FICHES DE LECTURE – FICHAS DE LECTURA Littérature africaine : briser les tabous – Literatura africana : romper los tabúes

 De purs hommes, Mohamed Mnougar Sarr, Philippe Rey, 2018

Les Impatientes, Djaily Amadou Amal, Emmanuelle Collas, 2020

Deux romanciers, et ce ne sont pas les seuls, osent briser des tabous ancrés solidement dans la culture africaine. Mohamed Mbougar Sarr est sénégalais, avec son troisième roman, De purs hommes, il s’attaque à l’un des interdits les plus tenaces des pays africains, l’homosexualité. Djaïli Amadou Amal, autrice camerounaise, nous fait partager, dans Les Impatientes, le destin des jeunes femmes de son pays mariées de force.

« Mais je ne le pouvais pas. Je ne le peux pas, papa. Même si j’avais l’impression que ce n’était pas de ma vie qu’il était question, les actes qu’on rapportait étaient les miens. Il fallait que je les assume. Factuellement, la rumeur avait raison : je m’étais plusieurs fois recueilli sur la tombe d’Amadou après ma première rencontre avec sa mère, j’avais passé une soirée avec le góor-jigéen le plus réputé du pays et j’avais enseigné Verlaine à l’université. La rumeur rapportait donc des faits exacts, mais leur interprétation, leur signification, les conséquences et conclusions qu’elle en tirait ne disaient pas la vérité. Elle touchait à la vérité factuelle, mais manquait totalement la dimension métaphysique. Pourtant, comment l’expliquer à mon père et Adja Mbène sans donner raison à la rumeur ? Comment l’expliquer sans aggraver mon cas ?

Adja Mbène, elle, aurait peut-être pu comprendre. Elle était plus patiente et avait plus d’empathie que mon père. Mais comprendre quoi ? Que je n’étais pas un góor-jigéen, comme je n’étais pas l’amant d’Amadou, l’élève de Samba Awa, l’agent de la propagande gay à travers la poésie de Verlaine ? Était-ce tout ce qu’il y avait à dire pour être innocent ? Mon humanité se jouait-elle là, dans la preuve que je devais apporter de mon non-être homosexuel ? Du reste, comment apporter cette preuve ? Ma parole suffirait peut-être à mon père et à Adja Mbène ; mais elle ne pèserait rien contre la rumeur. On ne renonce pas si aisément au plaisir de colporter sans conséquences un ragot malveillant. Il faut de solides contre-arguments à une mauvaise rumeur pour qu’elle s’arrête. Je n’en avais pas. Si on vous déclare : « Il paraît, monsieur, que vous êtes un pédé patenté », que peut-on répondre ? Sans doute rien. »

Nous entendons ici la voix de Ndéné Gueye, un jeune professeur de lettres  sénégalais qui découvre une vidéo virale où le cadavre d’un homme est déterré et trainé hors du cimetière par un groupe d’hommes en colère. Il s’agit du corps d’un góor-jigéen, un homme-femme, un homosexuel, c’est l’un de ces hommes à qui on refuse une tombe.

À travers les différents personnages que rencontre Gueye, Rama, sa maîtresse, une femme libre dans ses choix ; son père, un imam enfermé dans le carcan de ses préceptes religieux ; la mère du jeune homme expulsé du cimetière ; Awa Samba, un travesti, figure flamboyante et curieusement intouchable du folklore local, Mohamed Mbougar Sarr nous présente une société hypocrite retranchée derrière des traditions, des préjugés et de normes religieuses d’une énorme violence.

Or, bien que De purs hommes pointe les tares de la société sénégalaise, sa portée n’en est pas moins universelle, les violences homophobes, aussi bien de la part de certains États que des particuliers,  sont aujourd’hui, malheureusement, à l’ordre du jour.

Mohamed Mbougar Sarr, un jeune auteur doué d’un grand talent et qui s’est déjà attaqué à des sujets sensibles, le djihad dans Terre ceinte et les migrants, avec  Silence du Chœur, nous offre ici ce roman bouleversant, qui n’a rien d’un pamphlet contre l’homophobie, écrit dans une langue ciselée, précise autant que poétique.

