L’esclavage en toutes lettres (4) – La esclavitud con todas las letras (4)



« Comme tous les enfants de l’esclavage, les “criollitos” (petits créoles) comme on les appelait, je suis né dans une infirmerie, où on amenait les Noires grosses pour qu’elles accouchent. À mon avis, il s’agissait de la plantation Santa Teresa, même si je ne suis pas bien sûr. Ce dont je me souviens c’est que mes parrains me parlaient beaucoup de cette plantation et de ses propriétaires, des messieurs nommés La Ronda. Mes parrains ont porté ce nom pendant longtemps, jusqu’à ce que l’esclavage est parti de Cuba.

Les Noirs se vendaient comme des “cochinaticos” (porcelets) et moi, j’ai été vendu très vite, voilà pourquoi je ne me souviens rien de cet endroit. » Celui qui s’exprime ainsi se nomme Esteban Montejo, il s’agit d’un Noir marron, figure centrale du roman-témoignage Biografía de un cimarrón (Biographie d’un marron) (1966) de l’écrivain et ethnologue cubain Manuel Barnet.

À 22 ans, Barnet rencontre Montejo, 103 ans, ancien esclave et ancien marron. Après trois ans d’entretiens, il en publie le récit divisé en trois parties, L’esclavage, L’abolition de l’esclavage et La guerre d’indépendance.

«Barnet offre, avec Biografía de un cimarrón, un cas unique dans notre littérature, celui d’un monologue qui échappe de tout mécanisme de création littéraire et qui, cependant, s’inscrit dans la littérature grâce à ses projections poétiques», affirmait Alejo Carpentier.  

Ce roman-témoignage comble le vide dans lequel l’histoire officielle, celle de la colonisation, avait occulté toute un pan de la vie des populations, celle des laissé pour compte, dans ce cas celle des esclaves et des marrons.

« Toute ma vie j’ai aimé la brousse. Mais quand l’esclavage est fini, j’ai cessé d’être marron. Les cris des gens m’ont appris que l’esclavage était terminé et je suis sorti. Ils criaient ‘’Nous sommes enfin libres’’. Ça ne me faisait rien. Pour moi c’était un mensonge. Je ne sais pas … je me suis approché quand même d’une plantation. (,,,)

Quand je suis sorti de la brousse je me suis mis à marcher et j’ai rencontré une vieille avec deux enfants dans les bras. Je l’ai appelée de loin et quand elle s’est approchée, je lui ai demandé : ‘’Dites-moi, c’est vrai que nous ne sommes plus esclaves ?’’ Elle m’a répondu : ‘’Non, mon fils, nous sommes libres’’. J’ai continué mon chemin de mon côté et j’ai commencé à chercher du travail. Beaucoup de Noirs voulaient être mes amis. Et me demandaient ce que je faisais comme marron. Et je leur disais : ‘’Rien’’. J’ai toujours aimé l’indépendance. »

 

En 1968, le Seuil publia Le Devoir de Violence du Malien Yambo Ouologuem. Quelques mois après, l’ouvrage remporte le prix Renaudot.

Vint, ensuite, le scandale. Ouloguem fut accusé de plagiat, mais ce qui heurtait les esprits était le fait que le roman allait totalement à l’encontre les préceptes de la Négritude, Il ne chantait pas la beauté noire d’une Afrique fantasmée.

« … Puis, revenant d’une guerre contre les Peulhs et escorté de douze mille esclaves Toucouleur à l’heure où la capitale de l’Empire, écrasée de soleil, attendait aux portes de Tillabéri-Bentia, l’empereur Saïf El Haram – la malédiction de Dieu sur lui ! – mauvais frère et fils maudit, de son cheval, qui caracolait majestueusement, saluait la foule frénétique. À sa droite, notables, chefs des différentes provinces, dignitaires de la cour, à sa gauche, femmes, enfants et vieillards, derrière lui, l’armée, le long de laquelle la haie des esclaves avançait, fers aux chevilles, formaient la vaste avant-scène du retour triomphal de cet homme, que les victoires guerrières semblaient avoir lavé de la souillure. »

Ouloguem montrait dans son roman tout ce que l’on ne voulait pas voir dans ces années 60 ; l’esclavage et la colonisation en France et en Afrique, son histoire avec la guerre et la paix, l’horreur et le bonheur, l’abject et le sublime, comme toute histoire humaine.


