Les sœurs Nardal, la Négritude occultée. Las hermanas Nardal, la Negritud ocultada
« Césaire, Damas et Senghor ont repris les idées que nous avions brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelles et de brio. Nous n’étions que des femmes mais de véritables pionnières. Nous avons indiscutablement ouvert la voie », écrivait, en 1963, Paulette Nardal à l’historien Jacques Hymans.
Née en 1896, Paulette Nardal est l’aînée de 7
sœurs appartenant à une famille de la bourgeoisie cultivée noire de Martinique.
Leur père, petit-fils d’esclaves, est ingénieur, leur mère est professeur de
piano. Les 7 sœurs reçoivent une éducation soignée.
Paulette et Jane quittent l’île dans les
années 20 et deviennent les premières étudiantes noires inscrites à la
Sorbonne, l’aînée en anglais, la cadette en littérature.
C’est à Paris qu’elles prennent conscience et
se penchent sur leur identité noire.
Il faut préciser que ce Paris des années 20
est entiché de culture noire, surtout nord-américaine, on va voir Joséphine Baker danser dans la Revue Nègre du théâtre des
Champs-Élysées, le Bal Nègre est l’un
des endroits à la mode. Les peintres, de leur côté, s’inspirent de l’art
africain.
Oubliant
ainsi l’horreur de l’esclavage, aboli il y a un peu plus d’un
demi-siècle, et les centaines de
tirailleurs sénégalais morts pour la France durant la guerre de 14.
Le mot « nègre » n’a rien perdu de sa valeur péjorative, mais il
s’emploie pour nommer des choses plus frivoles, voire plus exotiques et
excitantes, que les peuples colonisés.
Paulette Nardal entre donc à la Sorbonne y faire des études d’anglais, elle rédige un
mémoire sur La case de l’oncle Tom et
y subit aussi des remarques racistes.
« C’est
en France que j’ai pris conscience de ma différence »,
affirmera-t-elle plus tard.
Dans la capitale, elle fait la connaissance de
l’écrivain René Maran, qui vient d’obtenir le prix Goncourt pour Batouala, un vrai réquisitoire contre
la violence de la colonisation. Dans le salon de l’auteur guyano-martiniquais,
elle rencontre, entre autres, des membres de la Harlem Renaissance qui
échappent, à Paris, des lois ségrégationnistes de leur pays.
Paulette lit avec enchantement les œuvres de
ces écrivains et tente, en vain, de faire éditer sa traduction de New Negro,
une anthologie des poètes afro-américains du philosophe Alan Locke.
Son cousin Louis-Thomas Achille, en khâgne (classe préparatoire pour les
Grandes Écoles) à Louis-le-Grand, entraîne chez elle l’un de ses camarades, le
Sénégalais Léopold Sédar Senghor qui, à son tour, y amènera Aimé Césaire.
Dans le salon des sœurs Nardal, on discute
donc sur l’actualité, sur l’émergence croissante des hommes et des femmes noirs
dans la vie culturelle. Il y est en train de naître ce que Louis-Thomas Achille
appelle un « humanisme noir ».
On comprend que c’est dans ce terreau que va
germer l’idée de la Négritude.
En 1923, Jane Narval débarque en France et
entame des études de lettres. Deux ans plus tard, elle assiste à la soutenance
de thèse d’Anna Cooper, une Afro-américaine de 66 ans, née esclave. C’est le
déclic. Dès 1928, elle collabore à La
Dépêche africaine, une publication qui, sans demander sa fin, prône pour
une profonde réforme de la colonisation. L’un de ses articles s’intitule
« L’internationalisme noir ». Elle propose aussi d’appeler
Afro-latins, les Noirs de France, à l’instar de ceux des États-Unis qui se nomment
Afro-américains.
L’éditorial du premier numéro, intitulé Ce que
nous voulons faire, affirmait :
« Donner
à l'élite intellectuelle de la Race noire et aux amis des Noirs un organe où
publier leurs œuvres artistiques, littéraires et scientifiques.
Etudier
et faire connaître par la voix de la presse, des livres, des conférences ou des
cours, tout ce qui concerne la CIVILISATION NEGRE et les richesses naturelles
de l'Afrique, patrie trois fois sacrée de la Race noire :
Créer
entre les Noirs du monde entier, sans distinction de nationalité, un lien
intellectuel et moral qui leur permette de se mieux connaître, de s'aimer
fraternellement, de défendre plus efficacement leurs intérêts collectifs et
d'illustrer leur Race, tel est le triple but que poursuivra "LA REVUE DU
MONDE NOIR".
Par ce
moyen, la Race noire contribuera avec l'élite des autres Races et tous ceux qui
ont reçu la lumière du vrai, du beau et du bien, au perfectionnement matériel,
intellectuel et moral de l'humanité.
Sa
devise est et restera :
Pour la
PAIX, le TRAVAIL et la JUSTICE.
