UNE PETITE HISTOIRE DE LA CHANSON EN FRANÇAIS (10)
LES ANNÉES 30
Le Front populaire
Y’a d’la joie, partout y’a d’la joie – Charles Trénet
La crise économique mondiale, annoncée par le
krach boursier de Wall Street de 1929, ne manqua pas de faire sentir ses effets en France, mais il est remarquable
que la société française n’en a pas souffert autant que les autres pays
industrialisés.
Du point de vue social, même si la
baisse du pouvoir d’achat n’est pas catastrophique, les travailleurs sont
néanmoins menacés par le chômage et la classe moyenne est à la merci de la
faillite.
Le manque d’imagination des classes dirigeantes de gauche comme de droite,
les scandales financiers, écœurent les jeunes intellectuels des années 30 qui
pensent qu’un vieux monde est en train de
mourir et qu’un nouveau est à bâtir. Tandis qu’un certain nombre d’entre eux
choisit d’adhérer au PC, d’autres vont faire resurgir la droite nationaliste.
Le 6 février 1934, l’extrême droite
provoque une émeute sanglante, ce qui produit la contre-attaque des forces
populaires, d’abord par une grève et puis par le regroupement des forces
politiques de gauche. Cette union et la victoire du Front populaire en 1936 montrent le désir de donner un achèvement social à la République.
Si l’on considère les espérances qu’avaient placé les Français dans le Front populaire, l’expérience de Lèon Blum est à coup sûr un échec. Mais quelles furent les réussites du Front populaire ? : L’amélioration des conditions de travail et la promotion du travailleur, les congés payés, l’extension des conventions collectives, ce qui n’est pas peu de chose.
Blum se retire en juin 1937 et la
République en sort affaiblie. Le péril le plus grave se trouve à l’extérieur,
en Allemagne et en Italie, où triomphe le fascisme. Le réarmement allemand
prend de court une France frileuse qui se retranche derrière la ligne Maginot.
Les accords de Munich ne font que gagner du temps. C’est en fait la politique de l’autruche, car en septembre 1939, les Allemands occupent la Pologne et la guerre est déclarée.
Portée par le développement du
cinéma et de la radio, une nouvelle génération d’auteurs, de compositeurs et
d’interprètes (Mireille, Jean Sablon, Jean Tranchant, Charles Trenet),
influencée par le jazz, va révolutionner la chanson et lui inspirer un nouveau
style.
Ce mouvement ne s’affirme qu’à la
fin des années 30, l’engouement pour les formes anciennes perdure encore
longtemps, le music-hall et la revue à grand spectacle connaissent encore la
faveur du public.
Mistinguett, Chevalier, Baker, de
même que Georgius, Milton ou Alibert sont à l’apogée de leur popularité.
La chanson réaliste, dont les
racines se perdent dans la tradition, connaît dans ces années 30 un nouvel
essor. Damia et Fréhel continuent leur carrière mais d’autres chanteuses
commencent à percer.
Berthe Sylva (1886-1941) possède un grand impact populaire. C’est la première vedette de la radio française, elle y fait un malheur en interprétant les rengaines de Vincent Scotto, Gabaroche et Blondeau dans un style sentimental, voire mélodramatique. Les Français aiment à se laisser émouvoir par des destins encore plus misérables que le leur, et des chansons comme Le ballon rouge, La complainte des petits gueux, Cœur de voyou connaissent un énorme succès. Succès qui se poursuivra après sa mort. Dix-sept ans plus tard, elle vendra encore 30 000 disques par mois à titre posthume et en 1980, un sondage sur les chansons préférées des Français, plaçait Les roses blanches en première position
https://www.youtube.com/watch?v=sJXx7jZX39U
C’était un gamin
Un gosse de Paris
Pour famille
Il n’avait qu’sa mère,
Une pauvre fille
Aux grands yeux rougis
Par les chagrins et la misère.
Elle aimait les fleurs,
Les roses surtout
Et le bambin
Tous les dimanches,
Lui apportait
De belles roses blanches,
Au lieu d’acheter des joujoux.
La câlinant bien tendrement,
Il disait en les lui donnant :
C’est aujourd’hui dimanche,
Viens ma jolie maman,
Voici des roses blanches,
Toi qui les aimes tant.
Va, quand je serai grand,
J’achèterai au marchand
Toutes ses roses blanches
Pour toi, jolie maman.
Au printemps dernier,
Le destin brutal
Vint frapper
La blonde ouvrière.