 

La langue de Djaïli Amadou Amal a, par contre bien moins de relief, ce qui donne aux Impatientes un certain parfum de naïveté.

Trois femmes en sont les protagonistes, toutes trois mariées de force par leur père, toutes trois appartenant à la classe fortunée du Cameroun, une société où la polygamie est de mise et où la femme n’a aucun droit et un devoir prioritaire qui se résume en un mot : « Munyal », la patience. Si ton mari te bat, te trompe, te viole, munyal, sois patiente, tu n’as sûrement pas fait assez d’efforts pour lui plaire.

Ramla, pas encore majeure, a fait des études et voudrais les poursuivre à l’université, elle souhaite, en outre, épouser le garçon qu’elle aime. Son père en décide autrement et la marie de force à l’un de ses partenaires en affaires, dont Safira est la première épouse.

Celle-ci, qui ne veut pas partager son mari, se ruine en marabouts et autre jeteurs de sorts afin de se débarrasser de Ramla.

Nous trouvons, enfin, Hindou, demi-sœur de Ramla, que l’on marie à son cousin Moubarak, un jeune homme alcoolique, drogué et violent. « Ce n’est pas un viol. C’est une preuve d’amour. On conseilla tout de même à Moubarak de refréner ses ardeurs vu les points de suture que ma blessure nécessita », nous dit-elle suite à un accès de violence de son mari.

Toute cette violence se déroule dans un cadre chatoyant d’étoffes précieuses, de beaux meubles, de voyages à Paris ou à Dubaï, les Mecques de la société de consommation.

La patience, pour ces femmes, cesse d’être une vertu pour devenir un châtiment, une vraie malédiction. Une malédiction qui perdure, hélas !, grâce à la complicité des femmes elles-mêmes, prisonnières d’un système patriarcal et inhumain.

 

Deux livres que je pense incontournables à un moment de l’histoire où les Droits Humains sont remis en cause, sont en danger, un peu partout sur la planète, où les idéaux d’égalité et de solidarité semblent se diluer.

Ce n’est pas que de l’Afrique dont ils nous parlent, c’est de l’être humain, de sa part d’ombre. Or, bien qu’un livre, actuellement, puisse difficilement changer la marche du monde, leur lecture peut nous faire espérer un avenir plus juste.

 

Dos novelista, y no son los únicos, se atreven a romper los tabúes anclados sólidamente en la cultura africana.. Mohamed Mbougar Sarr es senegalés, con su tercera novela, De purs hommes (Puros hombres), ataca uno de los interdictos más tenaces de los países africanos, la homosexualidad. Djaïli Amadou Amal, autora camerunesa, nos hace compartir, en Les Impatientes (Las impacientes), el destino de las jóvenes mujeres de su país casadas por la fuerza.  

 

« Pero yo no podía. No puedo, papá. Aún si tenía la impresión de que no se trataba de mi vida, los actos de los que hablaban eran los míos. Tenía que asumirlos. Fácticamente, el rumor tenía razón: varías veces me había recogido ante la tumba de Amadou, después de mi primer encuentro con su madre, había pasado una tarde con el góor-jigéen más renombrado del país y había enseñado a Verlaine en la universidad. El rumos hablaba entonces de hechos exactos, pero su interpretación, su significado, las consecuencias y conclusiones que sacaba de ello no decían la verdad. Tocaban a la verdad fáctica, pero carecía totalmente de dimensión metafísica. ¿Cómo explicarlo, sin embargo, a mi padre y a Adja Mbène sin darle la razón al rumor? ¿Cómo explicarlo sin agravar mi caso?

Adja Mbène quizás habría podido entenderme. Era más paciente y tenía más empatía que mi padre. ¿Pero entender qué? Que yo no era un góor-jigéen, como no era el amante de Amadou, el alumno de Samba Awa, el agente de la propaganda gay por intermedio de la poesía de Verlaine? ¿Era todo lo que tenía que decir para ser inocente? ¿Mi humanidad se jugaba en la prueba que debía aportar de mí no ser homosexual? ¿Por otra parte, como aportar esta prueba? Mi palabra les bastaría quizás a mi padre y a Adja Mbène; pero no pesaría nada contra el rumor. No se renuncia tan fácilmente al placer de llevar sin consecuencias un chisme malicioso. Se necesitan sólidos contra argumentos ante un rumor malvado para que se detenga. Yo no los tenía. Si le declaran a uno: « Parece, señor,  que usted es un marica patentado”, ¿qué puede uno contestar? Nada, sin dudas.»

