux jeunes filles s’influencent l’une l’autre.

« Elle se séparait, peu à peu, du monde blanc pour entrer dans celui de la négritude, le monde des couleurs gaies, le monde de la fantaisie. Manuela marcha vers le miroir et, se regarda heureuse en se mettant l’étoffe sur la poitrine, acceptant ainsi la racine de sa grand-mère panaméenne, de qui elle avait hérité la chevelure noire. (...) Il s’agissait là d’une nouvelle manière de penser, de se sentir sûre d’elle-même. Manuela choisit une coiffure avec des tresses et des cannetilles. »

Le roman s’achève sur le champ de bataille, celle de Pichincha, victoire décisive des patriotes équatoriens.

« La voix de Sucre donne l’ordre d’attaquer avec les clairons. Córdova, Morales, Ibarra et Santa Cruz exhortent leurs troupes. Le drapeau d’Abdón Calderón agite l’air du sommet, tandis que la chevalerie déploie son offensive. Un peloton libérateur, la baïonnette à cran, se lance dans la lutte corps à corps. De temps en temps, le bruit des canons s’arrête pour recommencer peu après avec plus de force. Jonatas regarde Manuela et pense jouer à la guerre, comme quand elles étaient enfants. »

Chiriboga poursuit avec ce roman le chemin entrepris par Manuel Zapata Olivella qui a mis en lumière le rôle des afro descendants durant les luttes d’indépendance en Amérique latine. Elle y ajoute, en choisissant Jonatas et Manuela comme protagonistes, une perspective afro féministe.

« L’esclave vieil homme les sentait incantés de ces dieux dont il avait gardé des traces sans alphabets. Et le bateau lui aussi l’émouvait. Il ne savait plus s’il était né sur l’Habitation ou s’il avait connu cette traversée en cale, mais chaque balancement d’un navire négrier dans les eaux calmes d’une rade, débusquait en lui un roulis primordial. Des claquements simultanés, d’ombres boueuses et de lumières liquides, peuplaient les fonds de son esprit soûlé par des algues visqueuses et des hautes-tailles marines. »

« Du temps de l’esclavage dans les isles-à-sucre », l’esclave vieil homme revient sur son passé, un passé flou dans sa mémoire

« Les esclaves aussi ont tenté d'en faire un « Papa ». Un charroyeur de terre promise. Un nannan de sens et d'histoire. Un guide, à la manière de ce maître-tuteur qui pilote la poussée du manioc. Un Mentor. Ils l'ont souventes fois questionné sur le Pays-d'avant, sur le sens de la voie, sur la nécessité de tuer le Maître-béké, ses marmailles, sa Madame, d'incendier la Grand-case. Des rebelles ont mandé sa bénédiction juste avant leur courir dans les bois et leur traque par le fatal molosse. Mais lui n'a jamais rien dit, ni jamais rien donné ni offert la moindre main à ces attentes magiques. Son silence tisonne les esprits. »

La magnifique langue créole de Patrick Chamoiseau, nous présente dans le roman L’esclave vieil homme et le molosse, ce vieil esclave qui, après toute une vie de soumission, décide de marroner. Il fuit cet esclavage qui lui a tout enlevé.

« Il répond à un nom dérisoire octroyé par le Maître. Le sien, le vrai, devenu inutile, s’est perdu sans qu’il ait eu le sentiment de l’avoir oublié. »

Le nombre de personnages, d’archétypes pourrait-on dire, se réduit au stricte minimum : l’esclave vieil homme, le Maître béké et le molosse chargé de poursuivre les marrons.

« Il décide donc de s’en aller, non pas de marronner mais d’aller. » Voici comment nous est présenté la fuite de l’esclave de la plantation.