Par la
LIBERTÉ, l'EGALITÉ et la FRATERNITÉ.
Et
ainsi, les deux cent millions de membres que compte la Race noire quoique
partagés entre diverses Nations, formeront, au-dessus de celles-ci, une grande
DÉMOCRATIE, prélude de la Démocratie universelle. »
La récurrence du terme race peut sembler
incongru, aujourd’hui que l’ADN a prouvé qu’une seule espèce existe sur la
planète, l’espèce humaine.
Toutes deux sont alors fichées par la police.
Les numéros destinés à l’Afrique et aux Antilles de la revue ne parviendront
jamais à destination, sur ordre du Ministère des Colonies.
Puis, Jane étant rentrée en Martinique,
Louis-Thomas étant parti à l’université Howard faire de cours de français,
commence ce que l’on pourrait appeler la traversée du désert de Paulette
Nardal.
Il faut dire que son amour inconditionnel
envers la France, en ces temps où les idées d’indépendance pointent un peu partout
dans les colonies, et sa foi catholique la mettent à l’écart.
En 1935, Césaire, Senghor et Damas publient L’Étudiant noir, point de départ de
leur Négritude. Paulette Nardal y collaborera occasionnellement.
Son salon ferme un an après.
Elle rentre en Martinique où la surprend la
déclaration de guerre de 1939. Elle embarque pour la métropole mais le paquebot
où elle voyage est attaqué par les Allemands. Elle est grièvement blessée et
passe plus d’un an en Angleterre où l’on la soigne.
Paulette gardera jusqu’à sa mort, en 1985, le
regret de ne pas avoir été reconnue à sa juste valeur, d’avoir été effacée de l’histoire
de la Négritude.
« Il
est peut-être bon, même si cette influence n’a pas été, à leur avis (l’avis
de pères de la Négritude) décisive, de
leur rappeler que ces idées ont eu des promotrices qui, malheureusement,
étaient des femmes », disait-elle à Philippe Grollemund.
La reconnaissance ne viendra qu’après sa mort
et, tout d’abord, des États-Unis où, au début des années 2000, des chercheurs
des « Black studies »,
si décriées en France, se penchent sur l’histoire des sœurs Nardal.
En France, les chercheurs s’intéressent aussi
à leur histoire et elles figurent sur la liste de 368 noms de personnalités
issues de la diversité dressée par l’historien Pascal Blanchard et proposée aux maires pour baptiser leurs rues.
Deux sœurs, Paulette et Jane Nardal, façonnées par leur époque et leur éducation, certes, mais qui marquèrent d’une manière indélébile l’histoire de France, et non seulement des Noirs de France.
Sources :
Fiertés de femme noire. Entretiens, mémoires
de Paulette Nardal, de Philippe Grollemund, l'Harmattan, 2018
M le magazine du Monde 17 juillet 2021
« Césaire, Damas y Senghor tomaron
las ideas que habíamos esgrimido y las expresaron con mucho más chispas y brío.
Sólo éramos mujeres pero verdaderas pioneras. Indiscutiblemente abrimos el
camino», escribía, en
1963, Paulette Nardal al historiador Jacques Hymans.
Nacida en
1896, Paulette Nardal es la mayor de 7 hermanas pertenecientes a una familia de
la burguesía culta negra de la Martinica. Su padre, nieto de esclavos, es
ingeniero, su madre es profesora de piano. Las 7 hermanas reciben una educación
cuidada.
Paulette y
Jane dejan la isla en los años 20 y son las primeras estudiantes negras
inscriptas en la Sorbona, la mayor en inglés, la menor en literatura.
En París
toman consciencia y se interesan en su identidad negra.
Hay que
precisar que este París de los años 20 se entusiasma por la cultura negra,
sobre todo norteamericana, van a ver a Josephine
Baker bailar en la Revue Nègre
del teatro Champs-Elysées, al Bal Nègre,
uno de los lugares de moda. Los pintores, por su parte, se inspiran en el arte
africano.
Olvidando
así el horror de la esclavitud, abolido hace poco más de medio siglo, y los
centenares de soldados senegaleses muertos por Francia en la guerra del 14.
La palabra «
nègre » no ha perdido nada de su
valor peyorativo, pero se emplea para nombras cosas más frívolas, aún más
exóticas y excitantes, que los pueblos colonizados.
Paulette
Nardal entra entonces a la Sorbona para hacer estudios de inglés, redacta una
disertación sobre La Cabaña del Tío Tom
y sufre también comentarios racistas.
«En Francia tomé consciencia de mi diferencia»,
afirmará más tarde.
En la
capital conoce al escritor René Maran,
que acaba de obtener el premio Goncourt por Batouala, un verdadero requisitorio contra la violencia de la
colonización. En el salón del autor guyanomartiniqués conoce, entre otros, a
miembros de la Harlem Renaissance
que escapan, en París, a las leyes segregacionistas de su país.
