UNE PETITE HISTOIRE DE LA CHANSON EN FRANÇAIS (4)

LA RÉVOLUTION

La République nous appelle, /Sachons vaincre et sachons périr - Le Chant du Départ – Chénier-Méhul

 


  Sous la Révolution, la chanson est à l’ordre du jour. On en dénombre au moins trois mille, manuscrites ou imprimées.

  L’évènement le plus connu de la Révolution, la prise de la Bastille est lui-même l’objet d’une chanson narrative en cinq épisodes : Départ pour le siège de la Bastille, Délivrance des captifs, Prise du gouverneur, Siège et prise de la Bastille et enfin Réjouissance après la victoire.

https://www.youtube.com/watch?v=3lriiD5A4CQ


  Un an après, pour la Fête de la Fédération, Ladré, un chanteur public qui vendait ses œuvres sur le Pont Neuf, adapta des paroles révolutionnaires à un air de contredanse, “Le carillon national”, de Bécourt. C’est le célèbre Ah ! Ça ira.

https://www.youtube.com/watch?v=YrRyFsQBzmM

« Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira

Le peuple en ce jour sans cesse répète

Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira

Malgré les mutins tout réussira »

Le jour même de la Fête, et sous la pluie, un citoyen improvise

« Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira

En dépit d’z’aristocrates et d’la pluie

Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira

Nous nous mouillerons, mais ça finira. »

Or, c’est une autre version encore de ce refrain qui se répandra dans tout le pays.

« Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira

Les aristocrates à la lanterne

Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira

Les aristocrates on les pendra »

 

Sous l’Empire, elle passa à la clandestinité mais chaque fois que l’espoir renaissait, elle renaissait aussi, on l’entendit pendant les cent jours, en 1830, en 1848. Jusqu’à la fin du XIXe siècle ce fut le chant subversif par excellence.

 

Mais la chanson n’était pas exclusivement politique. Il ne faut pas oublier que la majorité des Français resta cantonnée dans le rôle de spectateurs des évènements. On continuait à danser et à assister au spectacle. C’est là qu’on va entendre les multiples versions de Cadet Rousselle, écrite en 1792 par le vaudevilliste Joseph Aude sur une contredanse d’auteur inconnu.

https://www.youtube.com/watch?v=_pN_e1MlBR8


« Cadet Rousselle a trois maisons

Qui n’ont ni poutres ni chevrons

C’est pour loger les hirondelles

Que diriez-vous de Cadet Rousselle ? 


Ah ! Ah ! Ah ! Oui vraiment

Cadet Rousselle est bon enfant ! »

Cette même année 1792 vit naître les deux pièces musicales les plus connues de la période révolutionnaire, la Marseillaise et la Carmagnole.

Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre au roi de Hongrie et de Bohème. Le 24, la nouvelle arrive à Strasbourg où un officier de l’armée républicaine, Claude Rouget de L’Isle (1760-1836) compose un Chant de guerre qu’il chante pour la première fois, devant dix personnes, le 25 avril, chez le maire de Strasbourg, le citoyen Dietrich. Il s’est largement inspiré des proclamations des clubs populaires. Le bataillon de volontaires auquel il appartient s’appelant d’ailleurs Les enfants de la Patrie, il commence tout naturellement “Allons, enfants de la Patrie...”

  Le chant est colporté à Montpellier, d’où les volontaires, en partance pour Paris, l’emmènent à Marseille. Il arrive à Paris le 29 juillet et on le rebaptise Hymne des Marseillais. Sa diffusion est rapide. Présent à Valmy et sur tous les champs de bataille, il est chanté sur les places, dans les théâtres, lors des fêtes civiques.

  De 1799 à 1789, la Marseillaise va épouser étroitement les avancées et les reculs des idées de 1789. Après la disparition de la Ière République, l’Empire et la Restauration tentèrent de la faire disparaître. Resurgie lors des révolutions de 1830 et 1848, elle fut de nouveau interdite sous le Second Empire. Elle triompha en 1870 et fut officialisée en 1879 par la IIIe République.

https://www.youtube.com/watch?v=TkAFABKQf6o

La Carmagnole est l'hymne des sans-culottes à partir de 1792¿. Originaire du Piémont, cette ritournelle facile à retenir révèle l'évolution de l'état d'esprit des Français. Marie-Antoinette et Louis XVI y sont désignés sous le nom de monsieur et madame Veto. La constitution de 1791 a en effet laissé au roi le pouvoir exécutif et un droit de veto sur l'adoption des lois : les sans-culottes l'accusent d'en abuser. La chanson stigmatise également la « trahison » du roi qui a pris la fuite pour être finalement arrêté à Varennes en 1791. Enfin, La Carmagnole dénonce l'attitude du roi face à guerre : il s'est opposé à une levée en masse de 200 000 volontaires pour « sauver la patrie », ce qui a provoqué sa chute en 1792.

https://www.youtube.com/watch?v=ZXGnKy2NNOE

En 1794, la Convention reçoit la délégation de Saint-Domingue (Haïti) et proclame l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises. Il s’agit du « sage décret » dont il est question dans le premier couplet de « La liberté des nègres » composée par le citoyen Piis.

https://www.youtube.com/watch?v=_alXU4ojIug

« Le savez-vous, Républicains,

Quel sort était le sort du nègre

Qu'à son rang, parmi les humains,

Un sage décret réintègre ;

Il était esclave en naissant !

Puni de mort pour un seul geste….

On vendait jusqu’à son enfant….

Le sucre était teint de son sang….

Daignez m’épargner tout le reste.

 

De vrais bourreaux, altérés d’or,

Promettant d’alléger ses chaînes,

Faisaient, pour les serrer encor

Des tentatives inhumaines.

Mais contre leurs complots pervers,

C'est la Nature qui proteste ;

Et deux Peuples brisant leurs fers

Ont, malgré la distance des mers,

Fini par s’entendre de reste.

 

Qu’ont dit les députés des noirs

A notre Sénat respectable,

Quand ils ont eu de leurs pouvoirs

Donné la preuve indubitable :

« Nous n’avons plus de poudre, hélas !

Mais nous brûlons d’un feu céleste,

Aidez nos trois cent mille bras

A conserver dans nos climats

Un bien plus cher que tout le reste. »

 

Soudain, à l’unanimité :

« Déclarez à nos colonies,

Qu’au désir de l’humanité

Elles sont par vous affranchies.

Et si des peuples oppresseurs,

Contre un tel vœu se manifestent ;

Pour amis et pour défenseurs,

Enfin, pour colons de nos cœurs,

Songez que les Français vous restent. »

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