Un roman d’aventures – Una novela de aventuras
La porte du voyage sans retour, David Diop
Seuil, 2021
« Je suis parti au Sénégal à la recherche des plantes, des fleurs, des coquillages et des arbres qu’aucun autre savant européen n’avait décrits jusqu’alors, et j’y ai rencontré des souffrances. Les habitants du Sénégal ne nous sont pas moins inconnus que la nature qui les environne. Pourtant nous croyons les connaître assez pour prétendre qu’ils nous sont naturellement inférieurs », ainsi s’exprime Michel Adanson, botaniste des Lumières, dans le dernier roman de David Diop, La porte du voyage sans retour. Une opinion qui tranche avec celles qui circulaient à l’époque, et qui justifiaient aussi bien la colonisation que l’esclavage par le biais d’un supposée infériorité des Africains. Opinion qui, malgré les avancées de la science, a encore la vie dure.
Diop s’est inspiré,
pour écrire ce roman, des cahiers d’Adanson, à l’exception de l’histoire
d’amour entre celui-ci et la belle Maram, inventée de toutes pièces, comme
l’auteur lui-même l’avoue dans de nombreuses interviews.
L’écrivain franco-sénégalais nous offre, donc, un autre roman historique après l’éblouissant Frère d’âme. Il quitte les tranchées de la Grande Guerre et les tirailleurs sénégalais, pour s’intéresser aux aventures du botaniste Michel Adanson, cet homme de sciences du XVIIIe siècle qui fut envoyé au Sénégal pour y faire des recherches. Tout comme dans son roman antérieur, David Diop nous fait aussi réfléchir sur notre époque, sur un racisme qui, très souvent, ne dit pas son nom et qui peut se cacher dans le discours bienveillant d’un président. L’approche d’Adanson n’est nullement bienveillante, il est curieux de découvrir ses interlocuteurs qu’il ne regarde jamais d’en haut. Sa découverte et son émerveillement face à la langue wolof en est une preuve très claire.
Le botaniste
débarque au Sénégal à l’époque précoloniale, au temps des comptoirs commerciaux,
comptoirs commerciaux qui importaient aussi bien des esclaves que des denrées
alimentaires.
Michel Adanson ne
juge pas la civilisation qu’il découvre à l’aune des idées européennes. Il
apprend le wolof et en savoure toutes les subtilités. Il découvre les hommes
dont son guide, son « passeport au Sénégal », Ndiak, le fils
du roi du Waalo, qui deviendra son ami.
Considérant les
« Nègres » ses égaux, le savant s’oppose à l’esclavage, même si, de
retour en France, il rédigera une notice en faveur de l’esclavage, dans le seul but de satisfaire ses ambitions
de reconnaissance scientifique et de publier son « Orbe universel »,
ce qui n’arrivera jamais.
« Et,
prisonnier de ma quête de reconnaissance et de gloire, institué par mes pairs
spécialistes de tout ce qui avait trait au Sénégal, j’ai publié une notice,
destiné au Bureau des Colonies, sur les avantages du commerce des esclaves pour
la Concession du Sénégal à Gorée.
J’ai subodoré,
j’ai argumenté, j’ai aligné des chiffres favorables à ce trafic infâme contre
mes convictions désormais profondément cachées, enfouies dans mon âme. »
Il faudrait
souligner que les opinions des hommes des Lumières sur ce sujet sont souvent
contrastées. On passe de l’abolitionisme militant d’un Diderot aux propos
franchement racistes d’un Voltaire qui écrivait que les Blancs « paraissent
supérieurs aux nègres, comme les nègres le sont aux singes, et comme les singes
le sont aux huîtres. »
Revenons à Adanson
qui ne tombe pas seulement amoureux d’un pays et de sa langue. Il apprend, un
jour, l’existence de Maram, une jeune femme qui a pris la fuite avant d’être
réduite en esclavage.
Il se lance à sa poursuite, prétextant devant le directeur de la Concession du Sénégal, « observer sur place les procédés de teinture » d’un type d’indigo « en usage chez les Nègres » du Cap Vert, où se trouverait la jeune femme. Le directeur en profite pour faire d’Adanson son informateur pour mieux connaître les agissements des rois de la région.
Le botaniste tombe
éperdument amoureux de Maram, bien qu’il sache que cet amour n’a aucun avenir.
L’aventure les
mènera jusqu’à l’île de Gorée, d’où partirent des millions d’esclaves vers les
Antilles et les Amériques. Cette île de Gorée que l’on appelait « la
porte du voyage sans retour », appellation qui donne son titre au
roman de David Diop.
Si Frère d’âme
n’avait guère que les couleurs de la gadoue et du sang, on pourrait dire que ce
nouveau roman de David Diop présente toute une palette de teintes qui vont de
celles plus sombres de l’esclavage et de la violence, aux plus flamboyantes de
la découverte d’une nature inconnue et surtout de l’Autre qui habite cette
nature.