Paulette lee
encantada las obras de estos escritores e intenta, en vano, hacer publicar su
traducción de New Negro, una
antología de poetas afroamericanos del filósofo Alan Locke.
Se
instala poco después en un departamento
de la calle Hébert, en Clamart que será uno de los centros del pensamiento
negro parisino. Sus hermanas residirán allí durante sus estudios
universitarios.
Su primo Louis-Thomas Achille, en preparatoria
en el liceo Louis-le-Grand, lleva a uno de sus compañeros, el senegalés Léopold
Sédar Senghor quien, a su vez, llevará a Aimé Césaire.
Se
comprende que la idea de la Negritud va a germinar en esta tierra.
En 1923,
Jane Narval desembarca en Francia e inicia estudios de letras. Dos años más tarde
asiste a la defensa de tesis de Anna Cooper, una afroamericana de 66 años que
nació siendo esclava. Es el desencadenante. A partir de 1928 colabora con La Dépêche africaine, una publicación
que, sin pedir su término, pide una profunda reforma de la colonización. Uno de
sus artículos se intitula « El
internacionalismo negro ». Propone también llamar afrolatinos a los
negros de Francia, así como los de los Estados Unidos se nombran
afroamericanos.
El
editorial del primer número, llamado Lo que queremos hacer, afirma:
« Dar a la elite intelectual de la Raza negra
y a los amigos de los negros un órgano en que publicar sus obras artísticas,
literarias y científicas.
Estudiar y dar a conocer por la voz de la
prensa, libros, conferencias o cursos, todo lo concerniente a la CIVILIZACIÓN
NEGRA y las riquezas naturales de África, patria tres veces sagrada de la Raza
negra:
Crear entre los negros del mundo entero, sin
distinción de nacionalidad, un lazo intelectual y moral que les permita
conocerse mejor, amarse fraternalmente, defender más eficazmente sus intereses
colectivos e ilustrar su Raza, tal es el triple objetivo que seguirá « LA
REVISTA DEL MUNDO NEGRO”.
Por este medio, la Raza negra contribuirá con
la elite de otras Razas y todos aquellos que hayan recibido la luz de lo
verdadero, de lo bello y del bien, al perfeccionamiento material, intelectual y
moral de la humanidad.
Su lema es y seguirá siendo:
Por la PAZ, el TRABAJO y la JUSTICIA.
Con la LIBERTAD, la IGUALDAD y la FRATERNIDAD.
Y así, los doscientos millones de miembros con
que cuenta la Raza negra aunque repartidos entre diversas Naciones, formarán
por arriba de estas, una gran DEMOCRACIA, preludio de la Democracia universal.»
La recurrencia
del término raza puede parecer incongruente, hoy que el ADN ha probado que
existe una sola especie en el planeta, la especie humana.
Ambas son
fichadas por la policía. Los números de la revista destinados a África o a las
Antillas nunca llegarán a destino, por orden del Ministerio de las Colonias.
Luego, habiendo
Jane vuelto a la Martinica, Louis-Thomas habiendo ido a la universidad Howard
dar cursos de francés, comienza lo que podría llamarse el cruce del desierto de
Paulette Nardal.
Digamos que
su amor incondicional por Francia, en esos tiempos en que las ideas de
independencia aparecen en todas la colonias, y su fe católica la ubican un poco
en el margen.
En 1935,
Césaire, Senghor y Damas publican L’Étudiant
noir, punto de partida de su Negritud. Paulette Nardal colaborará
ocasionalmente.
Su salón
cierra un año más tarde.
Vuelve a
Martinica donde la sorprende la declaración de guerra de 1939. Embarca para la
metrópolis pero el barco en el que viaja es atacado por los alemanes. Es
gravemente herida y pasa más de un año en Inglaterra en recuperación.
Paulette lamentará
hasta su muerte, en 1985, el no haber sido reconocida en su justo valor, el
haber sido borrada de la historia de la Negritud.
« Es quizás bueno, aún si esta influencia no
ha sido, en su opinión (la de los padres de la Negritud) decisiva,
recordarles que esas ideas tuvieron promotoras que, desafortunadamente,
eran mujeres », le decía a Philippe Grollemund.
El
reconocimiento sólo llegará después de su muerte y, en principio, de los Estados
Unidos, donde, a comienzos de los años 2000, investigadores de los « Black studies », tan criticados en
Francia, se vuelcan sobre la historia de la hermanas Nardal.
En Francia,
los investigadores se interesan también en su historia y figuran en la lista de
368 personalidades provenientes de la diversidad preparada por el historiador Pascal Blanchard y propuesta a los intendentes
para bautizar sus calles.
Dos
hermanas, Paulette y Jane Nardal, formadas por su época y su educación,
ciertamente, pero que marcaron imborrablemente la historia de Francia, y no
sólo la de los negros de Francia.
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