« Afin d’entretenir – bon roi des rois nègres – ce faste avide de bruit et de terres nouvelles, Saïf intensifia, grâce à la complicité des chefs du Sud, la traite des esclaves, qu’il bénit en sanguinaire doucereux. Le Nègre, n’ayant pas d’âme mais seulement des bras – contrairement à Dieu – dans une infernale jubilation du sacerdoce et du négoce, de l’intime et de la publicité, abattu, débité, stocké, marchandé, disputé, adjugé, vendu, fouetté, attaché et livré – avec un mépris attentif, studieux, souffrant – aux Portugais et aux Espagnols et aux Arabes (côtes orientale et nordique), et aux Français et aux Hollandais et aux Anglais (côte occidentale), fut jeté aux quatre vents. (…)

… À moitié nue et plus qu’abrutie, la négraille, jeune comme la nouvelle lune, se trouvait, à sa descente de navire, parquée sur des places découvertes d’où se débattait son coût à la criée publique, cependant que sous le regard de Dieu tout puissant (et juste), elle s’affalait – marée humaine étalée là, noirâtre telle une masse de chair avariée – offrant un horrible spectacle de vie languissante et d’innommable souffrance.

Et il se faisait dans le tas des esclaves des enfonçures, des cris, des râles, des monticules de corps piétinés, lorsque le négrier, d’un coup de fouet, décidait de réveiller la négraille des tout premiers rangs, toisée par les spectateurs curieux, qui se tenaient à distance respectable, regardant les prêtres – partis cependant semer la bonne parole du Christ – faire violence à leur dégoût, et, tête basse, égrener un chapelet… »

Le Devoir de Violence, roman fondateur de la littérature africaine, ouvrit un chemin que suivirent plus tard des auteurs comme Mongo Beti, Ahmadou Kourouma et Henri Lopes, parmi d’autres.

« Le chevalier de Dangeau acheta la mulâtresse Solitude le 23 août 1787, à une vente criée en la maison communale de la Pointe-à-Pitre. Il était venu pour une violoniste, personne d’un talent agréable, qu’on disait « faite » dans les écoles d’esclaves de La Nouvelle-Orléans. Comme il entrait, la violoniste se tenait sur l’estrade principale, cependant que les enchères montaient à ses pieds comme autant d’hommages. Elle était toute en taffetas rose, avec de longues joues noires bleuies de poudre, mais le chevalier la trouva un peu grasse à son goût. Pris d’un malaise obscur, il se mit à flâner dans le vaste entrepôt croulant de marchandises, de ballots divers, d’esclaves immobiles et silencieux devant leur destin. Des bouffées lointaines de violon erraient sur tout cela, avec des accents parfois déchirants. Dans un coin, assise sur une caisse de vin, était une jeune fille la tête appuyée sur la main, l’air maussade, surveillée par un agent de la milice locale. Elle flottait dans un sac de jute à trois trous, et ses pieds étaient nus, ses cheveux en transe. Chacun venait l’interroger : es-tu bonne fille ? sais-tu blanchir ? travailles-tu au jardin ? as-tu jamais repassé ? pourquoi te vend-on ? n’es-tu point marronneuse ? Elle répondait de mauvaise grâce et on lui disait : Ouvre donc la bouche qu’on t’entende, imbécile. Soudain, comme un chaland lui relevait le menton par force, examinant l’état de ses dents, le chevalier découvrit deux grands yeux transparents, de couleur différente, et qui semblaient plantés à l’intérieur d’un visage de cendre et de soie, le sibyllin visage d’une enfant morte… »

Voici donc la mulâtresse Solitude, personnage principal du livre du même nom d’André Schwarz-Bart (1972)

Après s’être penché sur l’Holocauste dans Le dernier des Justes, Schwarz-Bart nous parle de la lutte des esclaves pour leur liberté et leur dignité.

Affranchie en 1794, Solitude se retrouve de nouveau sous le joug de l’esclavage 8 ans plus tard lorsque Napoléon envoie Leclerc dans les Antilles rétablir cette pratique inhumaine. Elle se joint alors au groupe de Louis Delgrès qui s’oppose farouchement à l’asservissement. Solitude survit à la défaite, mais est conduite à l’échafaud après avoir mis au monde un enfant.

« Plus loin, aux approches du cours Nolivos, s’élevèrent tout à coup, dans le ciel, entre les