Elle tomba malade
Et pour l’hôpital
Le gamin vit
Partir sa mère.
Un matin d’avril
Parmi les prom’neurs,
N’ayant plus un sou
Dans sa poche,
Sur un marché,
Tout tremblant,
Le pauvre mioche
Furtivement
Vola des fleurs
(...)
Les roses blanches. Pothier-Raiter
Le plus grand succès de Lys Gauty (1908-1994) a été, en 1933, Le chaland qui passe, adaptation du titre italien Parlami d’amore, Mariu.
En 1934, elle chante À Paris, dans chaque faubourg, la
chanson du film de René Clair Quatorze
juillet.
La classer dans la catégorie des
chanteuses réalistes est assez réducteur car son répertoire était bien plus
vaste que cela.
https://www.youtube.com/watch?v=YpDHDINZNy4
La nuit s'est faite, la berge
S'estompe et se perd
Seule, au passage une auberge
Cligne ses yeux pers.
Le chaland glisse, sans trêve
Sur l'eau de satin
Où s'en va-t-il ? Vers quel rêve ?
Vers quel incertain
Du destin ?
Ne pensons à rien, le courant
Fait de nous toujours des errants
Sur mon chaland, sautant d'un quai
L'amour peut-être s'est embarqué
Aimons-nous ce soir sans songer
A ce que demain peut changer
Après avoir débuté à l’Européen en 1934, Susy Solidor (1906-1983) s’oriente vers le cabaret où se déroulera toute sa carrière.
Accoudée à un piano noir sur lequel
est étendu un châle orange, les cheveux blonds coupés courts, elle chante d’une
voix grave et douloureuse des chansons de marins (Escales), de
légionnaires (Mon légionnaire). Le choix de son répertoire et son
interprétation participent d’une atmosphère réaliste-poétique que l’on
retrouve, par exemple, dans le film de Marcel Carné, Quai des brumes.
https://www.youtube.com/watch?v=n5z-EIzkzgI
Le ciel est bleu, la mer est verte
Laisse un peu la fenêtre ouverte.
Le flot qui roule à l'horizon
Me fait penser à un garçon
Qui ne croyait ni Dieu ni diable.
Je l'ai rencontré vers le nord
Un soir d'escale sur un port
Dans un bastringue abominable
L'air sentait la sueur et l'alcool
Il ne portait pas de faux-col
Mais un douteux foulard de soie
En entrant je n'ai vu que lui
Et mon cœur en fut ébloui
De joie.
Dans ce même registre réaliste, commence, en 1936, la carrière d’Édith Piaf (1915-1963) qui est sans doute le seul véritable mythe de l’histoire de la chanson française. Tout dans sa vie douloureuse et passionnée était matière à fonder une légende. Une légende que l’artiste s’employa souvent à broder, comme celle de sa naissance, sous un bec de gaz, devant le 72 de la rue de Belleville, quand elle naquit à l’hôpital Tenon, le 19 décembre 1915, d’une mère goualeuse à Clichy, Anita Maillard, dite Line Marsa, et d’un père acrobate de rue, Louis Gassion. Elle est élevée par ses deux grand-mères dont l’une tient un bordel en Normandie.
À 12 ans, elle commence une vie
errante avec son père, puis à 15 ans, elle décide de prendre son indépendance
et chante dans les rues. À 17 ans, elle est mère d’une petite fille qui meurt
deux ans après.
En 1935, Louis Leplée,
patron du cabaret Gerny’s, l’entend chanter dans la rue Troyon et
l’engage sous le nom de “la môme Piaf”. Elle interprète alors des succès de
Damia et de Tino Rossi.
Louis Leplée est assassiné peu après, et c’est le parolier Raymond Asso qui la prend sous sa protection et lui confie ses chansons Mon légionnaire, qu’il avait écrite pour Marie Dubas et Le fanion de la légion. Il la fait aussi débuter à l’ABC en 1937. Le lendemain de la première, on peut lire dans les journaux : “Hier au soir, une grande chanteuse est née”.
Après Asso, Michel Émer (L’accordéoniste),
René Rouzau (La goualante du pauvre Jean), Henri Contet (Padam padam)
deviennent ses paroliers.
Pendant la guerre, Piaf chante sur
toutes les scènes, y compris celles des camps de prisonniers.
Elle écrira elle-même certaines de
ses chansons à partir de 1945, La vie en rose, L’hymne à l’amour,
écrite à la mémoire de son grand amour, le boxeur Marcel Cerdan qui vient de
mourir, en 1953, dans un accident d’avion.
