UNE PETITE HISTOIRE DE LA CHANSON EN FRANÇAIS (6)

 LA BELLE ÉPOQUE

Ah Daniel, mon cher Daniel/Que c’est donc beau la Tour Eiffel ! – La Tour Eiffel –O’Monroy-Dihan


Quand le 6 mai 1889, le président Sadi Carnot inaugurait sur le Champ-de-Mars, l’Exposition Universelle, la France, avec sa tour Eiffel toute neuve, présentait à ses trente millions de visiteurs un visage éclatant de vitalité.

  Les crises n’ont toutefois pas manqué, qui montraient, peut-être, la vraie nature de cette IIIe République : le scandale de Panama qui étalait aux yeux des Français toute la corruption parlementaire, l’affaire Dreyfuss et son relent de racisme et d’injustice...

  L’émergence des classes moyennes et de la petite bourgeoisie, l’industrialisation et l’urbanisation vont contribuer à poser les fondements de nouvelles formes de consommation de la chanson, d’abord avec le café-concert, puis avec le music-hall. D’autre part la tradition chansonnière renaît dans les cabarets de Montmartre.

  Dans ces années, la chanson devient le miroir de l’époque, du patriotisme exacerbé (Le maître d’école alsacien, Le clairon) à l’apologie de l’impérialisme colonial, sous couvert d’exotisme (La petite Tonkinoise, À la cabane bambou) en passant par les passions politiques et les changements de mœurs.

https://www.youtube.com/watch?v=rN9ftscf0xM

 

Or, ce qui caractérise la Belle Époque, c’est le vedettariat : la montée de l’interprète connu, celui dont on connaissait le visage, l’habillement et parfois même la vie privée grâce à la photo et la publicité. Le phonographe permet aussi de connaître leurs voix.

  Mais tout le monde n’a pas de phono, alors les chansons sont colportées par les chanteurs des rues qui, après les avoir interprétées, vendent les petits formats où l’on trouve paroles et musique ce qui permet de les chanter dans les foyers. Cela durera bien avancées les années 30.

LE CAFÉ-CONCERT

  Né sous le Second Empire, il va connaître son âge d’or au tournant du siècle, avant d’être remplacé par le music-hall et le cinéma. Divertissement populaire par excellence, le café-concert rassemble les classes sociales, le prix des places est modeste, on peut boire et fumer. L’actualité y trouve une chambre d’écho, reflet des mœurs du temps, c’est aussi le lieu où se développe le phénomène de la vedette. On y va applaudir le chanteur ou la chanteuse, les plus grands obtiennent des cachets énormes pour l’époque. On compte quelque deux cents café-concert à Paris en 1890, l’Alcazar, l’Eldorado, la Scala, les Ambassadeurs

Polin (1863-1927) fut le plus célèbre d’entre eux. Avant de chanter dans les salles les plus importantes, il débuta modestement dans des concerts de quartier. Il se présente en uniforme, képi planté de travers. Des centaines de chansons qu’il créa on retiendra Le p’tit objet, La caissière du grand café, Aux Tuileries et La petite Tonkinoise, reprise par Joséphine Baker avec le succès que l’on connaît.

https://www.youtube.com/watch?v=UhWqBRJhYm4 

Yvette Guilbert (1867-1944) connaît des débuts difficiles, manquant de voix et de rondeurs, elle se fait siffler au casino de Lyon. Un certain succès arrive plus tard avec La pocharde. Elle cultive alors un genre tragico-comique et se crée une silhouette, la dame rousse aux gants noirs, vêtue de satin vert, immortalisée par Toulouse Lautrec. Elle trouve son vrai public au Divan Japonais. C’est là qu’on la baptise la “diseuse fin de siècle”.

  Elle chante alors “Les vierges” de Mac Nab où les mots parlés, supprimés par la censure, sont remplacés par des mots “toussés”, ce qui accentue le caractère grivois de la chanson

Viendra plus tard la consécration avec, entre autres, Le fiacre, de Xanrof et Madame Arthur, de Paul de Kock.