frais ombrages des tamariniers, les fourches patibulaires encore ornées des cadavres de la veille. Des cris, des commandements retentirent et le cortège ralentit sa course, s’arrêta près d’une fontaine à tourniquet. Elle se souvint alors de certaines rumeurs de basse-fosse ; c’était là, disait-on, à ce point du parcours, à la hauteur même de la fontaine que tombaient de leur haut ceux qui n’en pouvaient plus. Ainsi était née l’idée d’une halte, d’une station consolante à la fontaine, où les nègres morts buvaient, s’égayaient, s’aspergeaient d’eau, lançaient un ultime défi, un sarcasme, et puis s’en allaient d’un meilleur pas vers l’autre monde. Comme elle se penchait vers l’eau, son tour enfin venu, une frêle tige tomba aux pieds de la femme Solitude. C’était une herbe dite de l’enfant Jésus et que l’on remet par brasses odorantes, agrémentées de pointes mauves, aux nouvelles accouchées. Soulevant des yeux pleins de larmes, elle se demanda d’où lui venait l’offrande, qui diable avait eu cette gracieuse pensée, à son égard. Les premiers rangs de curieux se composaient uniquement de personnes blanches. Mais au milieu de la foule, et comme dressée sur ses ergots, une énorme négresse à madras pervenche la fixait de ses petits yeux ronds, étincelants de haine, semblait-il. Et maintenant des pleurs nombreux coulaient aux joues de la personne à madras, ses traits se décomposaient, semblaient se libérer de toutes amarres cependant qu’elle fronçait les lèvres, désespérément, comme pour dire chut à Solitude, chut, chut… Alors, détournant son regard du beau madras, elle contempla le parterre des Blancs et prononça très distinctement, en un excellent français de France, dit-on, qui surprit toute l’assistance : « Il paraît qu’on ne doit jamais dire : Fontaine, je ne boirai de ton eau… » 

Et, renversant la tête en arrière, laissant aller les globes somptueux de ses yeux – faits tout bonnement par le Seigneur, dit une légende, pour refléter les astres – elle éclata en un curieux rire de gorge, un roucoulement léger, entraînant, à peine voilé de mélancolie ; une sorte de chant très doux et sur lequel s’achèvent toutes les histoires, ordinairement, tous les récits de veillée, tous les contes relatifs à la femme Solitude de Guadeloupe… »


En 1983, parut en Colombie un roman révolutionnaire, le grand roman aussi bien de la traite négrière que de la décolonisation, Chango, el gran putas, traduit en français comme Chango, ce sacré dieu, de l’écrivain, médecin et anthropologue Manuel Zapata Olivella.

Ce roman est le fruit d’un long parcours. Zapata Olivella, né en 1920 et afro descendant lui-même, voyage pendant longtemps à pied en Amérique latine et arrive, dans les années 1940, à New York où il entre en contact avec la Harlem Renaissance. L’idée d’écrire Chango lui apparut après un voyage au Sénégal.

« La veille de mon départ de Dakar, dans un avion qui me conduirait au Brésil mulâtre et, du Sénégal, à ma lointaine Colombie tri ethnique, j’ai visité l’île de Gorée où les rebelles Wolof, Serere et Dyola du Sénégal et de la Gambie étaient rassemblés et enchaînés, attendant les navires négriers. Le souffle ouvert, l’esprit recueilli, j’ai bu tout le sang, les cris, les douleurs et les larmes accumulés sans que les siècles aient pu les expulser de la Maison des morts où les malédictions de ceux qui partaient contre la « louve blanche » les avaient semés. Cet après-midi-là, lorsque j’ai décrit le comptoir imaginaire de Nembe sur les rives du fleuve Niger, les pages de mon roman se sont également tachées de sang », écrivit-il. La « louve blanche » : le colon.

Le roman s’ouvre sur un appel aux Orishas qui invoquent à leur tour les ancêtres.

« (La kora rit

pleurait la kora,

ses cordes sœurs

raconteront un seul chant

l’histoire de Nago

l’histoire tragique du Muntu

au continent exil de Chango)

(,,,)

Ecoute Muntu qui t’éloignes

Les histoires vives, passées

Les temps glorieux de Chango

Et sa malédiction sauvage.

Éléyay, rage de Chango !

Éléyay, furie de la douleur !

Éléyay, malédiction des malédictions !

Par une vengeance du Loa rancunier

nous fumes condamnés au continent étrange

des millions de tes enfants

lamantins aveugles dans d’autres rivières

cherchant les origines perdues. »

(Le mot muntu, en langage bantou, signifie homme, ou pour mieux dire tout ce qui est humain. Selon Zapata Olivella le muntu est “la connotation de l’homme, car elle inclue les vivants et les morts, tout comme les animaux, les végétaux, les minéraux et ce qui lui sert. Plus que des entités ou des personnes, matérielles ou physiques, elle fait référence à la force qui relie en un seul nœud l0homme et son ascendance et sa descendance plongés dans l’univers présent, passé et futur. ») 

 

AprèsAQAprès cette introduction, Zapata Olivella se penche sur La traite. Les mots des négriers y sont imprimés en italique.

« Nous avons une rébellion à nord. Les esclaves ont attrapé plus de dix de nos hommes dans les cales et je crains qu’ils les assassinent et qu’ils puissent incendier la Nova India. J’ai donné l’ordre de voler l’écoutille de proue et, si nécessaire, de démonter le pont pour les soumettre.

La mer entre en furie et la vigie de hune ne voit plus la terre. Il n’y a plus de navire en vue, ami ou pirate, qui puisse nous secourir.

Dans ma cabine, j’ai une pièce d’Indes comme otage.

Bon Dieu, ils sont là !