Deux tournées aux États-Unis, la
première avec les Compagnons de la chanson, la deuxième avec Georges
Moustaki, lui assurent le succès international.
La maladie accompagne les dix
dernières années de sa vie et de sa carrière, éclairée néanmoins de couplets
inoubliables : Milord, Les amants d’un jour, Non, je ne
regrette rien...
https://www.youtube.com/watch?v=mEz1B9oI9Io
Peut-être bien qu'ailleurs,
Une femme a le cœur
Eperdu de bonheur
Comme moi...
Et que d'un geste heureux
Elle soulève un peu
Le rideau de soie bleue,
Comme moi...
Pour regarder en bas
Son amour qui viendra
La prendre dans ses bras,
Comme moi...
Elle attend son amour,
Les yeux de son amour,
Les bras de son amour,
Comme moi...
Delécluse, Senlis, Monnot
En 1961, pour sauver l’Olympia de Paris qui frôle la faillite, et malgré
des douleurs articulaires que seule la morphine réussit â soulager, Édith Piaf
remonte sur scène et le miracle se produit. La Môme offre l’un de ses tours de
chant les plus émouvants.
https://www.youtube.com/watch?v=lUNOVC1qVjc
Allez, venez, Milord!
Vous asseoir à ma table
Il fait si froid, dehors
Ici c'est confortable
Laissez-vous faire, Milord
Et prenez bien vos aises
Vos peines sur mon cœur
Et vos pieds sur une chaise
Je vous connais, Milord
Vous n'm'avez jamais vue
Je n'suis qu'une fille du port
Qu'une ombre de la rue
(…)
Dire qu'il suffit parfois
Qu'il y ait un navire
Pour que tout se déchire
Quand le navire s'en va
Il emmenait avec lui
La douce aux yeux si tendres
Qui n'a pas su comprendre
Qu'elle brisait votre vie
L'amour, ça fait pleurer
Comme quoi l'existence
Ça vous donne toutes les chances
Pour les reprendre après
Allez, venez, Milord !
Vous avez l'air d'un môme !
Laissez-vous faire, Milord
Venez dans mon royaume
Je soigne les remords
Je chante la romance
Je chante les milords
Qui n'ont pas eu de chance !
Regardez-moi, Milord
Vous n'm'avez jamais vue
Mais vous pleurez, Milord ?
Ça j'l'aurais jamais cru
Milord, Moustaki, Monnot
Édith Piaf se produira sur scène jusqu’en 1962, dans ce cas avec son
dernier amour Théo Sarapo. Elle meurt le 11 octobre 1964.
La Môme Piaf a su donner à la chanson réaliste un volume humain
extraordinaire et l’on retient, encore au XXIe siècle, sa manière de
bouleverser les foules avec ses histoires d’amour malheureuses, comme celle de La
foule, dont elle avait rapporté la musique d’une tournée en Argentine dans
les années 50.
https://www.youtube.com/watch?v=2UlEJXkxnSc
Elle est sûrement la figure la plus emblématique du genre et de l’art de la
chanson française.
https://www.youtube.com/watch?v=_LvFZbjo6og
En 1924, une jeune débutante fait sensation chez Fysher, six ans plus tard Lucienne Boyer (1903-1983) obtient le Grand prix du disque pour Parlez-moi d’amour.
Après être passé dans toutes les
grandes salles, elle préfère l’intimité des cabarets, plus en rapport avec son
répertoire (Si petite, Un amour comme le nôtre, Les prénoms
effacés).
En 1939, elle retourne aux
États-Unis où elle avait déjà séjourné 6 mois en 1928. Elle refuse des offres
mirobolantes de la Paramount pour rentrer à ses petites salles parisiennes.
Dans les années 50, elle chantera Mes
mains de Delanoë et Bécaud.