  En 1899, elle doit interrompre sa carrière pour des raisons de santé. Elle ne la reprendra que seize ans plus tard avec un répertoire complètement différent. Elle chante les poètes, Baudelaire, Verlaine, Montherlant, Jammes et surtout les auteurs du Moyen Âge.

  Malgré son “spectre de voix”, comme le disait Gounod, avec elle chaque chanson devenait grâce à sa diction une petite pièce de théâtre en miniature

https://www.youtube.com/watch?v=T8b3u3KRTxI

Un fiacre allait trottinant

Ca hin, ca ha, hue-dia hop-là

Un fuicre allait trottinant

Jaune avec un cocher blanc.

 

Derrière les stores baissés,

Ca hin, ca ha, hue-dia hop-là

Derrière les stores baissés

On entendait des baisers.

 

Puis une voix disait: “Léon”

Ca hin, ca ha, hue-dia hop-là

Puis une voix disait: “Léon,

Tu m’fais mal, ôte ton lorgnon”

 

Un vieux monsieur qui passait

Ca hin, ca ha, hue-dia hop-là

Un vieux monsieur qui passait

S’écrie: “Mais on dirait

qu’c’est...”

 

“Ma femme avec un quidam”

ca hin, ca ha, hue-dia hop-là

“Ma femme avec un quidam”

il s’lance sur le macadam

 

Mais il glisse sur l’sol mouillé,

Ca hin ca ha, hue-dia hop-là

Mais il glisse sur l’sol mouillé

Crac, il est écrabouillé.

 

Du fiacre une dame sort et dit

Ca hin, ca ha, hue-dia hop-là

Du fiacre une dame sort et dit

“Chouette, Léon. C’est mon mari.”

“Y’a plus besoin d’nous cacher”

ca hin, ca ha, hue-dia hop-là

“Y’a plus besoin d’nous cacher

Donne donc cent sous au cocher”

Le fiacre, Xanrof – Yvette Guilbert 

https://www.youtube.com/watch?v=VXhWj_aBVRc


Eugénie Buffet était née en Algérie en 1866 où elle débuta comme comédienne sous le nom de Julyani. Elle fit son premier tour de chant à la Cigale en 1890.

  D’abord “gigolette”, elle créa rapidement un nouveau genre, la “pierreuse” (À Saint-Lazare, Les gueux).

  Le succès vient en 1892 avec La sérénade du pavé, qu’elle chante dans les rues en quêtant pour les blessés de l’expédition de Madagascar (1895). Sa popularité devient immense, chaque calamité publique ou privée lui est prétexte pour chanter et quêter aux carrefours.

  Pendant la guerre elle chante de nouveaux dans les rues pour le “sou du poilu”.

  Elle meurt en 1934. Sur sa tombe on peut lire “Eugénie Buffet, cigale nationale, caporal des poilus, chevalier de la Légion d’honneur”.

https://www.youtube.com/watch?v=gTsjyk1WXFU

 

Si je chante sous ta fenêtre

Ainsi qu’un galant troubadour

Et si je veux t’y voir paraître

Ce n’est pas hélas ! par amour.

Que m’importe que tu sois belle,

Duchesse ou lorette aux yeux doux,

Ou que tu laves la vaisselle,

Pourvu que tu jettes deux sous.

Sois belle oh ! ma chère inconnue,

Pour qui j’ai si souvent chanté,

Ton offrande est la bienvenue,

Fais-moi la charité.

Sois bonne oh ! ma chère inconnue

Pour qui j’ai si souvent chanté,

Devant moi, devant moi,

Sois la bienvenue.

La sérénade du pavé, Varney 


On peut dater la naissance de ce qui fut le creuset de la chanson d’auteur française de la création, en 1878, d’un nouveau café littéraire au Quartier Latin, Les Hydropathes, suivi dix ans plus tard de celle du Chat-Noir, au pied de la Butte Montmartre.