(Homme noir esclavagé âgé d'entre 15 et 30 ans qui est sain, robuste et qui a toutes ses dents.)

L’ombre clairvoyante de Ngafúa est avec nous. Les Ékobios m’entourent, certains trainent de chaines qu’ils n’ont pas pu ôter de leurs chevilles. Kanuri mai et les felupes se hâtent de descendre dans la soute pour libérer ceux qui sont encore attachés aux poutres.

Nous avons réfugié les petits dans le compartiment arrière.

Sur leurs têtes, les vitres étant brisées, s’ouvrent les lucarnes par où ils peuvent respirer l’eau que leur jette la mère Yémaya.

Suivant un vieux mandat, ils lèvent les mains et ouvrent les bouches, buvant l’eau qu’ils ont cessé de téter.

Les ekobios entourent Sosa Illamba, haletante, anxieuse, car le fils désire ramper entre ses jambes. »

(Ekobios est le nom que l’auteur donne aux Noirs)

La seconde partie du livre, Le muntu américain, nous présente les esclaves installés sur leurs nouvelles terres américaines.

La louve blanche, le colon, va essayer, sans y arriver, de gommer toutes les traces de la culture ancestrale des peuplades en provenance d’Afrique, à travers, principalement, de la religion catholique.

« -Mon neveu -me dit-il après une longue méditation- les pires suffoquements qu’il n’ait jamais subi commencent pour le muntu. Les Africains n’auront que des pères blancs. Ils essaieront de tuer notre être en nous peignant l’âme en blanc avec leurs peurs, leurs rancunes et leurs péchés. Et lorsque nous nous verrons dans un miroir, nous n’aurons plus de doutes d’être les enfants de Satan, car, selon ils le prêchent, le dieu blanc fait ses créatures à son image », dit le vieux sage Falupe à Sacabuche, un Noir qui se laisse ensorceler par les jésuites.

 

« Les interprètes essaient de parler avec tout le monde, se laissant guider par le ton et le bourdonnement des mots. De la Guinée au Manikongo, de l’Angola au Mozambique, les survivants de la traversée débarquent dans ce port. Affamés de soleil, leurs yeux prenaient vie à la lumière.   Les mains mendiantes soulèvent les chaines et un crissement de dents maudit les chrétiens.  

—Que disent-ils, Domingo Falupo ?

—Ils demandent ta bénédiction -je répond à Claver qui offre déjà ses sucreries. Les ombres de nos ancêtres les nourrissent davantage car ils ne les ont pas laissé mourir. Ils consacrent le temps à cela tandis que les marchants attirent l’attention des clients sur l’allure, les dents ou les seins. Les plus avisés observent mieux les entailles sur les visages qui leurs révèlent les nations auxquelles ils appartiennent. Angolas, mandingues, wolofs, congos, serviles, rebelles, intelligents. Ils les observent sans faire attention aux chaines qui les retiennent du cou au cas où ils prétendraient échapper. J’entends encore leurs cris de cette falaise du fleuve oû les mots des vivants nagent dans l’eau sans se mouiller.

—Je vous vend cette Congo avec son grand garçon. Elle est bonne cuisinière et complaisante pour ce que vous voudrez.

Ils lui touchent la tête, les hanches, les mains. »

Sous la plume de Zapata Olivella quelques héros de l’histoire officielle en prennent pour leur grade, comme ici le père Claver, saint évangélisateur de l’église catholique, fer de lance de l’asservissement aussi bien que, plus tard, de la colonisation africaine.

La troisième partie, La révolte des vaudous, nous mène dans la première république indépendante d’Amérique latine, république noire en outre, Haïti.  Nous y trouvons, entre autres, Toussaint Louverture et Bouckmanm héros de la révolution ainsi que des anonymes, comme Marie-Jeanne.

« Marie-Jeanne est mon nom de mortelle. Mulâtresse, je suis née esclave. Mon héritage est le travail et l’humiliation, Peu après ma naissance, ma mère a été vendue par la maîtresse. Jalouse, après maints coups de fouet, elle a obtenu que mon père l’éloigne de moi. Petite, n’ayant pas encore la nuque durcie, je dois charger des cruches pleines d’eau sur ma tête, je garde les chèvres de mon maitre-père et je récolte du bois mort dans les hauteurs du Cap. »

 

La quatrième partie, Les sangs retrouvés, commence par un procès que font les ancêtres au libérateur Simon Bolivar, qui, ayant reçu l’aide militaire de Haïti, na pas tenu la promesse qu’il avait faite au président Petion, de libérer tous les esclaves des pays par où il passerait.

Le suit José Prudencio Padilla, l’amiral aux sangs mêlés, héros de la révolution colombienne, fusillé sur ordre de Bolivar.