Lucienne Boyer chantait des
chansons d’amour avec une sensualité retenue qui ne rendait que plus
troublantes ses interprétations. Des chanteuses comme Juliette Gréco et Barbara
lui doivent sûrement beaucoup.
https://www.youtube.com/watch?v=rIAQWr34De0
Refrain
Parlez-moi d’amour
Redites-moi des choses tendres
Votre beau discours
Mon cœur n’est pas las de l’entendre
Pourvu que toujours
Vous répétiez ces mots suprêmes
Je vous aime
Vous savez bien
Que dans le fond je n’en crois rien
Mais cependant je veux encore
Écouter ce mot que j’adore
Votre voix aux sons caressants
Qui le murmure en frémissant
Me berce de sa belle histoire
Et malgré moi je veux y croire
Refrain
Il est si doux
Mon cher trésor, d’être un peu fou
La vie est parfois trop amère
Si l’on ne croit pas aux chimères
Le chagrin est vite apaisé
Et se console d’un baiser
Du cœur on guérit la blessure
Par un serment qui le rassure
Parlez-moi d’amour, Jean Lenoir
Rina Ketty chante des succès italiens adaptés en français (Rien que mon coeur, J’attendrai) ou des espagnolades (Sombreros et mantilles).
Elle a été l’une des premières
chanteuses de charme à cultiver le genre exotique. Son répertoire était composé
de tangos, pasos dobles et de rumbas agrémentés d’une pointe d’accent italien.
Elle ouvre un chemin que suivront plus tard Gloria Lasso, Maria
Candido et Dalida.
https://www.youtube.com/watch?v=QeFf8CCh3Hw
Mais le chanteur de charme par excellence est Tino Rossi (1907-1983) qui arrive à Paris en 1925 en provenance d’Ajaccio où il était né.
Sa découverte date de la revue
“Parade de France” au Casino de Paris (1934), où il représente la Corse. Il
enregistre Adieu Hawaï qui vend plus de 400 000 disques, fait
extraordinaire pour l’époque.
En 1939, une tournée en Europe et
un passage à l’Olympia lui valent la consécration et le soutien du public
féminin.
https://www.youtube.com/watch?v=EpuaIQL0BFU
Il devient millionnaire du disque
et paraît également sur scène dans des opérettes “méditerranéennes” à grand
spectacle, Méditerranée (1955), Naples au baiser de feu (1957), Le
temps des guitares (1963), Le marchand de soleil (1969).
Le compositeur fétiche et celui qui
écrivit ses plus grands succès fut Vincent Scotto (Marinella, Tchi
tchi, Tant qu’il y aura des étoiles, Chanson pour Nina, Écoutez
les mandolines).
https://www.youtube.com/watch?v=ECror0Ub3wg
La voix de ténorino de Tino Rossi apporte une idée simplifiée, édulcorée de la Méditerranée où tout a sa place, le tango et la rumba, l’Ave Maria et Petit Papa Noël.
D’autres vont poursuivre ce chemin,
Fred Gouin, créateur de Nuits de Chine, Henri Garat, que
l’on voit surtout dans des films chantés (Avoir un bon copain, Quand
on est vraiment amoureux), Réda Caire, André Baugé...
https://www.youtube.com/watch?v=Ljq3Jr0d6Qw
Au début des années 30, une nouvelle génération réalise la synthèse entre le rythme du jazz et la tradition française. Mireille (1906-1997) et Jean Nohain vont concréter cette fusion avec un rare bonheur.
Ils se rencontrent en 1931. Leur
première opérette, Fouchtra, est refusée par tous les éditeurs mais une
de ses chansons, Couchés dans le foin, devient un énorme succès
avec le duo Pills et Tabet.
Mireille, qui se trouvait en
tournée aux États-Unis, revient en France pour enregistrer des opérettes à
quatre personnages (Pills, Tabet, Jean Sablon et elle-même). Ce sont des
histoires racontées en musique (Le vieux château, C’est un jardinier
qui boite, Un petit chemin).
https://www.youtube.com/watch?v=AR-n8p_YGXw
Elle finit par enregistrer seule et
passe en vedette à l’A.B.C., à l’Alhambra, à Bobino.
La musique composée par Mireille
est descriptive, en étroit rapport avec le sujet du texte ; elle rompt avec la
rengaine traditionnelle par sa liberté et sa désinvolture.
En 1954, elle crée le Petit Conservatoire de la Chanson, retransmis à la radio et à la télévision. Ses élèves : Hugues Auffray, Françoise Hardy, Colette Magny...
Jean Sablon (1906-1994), comédien devenu chanteur, participe aussi du courant novateur qui va transformer la chanson française. Il connaît vite le succès avec C’est un jardinier qui boite, Les pieds dans l’eau, Je sais que vous êtes jolie et Vous qui passez sans me voir. Il est le premier à chanter avec un micro, innovation révolutionnaire qui transforme la chanson d’amour et qui donne l’impression que le chanteur s’adresse à chaque femme en particulier.