Rodolphe Salis (1852-1897), peintre de son état, eut l’idée de créer un café “Louis XIII ...avec un lustre en fer forgé de l’époque byzantine et où les gentilhommes, les bourgeois et les manants seraient invités à boire l’absinthe habituelle à Victor Hugo et de l’hypocras dans des coupes d’or”. De Louis XIII, à la première adresse du Chat Noir, 84, boulevard Rochechouart, il n’y avait qu’un fauteuil. Quant à l’hypocras ce n’était que du vin servi dans un décor sommaire. Mais à la porte, Salis avait eu l’idée de placer un Suisse splendidement chamarré, chargé d’accueillir la clientèle

 

   L’enseigne, dessinée par Wilette, s’inspirait d’un conte de Poe, “The black cat”. Goudeau, qui assistait Salis, recréa au Chat-Noir l’ambiance qui avait fait les beaux jours des Hydropathes, en alternant poésies et chansons. Bientôt, le cabaret devint trop exigu, il fallut déménager, cette fois rue de Laval. Le déménagement s’effectua en grande pompe, en chantant un refrain écrit par Aristide Bruant.

https://www.youtube.com/watch?v=gkoF4o4Jy5A

 

Je cherche fortune

Autour du Chat-Noir

Au clair de la lune

À Montmartre le soir

 

C’est avec la création du Chat-Noir que l’on peut dater la naissance du chansonnier au sens moderne du terme. On voit se succéder sur les scènes des cabarets de Montmartre, le Mirliton, la Lune rousse, la Boîte à musique, l’Auberge du clou...des artistes aussi divers que Gaston Couté, Maurice Mac Nab, Xavier Privas, Lucien Boyer et bien sûr Aristide Bruant et Yvette Guilbert.

 

Écharpe rouge, chapeau noir et veste de velours côtelé, voilà l’image, tirée des affiches de Toulouse Lautrec, que notre mémoire conserve d’Aristide Bruant (1851-1925). Il fut tout d’abord apprenti bijoutier, puis employé des Chemins de Fer, avant de connaître, après la guerre de 70, ses premiers succès au café-concert. Son répertoire se composait de scies populaires et de chansons humoristiques (L’enterrement de belle maman).

  Introduit au Chat-Noir par Jules Jouy, il change de style et compose ses chansons de quartier, À Grenelle, À Batignolles, À Montparnasse, Â la Bastille..., réunies plus tard dans un recueil, Dans la rue (1889).

  Quand le Chat-Noir déménage, il s’installe dans l’ancien local qu’il baptise Le Mirliton.

  Il prend l’habitude d’invectiver la clientèle : “Oh! La la,, c’te gueule, c’te binette. Oh! La la, c’te gueule qu’il a !” et à son départ: “Tous les clients sont des cochons, surtout les clients qui s’en vont!” Le Tout Paris défile dans son cabaret, se faire injurier par Bruant devient, pour la bourgeoisie, du dernier chic.

  Riche et célèbre, Bruant achète le Concert de l’Époque et se retire, en 1924, à Courtenay, où il était né.

  Bruant a chanté le pavé de Paris, le petit peuple des barrières, les apaches et les gigolettes avec âpreté et tendresse.

https://www.youtube.com/watch?v=xx1CsYp_pMY


Papa c'était un lapin

Qui s'app'lait J.-B. Chopin

Et qu'avait son domicile,

A Bell'ville;

L' soir, avec sa p'tit famille,

I' s' baladait, en chantant,

Des hauteurs de la Courtille,

A Ménilmontant.

 

I' buvait si peu qu'un soir

On l'a r'trouvé su'l' trottoir,

Il' tait crevé bien tranquille,

A Bell'ville;

On l'a mis dans d' la terr' glaise,

Pour un prix exorbitant,

Tout en haut du Pèr'- Lachaise,

A énilmontant.

 

Depuis c'est moi qu'est l' souteneur

Naturel à ma p'tit' sœur,

Qu'est l'ami' d' la p'tit' Cécile,

A Bell'ville;

Qu'est sout'nu' par son grand frère,

Qui s'appelle Eloi Constant,

Qui n'a jamais connu son père

A Ménilmontant.

 

Ma sœur est avec Eloi,

Dont la sœur est avec moi,

L'soir, su'l' boul'vard, ej' la r'file,

A Bell'ville;

Comm' ça j' gagn' pas mal de braise,

Mon beau-frère en gagne autant,

Pisqu'i r'fil' ma sœur Thérèse,

A Ménilmontant.