« Tu ne m’as rien appris de cette autre mer cachée : la trahison. Suivant tes pas, je suis transparent. Je montrais aux amis et à autrui les cicatrices, les eaux occultes, mes craintes. Bien que l’ancêtre indien me fasse discret et rusé, quand quelqu’un franchit ma méfiance, il peut plonger dans les ombres de mon âme. Se livrait aussi alors le Noir qui se trouve dans mon sang, habitué à partager la mer avec les naufragés. Je te raconte sans rancune que les intrigues et les jalousies de ceux que je considérais mes frères réussirent ce que l’ennemi n’a jamais pu me prendre durant la guerre : une défaite. Malheureusement la mort ne nous permet pas de revenir sur nos erreurs.

Père, écoute-moi, je veux te raconter depuis cette autre vie la douleur d’être né noir dans une société où la pigmentation de la peau est un stigmate. »

Puis nous partons au Brésil, dans la région minière de Minas Gerais pour rencontrer l'Aleijadinho, Antonio Francisco Lisboa, métis, fils d’une esclave, malade de la lèpre et, cependant, le plus grand sculpteur du baroque brésilien. 

« Oh, saint François, ne me regarde pas dans cette misère, ma maison détruite insulte ta beauté !

—Calme-toi, je suis Kanuri mai, ton frère dans la douleur !

Seulement après qu’il l’eût béni, il se laisse aider et nous le hissons tous sur l’âne jusqu’à le coucher au pied de l’autel du bon Jésus.

—L’Aleijadinho !

—L’Aleijadinho !

Des Noirs et des Caboclos lui déposent des grains d’or dans la profondeur de ses blessures, lui pendent des chainettes en argent forgées les jours de maladie.

Les plus fanatiques allongent les doigts pour les tremper dans ses ulcères frais. Christ vivant, noir, mordu par les douleurs. Ils lui crient :

-Sauve-nous Seigneur ! Notre esclavage est plus douloureux que tes plaies !»

Le sang originaire américain est représenté par le patriote mexicain José María Morelos, d’origine olmèque. Et c’est ainsi que nous arrivons à la dernière partie de Chango, Les ancêtres combattants. Zapata Olivella place maintenant l’action aux États-Unis. Il n’y a ici aucune date précise, cette partie du récit se déroule entre la fin de la guerre de sécession et les années 60. Le personnage fictif d’Agne Brown qui incarne l’esprit et le courage de toutes les femmes noires qui se soulevèrent pour leurs droits en Amérique, de Sojourney Truth à Harriet Tubman.

« Agne Brown, je suis Ngafúa, messager de Chango. Je te parle avec les yeux invisibles de tes ancêtres. (…) Chango t’a choisie parmi tous les ekobios, toi, femme, fille, sœur et amante pour que tu réunisses la famille brisée, persécutée, assassinée du muntu dans la grande chaudière de tous les sangs. »  

Les personnages se succèdent, Nat Turner, Nicolas Biddle, le premier soldat noir de l’armée américaine, Marcus Garvey, le poète Langston Hughes et Malcolm X.

« À Chicago et à Philadelphie. On organise des rassemblements qui termineront comme des tumultueuses manifestations surveillées par la police. Déjà là, même si tu ne le vois pas, les Scorpions Noirs ont tes partisans à l’œil quand ils écoutent Malcolm X :

—Quand je vois qu’un policier armé de pistolet et de matraque frappe à la bouche un frère noir, je sens le coup de poing frapper mes propres lèvres car je sais que cela peur arriver à n’importe qui d’entre nous. »

Des mots qui resonnent encore avec toute leur actualité.

 

Il faut s’immerger dans la langue baroque, imprévisible de Zapata Olivella, une langue où le temps se difracte en hierdemain, en nuitsjours, un temps ouvert où l’on glisse du passé au présent sans aucun effort. Le romancier dépeint ainsi l’africanité trop souvent cachée de tout le continent américain tout au long de son histoire. Une démarche à mettre en parallèle à celle de Glissant, de Chamoiseau et d’autres plumes des Antilles.

Bibliographie

Miguel Barnet, Biografía de un cimarrón, Centro editor de América Latina, 1979

Yambo Ouologuem, Le devoir de violence, Seuil, 1968

André Schwarz-Bart, La mulâtresse Solitude, Seuil, 1972

Manuel Zapata Olivella, Changó, el gran putas, Biblioteca de literatura afrocolombiana, 2010

Flavio Fiorani, Aprender la historia de Cuba: los recuerdos de un esclavo centenario, UNIVERSITÀ DI MODENA E REGGIO EMILIA

Rossana Nofal, BIOGRAFIA DE UN CIMARRON DE MIGUEL BARNET "La construcción de una voz", Universidad Nacional de Tucumán

Odile Hamot, Ombre de Solitude ou l’héroïsme en négatif dans La Mulâtresse Solitude d’André Schwarz-Bart, Études caribéennes, 2019

Jean-Pierre Orban, Livre culte, livre maudit : Histoire du Devoir de violence de Yambo Ouologuem, Continents manuscrits, Hors-série Yambo Ouologuem, 2018

Elizabeth Santafé Varcárcel , La epopeya libertaria de los ancestros. Religión, historia y memoria en Changó, el gran putas de Manuel Zapata Olivella, Historia y Espacio, vol.13, nº 48 (2017): 277-308.