« Le vieil homme courut. Il perdit très vite son chapeau, son bâton. Il courut. Courut sans aucune hâte. Un pas régulier qui le mena de manière sûre entre les zayonn. Il envoya son corps par-dessus les souches défuntes, terrassa du talon les branches agenouillées, dévala de recluses ravines vouées à de purs silences. Autour de lui, tout frissonna informe, noir de vulve, opacité chamelle, odeurs d'éternité lasse et de vie affamée. Les bas-bois étaient encore la proie d'une nuit millénaire. On eût dit un cocon de salive aspirante. Un autre monde. Un autre réel. »

Remarquons le rôle octroyé à la nature dans cette description.  L’esclave vieil homme s’introduira dans le bois comme dans une enveloppe protectrice.

Puis, après avoir failli perdre la vie dans une source sans fin, l’esclave vieil homme récupère son moi. Avec ce passage du « il » au « je » il devient guerrier.

« Je revenais vers le monstre. Je ne voyais plus rien des embarras de tout à l’heure. Je me sentais guerrier. »

Dans la forêt, il se trouve aussi face à la « pierre caraïbe », un rocher gravé par les premiers habitants de l’île.

« De vieux Caraïbes m’avaient instruit des plantes, des poissons sans venin et des racines alliées. Ils avaient déroulé (pour moi qui m’en souciais si peu) les récits de leurs peuples : les temps d’avant-temps, les temps premiers, les temps perdus – un long fil de paroles qui s’efforçait de combler l’univers. »

Chamoiseau, écrivain de la créolité tient compte ici de toutes les origines ethniques qui conforment le peuple antillais, en opposition aux tenants de la Négritude qui s’appuyaient principalement sur les afro descendants.

L’esclave vieil homme va rebrousser chemin pour aller a la rencontre du molosse. Ce sera aussi une marche arrière dans sa vie.

« La course en sens inverse exaltait ce désir en une rage de vaincre.

J’avais une charge de fois sur des bois-flots légers, affronté de hautes vagues, pour livrer des barils ou des boucauts de sucre aux bateaux d marchands. Aller contre les vagues, les négocier exact, utiliser leurs déchaînées contraires pour s’élever et trancher. Une ivresse ancienne retrouvée là, intacte au fond de ces Grands-bois. Mon boutou à la main, j’étais retombé chasseur. Me revenaient des cris d’assaut dans de claires savanes. Charges d’éléphants saignés et rugissements de fauves. Traques de crocodiles dans des courbes exténuées. Danses pour le courage des braves. Des blogodo de peuples et de dieux très fâchés. Une démence de quatre millions d’années éclairée de hautes flammes. Je revenais vers le monstre.»

« Je crois pleurer mais pleurer n'a pas de sens. Je crois encore ressentir une souffrance, ou même un frisson de peur quand le monstre se rapproche de moi. Mais tout cela n'est que réflexe de chair. Souvenirs fous de muscles. Sensible fixe de mes os. Mes os. Que diront-ils de moi ? Comme ces peuples réfugiés dans une pierre, je vais aboutir à quelques os perdus au fond de ces Grands-bois. (…) Le monstre s'approcha encore de l'être et, sans trop savoir pourquoi, avec la conviction dont il était capable, se mit à le lécher. Il ne léchait pas du sang, ou de la chair, ou de la sueur de chair. Il ne prenait pièce goût. Il léchait. C'était l'unique geste qui lui était donné. »

La mort de l’esclave vieil homme n’est pas nommé. Mais, à la fin du roman, nous pouvons lire :

« Les os furent retrouvés au fond des bois. Très souvent de vieux-nègres viennent m'exhiber l'antan. Le Marqueur de Paroles est pour eux un gardien du passé. Gouverneur-souvenirs. Bailleur de nostalgies des âges et des époques, des certitudes et des identités. »

Le Marqueur de Paroles étant, comme dans d’autres de ses romans, l’auteur lui-même. 

Dix ans après L’esclave vieil homme et le molosse, Patrick Chamoiseau publie Un dimanche au cachot.