 

L' Dimanche, au lieu d'travailler,

J'mont' les môm' au poulailler,

Voir jouer l'drame ou l'vaud'ville,

A Belle'ville;

Le soir, on fait ses épates,

On étal' son culbutant

Minc' des g'noux et larg' des pattes,

A Ménilmontant.

 

C'est comm' ça qu' c'est l' vrai moyen

D'dev'nir un bon citoyen :

On grandit, sans s' fair' de bile,

A Bell'ville;

On cri' :

Viv' l'Indépendance !

On a l’cœur bath et content,

LES CHANSONNIERS PROLÉTAIRES

La fin du XIXe siècle voit naître une nouvelle génération de chansonniers militants, des socialistes comme Montéhus, des anarchistes comme Charles d’Avray. Certains d’entre eux se réunissent dans un groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires qui publiera successivement La chanson ouvrière et La Muse rouge.

Gaston Brunswick, dit Montéhus (1872-1952) connut de son vivant, comme auteur et interprète, un succès populaire considérable. Trois parmi la centaine de chansons qu’il écrivit sont restées dans les mémoires : Gloire au 17ème, La jeune garde et La Butte rouge. Il fut aussi l’ami de Lénine qui, exilé en France, se plaisait à l’écouter.

  En 1914, l’antimilitariste par excellence qu’était Montéhus change de discours et compose des chansons patriotiques, ce que certains ne lui pardonneront jamais.

  En 1919, il revient à ses premières convictions pour composer son chef-d’oeuvre, La butte rouge. La butte en question se trouve à Baupaume, en Champagne, où avait sévi la répression ouvrière.

  Chantre de toutes les revendications, de toutes les luttes sociales, la popularité de Montéhus commence à s’éteindre dans les années 20.

https://www.youtube.com/watch?v=NOc_6SZPZiQ

Sur c'te butte là, y avait pas d'gigolette,

Pas de marlous, ni de beaux muscalins.

Ah, c'était loin du moulin d'la galette,

Et de Paname, qu'est le roi des pat'lins.

 


C'qu'elle en a bu, du beau sang, cette terre,

Sang d'ouvrier et sang de paysan,

Car les bandits, qui sont cause des guerres,

N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents.

 

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptème s'fit un matin

Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin

Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin

Qui boira d'ce vin-là, boira l'sang des copains

 

Sur c'te butte là, on n'y f'sait pas la noce,

Comme à Montmartre, où l'champagne coule à flôts.

Mais les pauv' gars qu'avaient laissé des gosses,

I f'saient entendre de pénibles sanglots.

 

C'qu'elle en a bu, des larmes, cette terre,

Larmes d'ouvrier et larmes de paysan,

Car les bandits, qui sont cause des guerres,

Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans.

 

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptème s'fit un matin

Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin

Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin

Qui boit de ce vin-là, boira les larmes des copains

 

Sur c'te butte là, on y r'fait des vendanges,

On y entend des cris et des chansons.

Filles et gars, doucement, y échangent,

Des mots d'amour, qui donnent le frisson.

 

Peuvent-ils songer dans leurs folles étreintes,

Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers,

J'ai entendu, la nuit, monter des plaintes,

Et j'y ai vu des gars au crâne brisé.

 

La Butte Rouge, c'est son nom, l'baptème s'fit un matin

Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin

Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin

Mais moi j'y vois des croix, portant l'nom des copains

La Butte rouge, Monthéus - Georges Krier

 

Quand Lénine habitait la rue Marie-Rose, dans le quartier du Petit-Montrouge, il n’allait pas entendre que Montéhus. En 1910, il écrit à sa sœur: “...je compte aller dans un cabaret, pour une goguette révolutionnaire avec des chansonniers...” Il s’agissait du Groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires qui avaient pris le nom de La Muse rouge et dont la publicité, parue dans leur organe La chanson aux chansonniers, disait : “Goguettes mensuelles de chansonniers révolutionnaires, le 1er dimanche de chaque mois, salle Jules, 6, Boulevard Magenta. Deux heures de chansons entre camarades. Entrée libre”.