La esclavitud con todas las letras (4)


“Como todos los niños de la esclavitud, los criollitos como les llamaban, yo nací en una enfermería, donde llevaban las negras preñadas para que parieran. Para mí que fue el ingenio Santa Teresa, aunque yo no estoy bien seguro. De lo que si me acuerdo es que mis padrinos me hablaban mucho de ese ingenio y de los dueños, unos señores de apellido La Ronda. Ese apellido lo llevaron mis padrinos por mucho tiempo, hasta que la esclavitud se fue de Cuba.

Los negros se vendían como cochinaticos y a mí me ven-dieron enseguida, por eso no recuerdo nada de ese lugar.”  El que se expresa así se llama Esteban Montejo, se trata de un cimarrón, figura central de la novela-testimonio Biografía de un cimarrón (1966) del escritor y etnólogo cubano Manuel Barnet.

A los 22 años, Barnet conoce a Montejo, 103 años, que fue esclavo y cimarrón. Después de tres años de entrevistas, publica el relato dividido en tres partes, La esclavitud, La abolición de la esclavitud y La guerra de independencia.

«Con Biografía de un cimarrón, Barnet ofrece un caso único en nuestra literatura: el de un monólogo que escapa a todo mecanismo de creación literaria y sin embargo, se inscribe en la literatura en virtud de sus proyecciones poéticas» afirmaba Alejo Carpentier. 

Esta novela-testimonio llena el vacío en el que la historia oficial, la de la colonización, había ocultado toda una parte de la vida de las poblaciones, la de los dejados de lado, en este caso la de los esclavos y cimarrones.

“Toda mi vida me ha gustado el monte. Pero cuando se acabó la esclavitud dejé de ser cimarrón. Por la gritería de la gente me enteré que había acabado la esclavitud y salí. Grita-ban: "Ya estamos libres". Pero yo como si nada. Para mí era mentira. Yo no sé... el caso fue que me acerqué a un ingenio, (…)

Cuando salí del monte me puse a caminar y encontré a una vieja con dos niños de brazos. La llamé de lejos y cuando ella se acercó yo le pregunté: "Dígame, ¿es verdad que ya no somos esclavos?" Ella me contestó; "No, hijo, ya somos libres". Seguí andando por mi cuenta y empecé a buscar trabajo. Muchos negros querían ser amigos míos. Y me preguntaban qué yo hacía de cimarrón. Y yo les decía: "Nada". A mí siempre me ha gustado la independencia.”

En 1968 Le Seuil piblicó El Deber de Violencia (Le Devoir de Violence) del maliano Yambo Ouologuem. Uno0s meses mpas tarde el libro ganaba el premioi Renaudot.

Llegó, luego, el escándalo. Ouloguem fue acusado de plagio, pero lo que chocaba los ánimos era el hecho de que la novela iba totalmente en contra de los preceptos de la Negritud. No cantaba la belleza negra en un África ilusoria.

«… Luego, volviendo de una guerra contra los peulh y escoltado por doce mil esclavos tukulor a la hora en que la capital del Imperio, abrumada de sol, esperaba en las puertas de  Tillaberi-Bentia, el emperador Saif El Haram – ¡la maldición de Dios caiga sobre él!  – mal hermano e hijo maldito, desde su caballo, que brincaba majestuosamente, saludaba a la multitud frenética. A su derecha, notables, jefes de diferentes provincias, dignatarios de la corte, a su izquierda, mujeres, niños y ancianos, detrás de él, el ejército, al costado del que avanzaba la fila de esclavos, con grillos en los tobillos, formaban el vasto proscenio del retorno triunfal de este hombre, a quien las victorias guerreras parecían lavar de toda mancha.»

Ouloguem mostraba en su novela todo lo que no se quería ver en los años 60 ; la esclavitud y la colonización en Francia, y en África, su historia con la guerra y la paz, el horror y la dicha, lo abyecto y lo sublime, como en toda historia humana.  