Un dimanche de pluie, l’Éducateur, Chamoiseau, est appelé à l’aide par l’animateur de l’association La Sainte Famille, qui s’occupe d’enfants en difficulté dans l’ancienne habitation Gaschette. Caroline, l’une de ces enfants, a trouvé refuge dans un ancien cachot du temps de l’esclavage, et ne veut pas en sortir. « L’enfant semble envoûtée par la voûte... » de l’ancien cachot.

« L’Habitation Gaschette était une sucrerie esclavagiste. (…) Le premier propriétaire esclavagiste y commettait des cruautés dont nul ne fut témoin mais que personne n’oublie. »

L’Éducateur entre en contact avec Caroline er, dans l’ancien cachot, le passé et le présent se télescopent.

« Les cachots effrayants servaient aux maîtres békés à briser leurs esclaves. Ils y jetaient un quelconque indocile qui devenait l’exemple à ne pas suivre durant les mois d’une agonie. Dans l’estomac des pierres, l’exemple s’en allait au chemin des souffrances. » Et c’est là qu’apparaît la trace, le fantôme de l’Oubliée, une esclave indocile. Une régresse marronne, ce qui brise le cliché du marronnage exclusivement viril.

Le marronnage de l’Oubliée n’est pas la liberté qu’obtiennent ceux qui s’échappent dans les mornes, elle se trouve dans son esprit et dans ce sordide cachot.

« L’esprit de L’Oubliée ne pouvait s’évacuer du cachot, il y ramenait tout, reconstituait tout dans la masse de cette ombre, restait relié, comme à la chaîne d’une ancre, à cet obscur qui devenait son corps. »

Chamoiseau nous présente la Martinique victime de l’esclavage et de la colonisation au moyen de ses allers et retours entre le passé et le présent, entre l’Oubliée et Caroline, toutes deux victimes d’un système injuste.

Bibliographie

Chiriboga, Luz Argentina, Jonatás y Manuela. 1994, Abrapalabra Editores.

Lancelot Cowie, Esclavitud y resistencia de la mujer negra en Jonatás y Manuela, de Luz Argentina Chiriboga, The University of the West Indies (Trinidad y Tobago)

Chamoiseau, Patrick. L’esclave vieil homme et le molosse, 1997, Gallimard.

Chamoiseau, Patrick, Un dimanche au cachot, 2007, Gallimard 


En Ecuador, como en la mayoría de los países de América Latina, la historia de la esclavitud fue dejada de lado hasta bien avanzado el siglo XX. Luz Argentina Chiriboga, ella misma afro descendiente, publica en 1994 la novela Jonatás y Manuela.

“Al caer la tarde todos fueron trasladados a tres goletas que izaron enseguida sus velas. Los futuros esclavos bajaron por la boca de la escotilla a las bodegas abarrotadas de mosquitos, roedores y cautivos con el mismo destino. Ba-Lunda clama y, al instante, el jefe de cuadrilla la toma por la cabellera y la amenaza si repite sus gritos. A través de su asombro, percibe el hedor de la bodega. Los hombres apestan a sudores macerados,

las mujeres apestan a menstruación, los niños apestan a orines guardados, el aire apesta a cosas descompuestas, hasta ella misma se sintió apestosa a vómitos vaciados sobre su piel. Encerrada en aquel lugar, no se resigna a saberse prisionera e ignorante de su destino.” 

Ba-Lunda, la esclava llegada de África, es la abuela de Jonatás, quien será la esclava y la amiga de Manuela Saenz, la amante de Simón Bolívar, que llamaron la “libertadora del libertador”.

Antes de llegar, empero, a la luchas por la independencia del Ecuador, asistimos al cruel proceso de cosificación sufrido por los esclavos al llegar a América.

Primero de todo, la « carimba », durante la cual se los marca como ganado.