Archétype du play-boy français des
années 30, Jean Sablon a été l’une des premières vedettes françaises à avoir
conquis l’Amérique et à avoir mené une carrière vraiment internationale.
https://www.youtube.com/watch?v=KteVkVQZLAM
C’est évidemment Charles Trenet (1913-2001), bientôt baptisé “le fou
chantant” qui symbolise le mieux l’explosion de joie et de jeunesse
caractéristique de cette époque. Il commence sa carrière en 1933 quand il forme
avec Johnny Hess un duo, Charles et Johnny. Trenet écrit les paroles et
Hess la musique de chansons qui connaîtront le succès (Sur le Yang-Tsé-Kiang,
Quand les beaux jours seront là et surtout Vous qui passez sans me
voir).
https://www.youtube.com/watch?v=7Su9q-eL2xo
Le duo disparaît en 1937. Trenet
écrit alors Je chante et Y’a d’la joie qui sera créé par Maurice
Chevalier.
https://www.youtube.com/watch?v=Ed-WJPQJAB0
En 1938, à l’A.B.C., le public parisien découvre “le fou chantant” et tombe sous le charme. C’est le début d’une aventure qui va modifier l’histoire de la chanson française. Pour comprendre l’effet produit sur le public par ce Trenet de 25 ans, blond, le feutre sur l’oreille, occupant toute la scène avec sa vitalité et son énergie, il suffit de comparer sa propre version de Y’a d’la joie à celle de Chevalier. Celui-ci détaille chaque mot avec tout l’art du music-hall tandis que Trenet glisse, effleure, varie les tempos, halète, puis repart essoufflé et joyeux en toute liberté.
https://www.youtube.com/watch?v=ae9AQayZAzA
C’est le coup de foudre. La jeunesse des années 30 attendait Trenet, car Trenet exprimait les aspirations et la sensibilité de cette génération pour qui la vie commence avec les conquêtes du Front populaire.
“Il chante avec un enthousiasme
et une joie qui sont la jeunesse même et ses élans” écrit Le Temps après
son passage à l’A.B.C.
Dès lors, il mène une carrière
marquée par plus de 900 chansons où tous les genres sont présents. Il parvient
à acclimater au music-hall le surréalisme emprunté à Max Jacob (La folle
complainte, Une noix, Le Chinois, Pauvre Georges André);
il écrit des valses et des romances (La mer, L’âme des poètes, Fleur
bleue), des scènes de moeurs (Débit d’eau, débit de lait, La
polka du roi, À la porte du garage).
https://www.youtube.com/watch?v=Z7H57p1HNbY
C'est un jar-din ex-tra-or-di-nai-re
Il y a des ca-nards qui par-lent an-glais
J'leur donn' du pain ils re-muent leur der-rière
En m'di-sant: "Thank you, ve-ry much Mon-sieur
Tre-net"
On y voit aus-si des sta-tu-es
Qui se tienn'nt tran-quill's tout le jour dit-on
Mais moi je sais que dès la nuit ve-nu-e
Ell's s'en vont dan-ser sur le ga-zon
Pa-pa c'est un jar-din ex-tra-or-di-nai-re
Il y a des oi-seaux qui tienn'nt un buf-fet
Ils vend'nt du grain, des p'tits mor-ceaux d'gru-yère
Comm' cli-ents, ils ont Mon-sieur l'Maire et
l'Sous-Pré-fet.
Il fal-lait bien trou-ver dans cett' grand' vill'
maus-sa-de
Où les tou-rist's s'en-nuient au fond de leurs au-to-cars
Il fal-lait bien trou-ver un lieu pour la prom'-na-de
J'a-voue qu'ce sam'-di-là, j'suis en-tré par ha-sard}
Il introduit le rythme du jazz dans
la chanson sans délaisser la mélodie ; il puise aussi dans le tango, la valse
et les rythmes des Tropiques.
Avec le temps, si le temps de la
mélancolie apparaît le plus souvent (C’était, Mes jeunes années, Johnny
tu me manques, Coin de rue), la verve d’antan n’est pas disparue (Joue-moi
de l’électrophone, Léon, où c’est-y qu’t’es donc, Le peintre
perdu).
https://www.youtube.com/watch?v=wrqTCL--Wzk
Dans les années 60, Trenet est presque balayé par la vague yé-yé. En 1975, il annonce à l’Olympia ses adieux à la scène, mais deux ans après, au Printemps de Bourges et poussé par Higelin, il accepte de remonter sur les planches, dans le cadre d’une soirée en son hommage. Résultat : 4 000 jeunes en folie.