«Para mantener, buen rey de los reyes negros, este fasto ávido de ruido y de nuevas tierras, Saif intensificó, gracias a la complicidad de los jefes del sur, la trata de esclavos, que bendijo como sanguinario dulzón. Al no tener alma el negroi, sólo brazos -contrariamente a Dios-  en un infernal goce del sacerdocio y del negocio, de lo íntimo y de la publicidad, abatido, vendido, guardado, mercadeado, disputado, adjudicado, flagelado, atado y entregado -con un desprecio atento, estudioso, sufriente- a los portugueses y a los españoles y a los árabes (costas oriental y nórdica), y a los franceses y a los holandeses y a los ingleses (costa occidental), fue arrojado a los cuatro vientos. (…)

… medio desnuda y más que atontada, la negrada, joven como la luna nueva, se encontraba, al bajar de la navem encerrada en plazas descubiertas donde se debatía su costo en remate público, mientras que bajo la mirada de Dios todo poderoso (y justo), se derrumbaba – marea humana derramada allí, negruzca como una masa de carne averiada – ofreciendo un horrible espectáculo de vida languideciendo y de sufrimiento innombrable.

Y se armaban, en el montón de esclavos, agujeros, gritos, estertores, montículos de cuerpos pisoteados, cuando el negrero, con un latigazo, decidía despertar a la negrada de las muy primeras filas, observada por los espectadores curiosos, que se mantenían a una distancia respetable, mirando a los sacerdotes . idos sin embargo a sembrar la buena nueva de Cristo – atacar su asco y, con la cabeza gache, desgranar un rosario…»

El Deber de Violencia, novela fundadora de la literatura africana, abrió un camino quer siguieron más tarde autores como Mongo Beti, Ahmadou Kourouma y Henri Lopes, entre otros.


«El caballero de Dangeau compró a la mulata Solitude el 23 de agosto de 1787m en un remate en la casa comunal de Pointe-à-Pitre. Había venido por una violinista, una persona de un talento agradable, que decían «hecha» en las escuelas de esclavos de Nueva Orleans. Cuando entró, la violinista se encontraba sobre el estrado principal, mientras que las ofertas subían a sus pies como otros tantos homenajes. Estaba vestida de tafeta rosa, con largas mejillas azules de polvo, pero al caballero le pareció un poco gorda para su gusto. Sintiendo un malestar oscuro, se puso a vagar en el amplio galpón lleno de mercaderías, fardos diversos, esclavos inmóviles y silenciosos ante su destino. Bocanadas lejanas del violín vagaban sobre todo esto, con acentos a veces desgarradores. En un rincón, sentada sobre un cajón de vino, estaba una joven, con la cabeza apoyada sobre la mano, con aspecto malhumorado, custodiada por un agente de la milicia local. Flotaba en una bolsa de arpillera con tres agujeros y sus pies estaban descalzos, sus cabellos en transe. Todos venían a interrogarla: ¿Sos buena chica? ¿sabés lavar? ¿ocuparte del huerto? ¿nunca planchaste? ¿por qué te venden? ¿no sos cimarrona? Ella contestaba de mala gana y le decían: Abrí la boca que te escuchen, imbécil. De pronto, como un comerciante le levantaba el mentón por la fuerza y examinaba el estado de sus dientes, el caballero descubrió dos grandes ojos transparentes, de color diferente, y que parecían plantados en el interior de un rostro de ceniza y seda, el rostro sibilino de una niña muerta…»

Esta es entonces la mulata Solitude (Soledad), personaje principal del libro del mismo nombre de André Schwarz-Bart (1972)

Después de haberse interesado en el Holocausto en El último de los justos, Schwarz-Bart nos habla de la lucha de los esclavos por su libertad y su dignidad.

Liberada en 1794, Solitude se encuentra de nuevo bajo el yugo de la esclavitud, 8 años más tarde, cuando Napoleón envía a Leclerc a las Antillas para restablecer este trato inhumano, Ella se une entonces al grupo de Louis Delgrès que se opone encarnizadamente a la servidumbre. Solitude sobrevive a la derrota, pero es llevada al cadalso después de haber dado a luz un niño.

«Más lejos, cerca del paseo Nolivos, se levantaron de golpe, en el cielo, entre la sombra fresca de los tamarindos, las horcas patibularias todavía adornadas con los cadáveres de la víspera. Resonaron gritos, órdenes y el cortejo disminuyó su velocidad, se detuvo cerca de una bomba de agua. Recordó entonces ciertos rumores del calabozo; era allí, se decía, en ese punto del recorrido, a la misma altura de la bomba, que caían desde arriba los que ya no aguantaban.   Así había nacido la idea de una pausa, de una estación de consuelo en la fuente, donde los negros muertos bebían, se alegraban, se empapaban de agua, lanzaban un último desafío, un sarcasmo y luego se iban con un paso más firme al otro mundo. Mientras se inclinaba hacia el agua, habiendo llegado su turno, una frágil brisna cayó a los pies de la mujer Solitude. Era una hierba llamada del niño Jesús y que se entrega en manojos olorosos, adornadas con puntas malva a las que recién parieron. Levantando la vista llena de lágrimas, se preguntó de dónde venía la ofrenda, quién diablos había tenido este gracioso pensamiento para con ella. Las primeras filas de curiosos se componían únicamente de personas blancas. Pero en medio de la multitud, y como erguida sobre la punta de los pies, una enorme negra vestida de madrás azul la miraba con sus ojitos redondos, brillantes de odio, parecía. Y ahora un llanto copioso se derramaba en las mejillas de la persona en madrás, sus rasgos se descomponían, parecían liberarse de todas las amarras, mientras fruncía los labios, desesperadamente, como para decirle shhh, a Solitude, shhh, shhh … Entonces, volviendo su mirada del bello madrás, contempló la platea de blancos y pronunció muy claramente, en un excelente francés de Francia, dicen, que sorprendió a toda la asistencia: “Parece que nunca hay que decir: Fuente, no beberé de tu agua…”  