“Una fogata iluminaba el ambiente esa mañana; media docena de fi erros fueron colocados en ella. Se marcó a las acémilas y, después, las letras incandescentes, iniciales del patrón, fueron aplicadas en los brazos de sus esclavos, atados al rollo. Gritos retorcidos, maldiciones y protestas se mezclaron con el olor de la carne chamuscada. La carimba los marcó para toda la vida.”

Y luego, el bautismo, que suprime la última marca identitaria, el nombre que habían llevado desde su nacimiento.

“Reiteró la ceremonia en cada una de las prisioneras. Nasakó, al tocarle su turno, lloró y fue bautizada con el nombre de Juana Carabalí. Mina fue Carmen Taté. Fueron advertidas que serían castigadas en caso de continuar usando sus nombres anteriores.

El hombre blanco, dueño de cañaverales, les había robado lo último que les quedaba, sus nombres.”

Ba-Lunda es la primera de las tres mujeres negras por medio de las cuales Luz Argentina Chiriboga nos presenta la historia del Ecuador.

“Ba-Lunda comprendió que ahora debía ser fuerte para enfrentar un nuevo

destino y planear su venganza.”

Su hija, Nasakó, nacida en África, adopta de buen grado su nuevo nombre, Juana, y olvida así sus orígenes y acepta su identidad de esclava. Termina casándose con un mulato que se ocupa de la trata de esclavos.  

Zanzi, Jonatás, la nieta nacida en Ecuador, retomará la lucha de su abuela, pero a partir de una perspectiva americana. Es comprada por don Simón Sáenz de Vergara que la pone junto a su hija natural Manuela, que con el tiempo será la amante de Bolívar.

Las niñas se hacen amigas, una amistad que no se apagará jamás.

“Cuando no había juegos nocturnos, iba al barracón y se acostaba con los ojos cerrados y los oídos agrandados, para grabar lo cuentos africanos que contaban las viejas. Allí, Manuela compartía con las esclavas sus comidas y sus ritos. Disfrutaban del temperamento humorístico de Jonatás, que pasaba la mayor parte del tiempo refiriéndoles las historias escuchadas en los cañaverales y remedando los defectos y el habla de los demás. Cuando las lluvias no les permitían a las dos niñas salir, mientras aprendían a bordar y tejer, las esclavas volvían a narrarlas cómo las había capturado, cómo las trasladaron y volvieron a venderlas. De oír tantas veces estas cosas, lloraron con ellas. Las ancianas les reiteraban sus historias, en el anhelo de que no se perdieran con el paso del tiempo”

Las dos jóvenes se influencian una a otra.

“Paulatinamente, iba separándose del mundo blanco para entrar al de la negritud, al mundo de los colores alegres, al mundo de la fantasía. Manuela

caminó hacia el espejo y, al colocarse el tejido sobre el pecho, se miró feliz,

aceptando la raíz de su abuela panameña, era de ella de quien había heredado su cabellera negra. [. . . Y] se trataba de una nueva forma de pensar, de ser, sentirse segura de sí misma. Manuela eligió un peinado con trenzas y canutillos.’’

La novela termina en el campo de batalla, la de Pichincha, victoria decisiva de los patriotas ecuatorianos.

“La voz de Sucre en los clarines da la orden de ataque. Córdova, Morales, Ibarra y Santa Cruz exhortan a sus huestes. La bandera de Abdón Calderón agita el aire de la cumbre, mientras la caballería despliega su ofensiva. Un pelotón libertario, con bayoneta calada, arremete en lucha cuerpo a cuerpo. Por momentos el estallido de los cañones se detiene para volver con mayor estruendo. Jonatás ve a Manuela y siente estar jugando a la guerra, como cuando eran niñas”

Chiriboga prosigue con esta novela el camino emprendido por Manuel Zapata Olivella quien puso a la luz el papel de los afrodescendientes durante las luchas por la independencia en América Latina. Agrega, al elegir a Jonatás y Manuela como protagonistas, una perspectiva afro feminista. 