  On pouvait y entendre tout ce que les chansonniers de la Muse rouge publiaient dans leur revue et en petits formats. On y trouvait les signatures de Gaston Couté, Léon de Bercy, Charles d’Avray, Xavier Privas, Paul Paillette...


Gaston Couté
(1880-191), originaire du sud de la Beauce, s’installe à 18 ans à Paris. Ses débuts à Montmartre sont difficiles, mais il finit par imposer ses chansons qui expriment la dure condition des paysans de sa région, en français et en patois beauceron, et les misères de la vie des travailleurs.

https://www.youtube.com/watch?v=eLUy7dwtccM&list=PL483A0765BD74D321 

Je r’passe tous les ans quasiment dans les mêmes parages

Et tous les ans, j’trouve du changement de d’ssus mon passage

À tous les coups, c’est pas l’même chien qui gueule à mes chausses

Et pis voyons, si je m’souviens, voyons dans c’coin d’Beauce

 

Y avait dans l’temps un bieau grand chemin

Chemineau, chemineau, chemine !

A c’t’heure n’est pas pus grand qu’ma main

Par où donc que j’cheminerai d’main ?

 

En Beauce, vous les connaissez pas, pour que ren n’se parde,

Mangerint on n’sait quoué ces gars-là, y mangerint d’la marde !

Le ch’min, c’était, à leur jugé, d’la bonne terre pardue

À chaque labour y l’ont mangé d’un sillon d’charrue

 

Y avait dans l’temps un bieau grand chemin

Chemineau, chemineau, chemine !

A c’t’heure n’est pas pus grand qu’ma main

Par où donc que j’cheminerai d’main ?

 

Z’ont groussi leurs arpents goulus d’un peu d’glébe toute neuve

Mais l’pauv’ chemin en est d’venu mince comme eune couleuv’

Et moué qu’avais qu’li sous les cieux pour poser guibolle !

L’chemin à tout l’monde, nom de Guieu ! C’est mon bien qu’on m’vole !

 

Y avait dans l’temps un bieau grand chemin

Chemineau, chemineau, chemine !

A c’t’heure n’est pas pus grand qu’ma main

Par où donc que j’cheminerai d’main ?

 

Z’ont semé du blé su l’terrain qu’y r’tirent à ma route

Mais si j’leur en d’mande un bout d’pain, y m’envoyent fair’ foute !

Et c’est p’t-êt’ ben pour ça que j’voués, à m’sure que c’blé monte,

Les épis baisser l’nez d’vant moué comme s’i’s avaient honte !

 

Y avait dans l’temps un bieau grand chemin

Chemineau, chemineau, chemine !

A c’t’heure n’est pas pus grand qu’ma main

Par où donc que j’cheminerai d’main ?

 

Ô mon bieau p’tit chemin gris et blanc su’ l’dos d’qui que j’passe !

J’veux pus qu’on t’serre comme ça les flancs, car moué j’veux d’l’espace !

Ousque mes allumettes a sont ? dans l’fond d’ma pann’tière

Et j’f’rai ben r’culer vos mouessons Ah ! les mangeux d’terre !

 

Y avait dans l’temps un bieau grand chemin

Chemineau, chemineau, chemine !

A c’t’heure n’est pas pus grand qu’ma main

Par où donc que j’cheminerai d’main ?

 

Y avait dans l’temps un bieau grand chemin,

Chemineau, chemineau, chemine !

A c’t’heure n’est pas pus grand qu’ma main

J’pourrais bien l’élargir, demain !

Les mangeux d’terre, Gaston Couté

 

Paul Paillette (1840-1920) est l’auteur de poèmes libertaires qu’il vendait lui-même en fascicule, dont Les temps anarchistes sur l’air du Temps des cerises.

https://www.youtube.com/watch?v=z4GPqza_T9I


Léon de Bercy
chanta au Chat-Noir, dirigea avec sa femme l’Àne rouge de 1903 à 1905. Il publiait ses chansons dans le journal du Chat-Noir, dans Le libertaire et dans la Muse rouge.

https://www.youtube.com/watch?v=2OjrPvryiW4

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