En 1981, un nouvel album (Vrai,
vrai, vrai!) et un nouvel hommage au Théâtre du Rond-Point.
En décembre 1988, il fête au
Châtelet ses 50 ans avec la chanson et, en 1993, il célèbre ses 80 ans à
l’Opéra Bastille.
Après deux albums, Fais ta vie
(1995) et Les poètes descendent dans la rue (1999), il enchante une
dernière fois le public du 4 au 6 novembre 1999 à la salle Pleyel, récital dont
témoigne un formidable enregistrement.
Il meurt le 19 février 2001. Tout
au long de la journée, l’audiovisuel va multiplier les réactions et les
témoignages, diffuser émissions spéciales et documents d’archives.
Henri Salvador, de quatre ans son
cadet, qui vient d’être honoré par les Victoires de la Musique déclare : “C’est
une grande perte non seulement pour la France, mais pour le monde entier”.
https://www.youtube.com/watch?v=XHcsUNLKYd4
« Charles Trenet s’en est allé. À force de le voir toujours à nos côtés, pendant que ses cadets en chanson se faisaient la malle, Brel, Brassens, Gainsbourg, Ferré, Barbara..., on avait presque fini par le croire immortel (...) Finalement, il aura eu l’extrème élégance d’attendre le siècle nouveau pour rejoindre le cercle des poètes disparus. Histoire de
boucler la boucle de la chanson française du XXe siècle dont il est à coup sûr la figure emblématique. (...)Sa plus grande gloire restera de toute façon d’avoir
marqué à jamais la mémoire collective avec des chansons d’une rare poésie,
souvent tragiques dans le fond (“Donnez-moi quatre planches/Pour me faire un
cercueil/Il est tombé de la branche/Le gentil écureuil...”), mais entraînantes
et gaies dans le rythme, écrites avec des mots de tous les jours...Il se
défendait cependant d’avoir fait descendre la poésie dans la rue (ainsi que
Jean Cocteau l’avait déclaré): “mais je suis allé la chercher dans la rue, la poésie;
je ne l’y ai pas fait descendre! Elle y était déjà. C’est pour ça que la poésie
est populaire. »
Fred Hidalgo – Le siècle de Trenet, Chorus – nº36 –
Printemps 2001
« Cette pulsation nouvelle, cette extraordinaire
joie de vivre apportée par les chansons que ce garçon ébouriffé lançait à la
douzaine étaient nées de la conjoncture d’un remarquable don poétique et de la
vitalité du jazz assimilée pleinement par une fine sensibilité. »
Boris Vian
La chanson québécoise des années 30
« Je voulais faire des chansons canadiennes et non des chansons françaises.
J'essayais de donner une couleur locale, en employant des mots ou des
expressions d'ici, mais sans aller dans le folklore. Je me servais de la
structure folklorique parce que je voulais donner un air québécois. »
Cette citation de Lionel Daunais peut synthétiser la révolution qui
commence à s’opérer dans le monde de la chanson de la Belle Province.
Aussi bien Daunais que La Bolduc furent parmi les premiers à s'inspirer de
la réalité québécoise dans leurs chansons
La grande vedette des années 30 au Canada français, est madame Édouard Bolduc, la Bolduc (1894-1941), folkloriste et chansonnière.
De son nom de jeune fille Mary Rose
Travers, la Bolduc commence sa carrière comme violoniste aux Veillées du bon
vieux temps en 1927. Elle prend progressivement le centre de la scène et
commence à écrire et à enregistrer ses propres chansons sur des airs
traditionnels.
https://www.youtube.com/watch?v=DwDGu2SEUPY
Dans les années 30, elle forme sa
propre troupe ambulante qu’elle baptise la Troupe du bon vieux temps.
Son mari et ses deux filles participent du spectacle. Elle réussit, grâce à sa
musique traditionnelle, à se tailler un auditoire important parmi la population
des villages et des régions rurales du Québec.
Es chansons les plus connues : La Bastringue, Nos braves
habitants, Ça va venir, découragez-vous pas…
https://www.youtube.com/watch?v=6dI-DdTZJyo
Lionel Daunais fonde, en 1932, avec Anna Malenfant et Ludovic Huot, le Trio lyrique dont une bonne partie du répertoire se compose de chansons populaires nées sous sa plume. À mi-chemin entre le folklore et la chansonnette, son art a transformé la chanson québécoise.
https://www.youtube.com/watch?v=hIWPIG_VrEs
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