«El esclavo hombre viejo los sentía encantados por sus dioses de quienes había conservado rastros sin alfabetos. Y el barco también lo conmovía. Ya no sabía si había nacido en la Habitación o si había conocido esa travesía en la bodega, pero cada balanceo de un barco negrero en las aguas calmas de una bahía, despertaba en él un oleaje primordial. Estallidos simultáneos, sombras barrosas y luces líquidas, poblaban los fondos de su mente emborrachada por algas viscosas y altos tallos marinos.»

«En tiempos de la esclavitud en las islas de azúcar», el esclavo hombre viejo vuelve sobre su pasado, un pasado difuso en su memoria.

«Los esclavos intentaron también convertirlo en un «Papá». Un transportador de tierra prometida. Y alimento de sentido y de historia. Un guía, a la manera de un tutor maestro que pilotea el crecimiento de la mandioca. Un Mentor. A menudo le preguntaron sobre el País-de-antes, sobre el sentido del camino, sobre la necesidad de matar al Amo-beké, a sus críos, a si señora, incendiar la Gran choza. Rebeldes le pidieron su bendición justo antes de correr por los bosques y el acecho del fatal mastín, Pero él nunca dijo nada, ni dio ni ofreció ninguna mano a esas esperas mágicas. Su silencio atiza los espíritus.»

La magnífica lengua creol de Patrick Chamoiseau, nos presenta en la novela El esclavo hombre viejo y el mastín, a ese viejo esclavo quien, después de una vida de sumisión, decide hacerse cimarrón. Huye de esta esclavitud que le ha sacado todo.

«Responde a un nombre irrisorio otorgado por el Amo. El suyo, el verdadero, vuelto inútil, se perdió sin que tenga la sensación de haberlo olvidado.»

El número de personajes, de arquetipos podría decirse, se reduce al mínimo: el esclavo hombre viejo, el Amo beké y el mastín encargado de perseguir a los cimarrones.

«Decide entonces irse, no cimarronear, pero irse.» Así nos es presentada la huida del esclavo de la plantación.

«El hombre viejo corrió. Muy rápidamente perdió su sombrero, su bastón. Corrió. Corrió sin ningún apuro. Un paso regular que lo llevó de manera segura entre las hierbas de Guinea. Envió a su cuerpo por encima de las cepas difuntas, aplastó con el talón las ramas arrodilladas, se deslizó por barrancos recluidos dedicados a silencios puros. A su alrededor, todo tembló informe, oscuro de vulva, opacidad carnal, olores de eternidad cansada y de vida hambrienta. El fondo de los bosques era todavía presa de una noche milenaria. Se hubiera dicho un capullo de saliva aspirante. Otro mundo. Otra realidad.»

Notemos el papel otorgado a la naturaleza en esta descripción. El esclavo hombre viejo se introducirá en el bosque como en un envoltorio protector.

Luego, después de haber estado a punto de perder la vida en un manantial sin fondo, el esclavo hombre viejo recupera su yo. Con este paso del «el» al «yo», se vuelve un guerrero.   

«Me volvía hacia el monstruo. Ya no veía las dificultades de hacía un rato. Me sentía un guerrero.»

En el bosque se encuentra también frente a la «piedra caribe», una roca grabada por los primeros habitantes de la isla.

«Viejos caribes me habían instruido sobre las plantas, los peces sin veneno y las raíces aliadas. Habían desenrollado (para mí a quien poco importaban) los relatos de sus pueblos: los tiempos de antes del tiempo, los tiempos primeros, los tiempos perdidos -in largo hilo de palabras que se esforzaba por colmar el universo.»

Chamoiseau, escritor de la creolidad toma aquí en cuenta todos los orígenes étnicos que conforman al pueblo antillano, oponiéndose a los cultores de la Negritud quienes se apoyaban principalmente en los afrodescendientes.

El esclavo hombre viejo a a desandar camino para ir al encuentro del mastín. Será también una marcha atrás en su vida.

«La carrera en sentido inverso exaltaba ese deseo en una rabia por vencer.