Oímos aquí la voz de Ndéné Gueye, un joven profesor de letras senegalés que descubre un video viral en que el cadáver de un hombre es desterrado y arrastrado fuera del cementerio por un grupo de hombres iracundos. Se trata del cuerpo de un góor-jigéen, un hombre-mujer, un homosexual, es uno de esos hombres a quien le niegan una tumba.

Por intermedio de los diferentes personajes que encuentra Gueye, Rama, sa amante, una mujer libre en sus elecciones; su padre, un imam encerrado en la armadura de sus preceptos religiosos; la madre del joven expulsado del cementerio; Awa Samba, un travesti, figura flamígera y curiosamente intocable del folklore loca, Mohamed Mbougar Sarr nos presenta una sociedad hipócrita encerrada detrás de sus tradiciones, de los prejuicios y de normas religiosas de una enorme violencia.

Por más que De purs hommes, empero,  apunte las taras de la sociedad senegalesa, su alcance no es menos universal, las violencias homofóbicas, tanto de parte de ciertos estados como de los particulares, están hoy, desgraciadamente, a la orden del día.

Mohamed Mbougar Sarr, un joven autor dotado de un gran talento y que ya se abocó a temas sensibles, el djihad en Terre ceinte y los migrantes con Silence du Chœur, nos ofrece aquí esta novela conmovedora que no tiene nada de un panfleto contra la homofobia,  escrita en una lengua cincelada, precisa tanto como poética.

 

La lengua de Djaïli Amadou Amal tiene, por lo contrario, mucho menos relieve, lo que da a  Les Impatientes un cierto dejo de ingenuidad.

Tres mujeres son las protagonistas, las tres casadas por la fuerza por su padre, las tres pertenecientes a la clase afortunada del Camerún, una sociedad en la que la poligamia está a la orden del día, y donde la mujer no tiene ningún derecho y un deber prioritario que se resume en una palabra:  « Munyal », la paciencia. Si tu marido te pega, te engaña, te viola, munyal, se paciente, seguramente no hiciste suficientes esfuerzos para gustarle.

Ramla, que aún no es mayor, estudió y querría seguir en la universidad, desea, además, casarse con el chico que ama. Su padre decide otra cosa y la casa por la fuerza con uno de sus socios de negocios, de quien Safira es la primera esposa.

Esta, que no quiere compartir a su marido, se arruina en marabús y otros brujos para sacarse de encima a Ramla.

Encontramos, por fin, a Hindou, medio hermana de Ramla, a quien casan con su primo Moubarak, un joven alcohólico, drogadicto y violento. “No es una violación. Es una prueba de amor. Aconsejaron de todos modos a Moubarak que refrenara sus ardores, en consideración de los puntos de sutura que necesitó mi herida”, nos dice ella luego de un acceso de violencia de su marido.  

Toda esta violencia se desarrolla en un marco reluciente de telas preciosas, de bellos muebles, de viajes a París o a Dubái, las mecas de la sociedad de consumo.

La paciencia, para estas mujeres, deja de ser una virtud para volverse un castigo, una verdadera maldición. Una maldición que desgraciadamente perdura, gracias a la complicidad de las mismas mujeres, prisiones del sistema patriarcal e inhumano.

Dos libros que considero inevitables en un momento de la historia en que los Derechos Humanos son cuestionados, están en peligro, en muchos lados del planeta, en que los ideales de igualdad y de solidaridad parecen diluirse.

No sólo nos hablan de África, nos hablan del ser humano, de su lado oscuro. Sin embargo, aunque un libro, actualmente, pueda difícilmente cambiar la marcha del mundo, su lectura puede hacernos esperar un porvenir más justo.

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