«Partí al Senegal en busca de las plantas, de las flores, de los caracoles y de los árboles que ningún otro sabio europeo había descubierto hasta entonces, y allí encontré sufrimientos. Los habitantes dek Senegal nos son tan desconocidos como la naturaleza que los rodea. Creemos sin embargo conocerlos bastante como para pretender que nos son naturalmente inferiores», así se expresa Michel Adanson, botánico de las Luces, en la última novela de David Diop, La porte du voyage sans retour (La puerta del viaje sin retorno). Una opinión que se diferencia de las que circulaban en aquella época, y que justificaban tanto la colonización como la esclavitud, con una supuesta inferioridad de los africanos. Opinión que, a pesar de los avances de la ciencia, subsiste aún.
Diop se inspiró, para escribir esta novela, de los cuadernos de Adanson,
con la excepción de la historia de amor entre aquel y la bella Maram, inventada
totalmente, como el autor mismo lo ha confesado en numerosas entrevistas.
El escritor franco senegalés nos ofrece, entonces, otra novela histórica
después del deslumbrante Frère d’âme (traducido como Hermanos del
alma). Abandona las trincheras de la Gran Guerra y los soldados
senegaleses, y se interesa en las aventuras del botánico Michel Adanson, ese científico
del siglo XVIII que fue enviado a Senegal para hacer investigaciones. Como en
su novela anterior, David Diop nos hace también reflexionar sobre nuestra
época, sobre un racismo que, muy a menudo, no dice su nombre y que puede
esconderse en el discurso benevolente de un presidente. La mirada de Adanson no
es de ninguna manera benevolente, es curioso por descubrir a sus interlocutores
que nunca mira desde arriba. Su descubrimiento y su admiración frente a la
lengua wolof es una prueba muy clara de ello.
El botánico desembarca en Senegal en la época precolonial, en tiempos de los puestos comerciales, puestos comerciales que importaban tanto esclavos como productos alimenticios.
Michel Adanson no juzga la civilización que descubre según los parámetros
de las ideas europeas. Aprende el wolof y saborea todas sus sutilezas. Descubre
a los hombres entre ellos a su guía, su «pasaporte en el Senegal», Ndiak, el hijo del rey de Waalo, que se
volverá su amigo.
Considerando como sus iguales a los «negros», el sabio se opone a la
esclavitud, aún si, de vuelta en Francia, redactará una nota a favor de la
esclavitud, con el único objetivo de satisfacer sus ambiciones de
reconocimiento científico y publicar su “Orbe universal”, lo que no ocurrirá
nunca.
«Y, prisionero de mi búsqueda de reconocimiento y de gloria,
instituido por mis pares especialistas den todo lo que tenía relación con el
Senegal, publiqué una nota, destinada a la oficina de las Colonias, sobre las
ventajas del comercio de esclavos para la Concesión del Senegal en Gorée.
Imaginé, argumenté, alineé cifras favorables a este tráfico infame
contra mis convicciones desde entonces profundamente escondidas, hundidas en mi
alma.»
Habría que subrayar que las opiniones de los hombres de las Luces sobre
este tema son a menudo diversas. Pasamos del abolicionismo militante de un
Diderot hasta las palabras francamente racistas de un Voltaire que escribía que
los blancos “parecían superiores a los negros, como los negros lo son de los
monos, y como los monos lo son de las ostras”.
Volvamos a Adanson que no se enamora solamente de un país y de su
lengua. Se entera, un día, de la existencia de Maram, una joven que huyó antes
de caer en la esclavitud.
Se pone a buscarla, pretextando ante el director de la Concesión del
Senegal, «observar en el lugar los procedimientos de tintura» de un tipo
de índigo «en uso entre los negros» de Cabo Verde, donde se encontraría
la joven. El director aprovecha para hacer de Adanson su informador para
conocer mejor los actos de los reyes de la región.
El botánico se enamora perdidamente de Maram, aunque sepa que este amor no tiene ningún porvenir.
La aventura los lleva hasta la isla de Gorée, desde donde partieron
millones de esclavos hacia las Antillas y las Américas. Esta isla de Gorée que
llamaban «la puerta del viaje sin retorno», nombre que da su título a la novela
de David Diop.
Si Hermanos del alma tenía apenas los colores del barro y de la
sangre, se podría decir que esta nueva novela de David Diop presenta toda una
paleta de tonos que van de los más sombríos de la esclavitud y la violencia, a
los más llamativos del descubrimiento de una naturaleza desconocida y sobre
todo el Otro que habita esta naturaleza.
Con su tercera novela, David Diop se revela como una de las mejores
plumas de la literatura actual en lengua francesa.
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