Había muchas veces sobre maderas flotantes livianas enfrentado las altas olas, para entregar barriles o paquetes de azúcar a los barcos mercantes. Ir contra las olas, negociar con ellas, usar sus desencadenamientos contrarios para elevarse y decidir. Une ebriedad antigua vuelta a encontrar allí, intacta en el fondo de esos Grandes bosques. Con mi garrote en la mano, había vuelto a ser cazador. Me volvían los gritos de asalto en las claras sabanas. Cargas de elefantes, sangrados y rugidos de fieras. Acechos de cocodrilos en curvas extenuadas. Danzas por el coraje de los valientes. Encontronazos de pueblos y de dioses muy enojados. Une demencia de cuatro millones de años iluminada por altas llamas. Volvía hacia el monstruo.»

«Creo llorar pero llorar no tiene sentido. Creo aun sentir un sufrimiento, o un estremecimiento de miedo cuando el monstruo se me acerca. Pero todo esto sólo es un reflejo de la carne. Recuerdos locos de músculos. Fijación sensible de mis huesos. Mis huesos, ¿qué dirán de mí? Como estos pueblos refugiados en una piedra, voy a terminar como unos huesos perdidos en el fonde de estos Grandes bosques. (…) El monstruo se acercó aún del ser y, sin saber demasiado porqué, con la convicción de la que era capaz, se puso a chuparlo. No chupaba sangre, o carne, o sudor de la carne. No sentía gusto en ello.. Chupaba. Era el único gesto que le era dado.»

La muerte del esclavo hombre viejo no es nombrada. Pero al final de la novela podemos leer:

«Los huesos fueron encontrados en el fondo del bosque. Muy a menudo negros viejos vienen a mostrarme el antaño. El Marcador de Palabras es para ellos un guardián del pasado. Gobernador recuerdos. Arrendador de nostalgias de las edades y las épocas, de las certidumbres y de las identidades.»

Siendo el Marcador de Palabras, como en otras de sus novelas, el mismo autor.

Diez años después de El esclavo hombre viejo y el mastín, Patrick Chamoiseau publica Un domingo en el calabozo.

Un domingo de lluvia, el Educador, Chamoiseau, es llamado por el animador de la asociación La Sagrada Familia, que se ocupa de niños con dificultades en la antigua habitación Gaschette. Caroline, una de estas niñas, se ha refugiado en un antiguo calabozo de tiempos de la esclavitud y no quiere salir de allí. «La niña parece hechizada por la bóveda…» del antiguo calabozo.

«La Habitación Gaschette era un ingenio esclavista. (…) El primer propietario esclavista cometía allí crueldades de las que nadie fue testigo pero que nadie olvida.»

El Educador entra en contacto con Caroline y, en el antiguo calabozo, chocan el pasado y el presente.

«Los calabozos espantosos les servían a los amos bekés para quebrar a sus esclavos. Arrojaban en ellos a cualquier indócil que se volvía el ejemplo para no copiar durante los meses de una agonía. En el estómago de las piedras, el ejemplo se iba en el camino de los sufrimientos.» Y es allí que aparece el rastro, el fantasma de la Olvidada, una esclava indócil. Una negra cimarrona, lo que rompe elo estereotipo del cimarroneo exclusivamente viril.

El cimarroneo de la Olvidada no es la libertad que obtienen aquellos que se escapan a las colinas, se encuentra en su mente y en el sórdido calabozo.

«La mente de la Olvidada no podía evacuarse del calabozo, tofo volvía allí, reconstituía todo en la masa de esa sombra, quedaba unido, como con la cadena de un ancla, a esto oscuro que se volvía su cuerpo.»

Chamoiseau nos presenta Martinica víctima de la esclavitud y de la colonización mediante estas idas y venidas entre el pasado y el presente, entre la Olvidada y Caroline, ambas víctimas de un sistema injusto.

 

 

 

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