Douleur d’Haïti – Dolor de Haití
Je parle d’un pays où je n’ai jamais mis les pieds, que je ne connais que par le biais de ses artistes, ainsi que de certains de ses ressortissants, enseignants comme moi, que j’eus le bonheur de rencontrer.
Et j’en parle aussi
à cause d’un fait bien oublié : la nation haïtienne fut la première
république indépendante d’Amérique latine, en 1804, quatre ans avant le
Mexique. Et ce grâce à la bataille de Vertières, où l’armée haïtienne, des
anciens esclaves, vainquit l’armée napoléonienne.
Que puis-je dire de
plus ? Qu’un beau jour, les écrivains haïtiens m’ont fait tomber amoureux
de leur pays, que ces mêmes romanciers, que ces mêmes poètes ont changé à tout
jamais mon regard sur leur pays, que la plupart des gens regardent avec
commisération, ou, pire encore, avec dédain
Ce pays, dont
j’entendais dire hier à la radio une sinistrée du dernier séisme : « Il ne faut pas reconstruire Haïti, il faut
CONSTRUIRE Haïti ».
Une tâche de titans qui rendrait un jour possibles les rêves de Toussaint-Louverture et Jacques Stephen Alexis.
Il faudrait lutter
contre la corruption et la violence installées au cœur de l’État et de la
classe dominante, lutter pour que soient un jour mises en place les si belles
Constitutions dont parle René Depestre,
et qui n’ont jamais été appliquées.
Après avoir
écrit sur beaucoup d’auteurs haïtiens
depuis des années, de Depestre, Trouillot et Marie Chauvet, jusqu’au splendide roman Combats de Néhémy
Pierre-Dahomey, je ne citerai aujourd’hui que Failles de la grande
écrivaine Yanick Lahens, dont j’ai
suivi, avec un immense intérêt les cours de la chaire Monde francophones au Collège
de France, durant la pandémie, et grâce aux réseaux sociaux..
Pour illustrer,
quoi de mieux que des tableaux du romancier, poète, dramaturge et peintre Frankétienne.
Et un souhait, que
la révolution dont je rêve pour la Terre, commence un jour à Haïti.
« Le 12 janvier 2010 à 16 h 53 minutes, dans
un crépuscule qui cherchait déjà ses couleurs de fin et de commencement,
Port-au-Prince a été chevauchée moins de quarante secondes par un de ces dieux
dont on dit qu'ils se repaissent de chair et de sang. Chevauchée sauvagement
avant de s'écrouler cheveux hirsutes, yeux révulsés, jambes disloquées, sexe
béant, exhibant ses entrailles de ferraille et de poussière, ses viscères et
son sang. Livrée, déshabillée, nue, Port-au-Prince n'était pourtant point
obscène. Ce qui le fut, c'est sa mise à nu forcée. Ce qui fut obscène et le
demeure, c'est le scandale de sa pauvreté. »
« Pourquoi nous les Haïtiens ? Encore nous,
toujours nous ? Comme si nous étions au monde pour mesurer les limites
humaines, celles face à la souffrance, et tenir par une extraordinaire capacité
à résister et à retourner les épreuves en énergie vitale, en créativité
lumineuse. J'ai trouvé mes premières réponses dans la ferveur des chants qui
n'ont pas manqué de se lever dans la nuit. Comme si ces voix qui montaient,
tournaient résolument le dos au malheur, au désespoir. »
Failles, Yanick Lahens, Sabine Wespieser, 2010
Hablo de un país cuyo suelo no he pisado nunca, que sólo conozco por
intermedio de sus artistas, así como de algunos de sus ciudadanos, docentes
como yo, que tuve la dicha de conocer.
Y hablo de él también a causa de un hecho muy olvidado: la nación
haitiana fue la primera república independiente de América Latina, en 1804,
cuatro años antes de México. Y esto gracias a la batalla de Vertières, en que
el ejército haitiano, ex esclavos, venció al ejército napoleónico.
¿Qué puedo agregar? Que un buen día los escritores haitianos me hicieron
enamorar de su país, que estos mismos novelistas, estos mismos poetas cambiaron
para siempre mi mirada sobre su país, que la mayoría de la gente mira con
conmiseración, o peor aún, con desdén.
Este país, del que escuchaba decir ayer por la radio a una víctima del
último sismo: « No hay que
reconstruir Haití. Hay que CONSTRUIR Haití. »
Una tarea de titanes que volvería un día posible los sueños de Toussaint-Louverture y Jacques Stephen Alexis.
Habría que luchar contra la corrupción y la violencia instaladas en el
corazón del Estado y de la clase dominante, luchar para que un día sean puestas
en marcha las tan bellas Constituciones de las que nos habla René Depestre y que nunca fueron
aplicadas.
Después de haber escrito sobre muchos autores haitianos desde hace años,
de Depestre, Trouillot y Marie Chauvet
hasta la espléndida novela Combats
de Néhémy Pierre-Dahomey, sólo
citaré hoy Failles de la gran
escritora Yanick Lahens cuyos cursos
en la cátedra Mundos francoparlantes
en el Collège de France seguí con un
inmenso interés, durante la pandemia y gracias a las redes sociales.
Para ilustrar, qué mejor que cuadros del novelista, poeta, dramaturgo y
pintor Frankétienne.
Y un deseo, que la revolución con que sueño para la Tierra, comience un
día en Haití.
« El 12 de enero de 2010 a las 16,
53 minutos, en un crepúsculo que ya buscaba sus colores de fin y de comienzo, Puerto
Príncipe fue cabalgada menos de cuarenta segundos por uno de esos dioses de los
que se dice que se regocijan con carne y sangre. Montada salvajemente antes de
derrumbarse con el cabello hirsuto, con los ojos desorbitados, las piernas
dislocadas, el sexo abierto, exhibiendo sus entrañas de hierro y de polvo, sus
vísceras y su sangre. Entregada, desvestida, desnuda, Puerto Príncipe no era,
sin embargo, obscena. Lo que fue obsceno y lo permanece, es el escándalo de su
pobreza.»
« ¿Por qué nosotros los
haitianos? ¿Otra vez nosotros, siempre nosotros? Como si estuviéramos en el mundo
para medir los límites humanos, aquellos frente al sufrimiento y mantenernos
con una extraordinaria capacidad de resistir y de transformar las pruebas en
energía vital, en creatividad luminosa. Encontré mis primeras respuestas en el
fervor de los cantos que no dejaron de elevarse en la noche. Como si esas voces
que subían, giraran resueltamente la espalda a la desgracia, a la desesperación.»
Failles, Yanick Lahens, Sabine Wespieser, 2010
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