Y, volviendo la cabeza para atrás, dejando ir los globos suntuosos de sus ojos -hechos simplemente por el Señor, dice una leyenda, para reflejar los astros- hizo oir una extraña risa de garganta, un arrullo leve, llevadero, a penas velado de melancolía; una suerte de canto muy dulce y en el que se terminaban todas las historias, ordinariamente, todos los relatos de velada, todos los cuentos relativos a la mujer Solitude de Guadalupe… »

En 1983, apareció en Colombia una novela revolucionaria, la gran novela, tanto de la trata negrera como de la descolonización, Changó, el gran pitas, del escritor, médico y antropólogo Manuel Zapata Olivella.

Esta novela es el fruto de un largo recorrido. Zapata Olivella, nacido en 1920, y el mismo afrodescendiente, viaja a pie largo tiempo por América latina y llega, en los años 1940, a Nueva York, donde entra en contacto con la Harlem Renaissance. La idea de escribir Changó le apareció después de un viaje a Senegal.

La víspera de abandonar a Dakar en un avión que me conduciría al Brasil mulato y a la, desde Senegal, mi lejana Colombia triétnica, visité la isla de Gorée donde concentraban encadenados a los rebeldes wolofs, sereres y dyolas del Senegal y Gambia, en espera de los barcos negreros. La respiración abierta, el espíritu recogido, me bebí todas las sangres, los gritos, dolores y llantos acumulados sin que los siglos hubieran podido expulsarlos de la Casa de los Muertos donde los sembraron las maldiciones de los que partían contra la “loba blanca. Esa tarde, cuando sobre los muros de la isla imperial describí la factoría imaginaria de Nembe en las orillas del río Níger, las páginas de mi novela también se tiñeron de sangre.», escribió. La «loba blanca»: el colonizador.

La novela se abre con una llamada a los Orishas que invocan a su vez a los antepasados.

«(La kora ríe

lloraba la kora,

sus cuerdas hermanas

narrarán un solo canto

la historia de Nagó

el trágico viaje del Muntu

al continente exilio de Changó).

(,,,)

Escucha Muntu que te alejas

las pasadas, las vivas historias

los gloriosos tiempos de Changó

y su trágica maldición.

¡Eléyay, ira de Changó!

¡Eléyay, furia del dolor!

¡Eléyay, maldición de maldiciones!

Por venganza del rencoroso Loa

condenados fuimos al continente extraño

millones de tus hijos

ciegos manatíes en otros ríos

buscando los orígenes perdidos.»

(La palabra muntu , en lengua bantú, significa hombre, o por decirlo mejor todo lo que es humano. Según Zapata Olivella, el muntu es “connotación de hombre, ya que incluye a los vivos y difuntos, así como a los animales, vegetales, minerales y cosas que le sirven. Más que entes o personas, materiales o físicos, alude a la fuerza que une en un solo nudo al hombre con su ascendencia y descendencia inmersos en el universo presente, pasado y futuro”).

Después de esta introducción, Zapata Olivella se ocupa de La trata. Las palabras de los negreros están impresas en bastardilla.

Tenemos una rebelión a bordo. Los esclavos han atrapado a más de diez de nuestros hombres en las bodegas y temo que los asesinen y puedan incendiar la Nova India. He dado orden de volar la escotilla de proa y si es necesario desmontar la cubierta para someterlos.

El mar se enfurece y el vigía de cofa ha dejado de ver tierra. No hay barco a la vista, amigo o pirata que pueda socorrernos.

En la cabina tengo conmigo una pieza de Indias como rehén…

¡Santo Dios, ya están aquí…!

La clarividente sombra de Ngafúa está con nosotros. Los ekobios me rodeaban, algunos arrastrando pedazos de cepos que no han podido arrancarse de los tobillos. Kanuri mai y los felupes se dan prisa en bajar a la sentina para liberar a los que todavía están prendidos a los vergalones.

Hemos refugiado a los pequeños en el compartimiento de babor.

Sobre sus cabezas, rotos los vidrios, se abren las claraboyas por donde pueden respirar la lluvia que les arroja la madre Yemayá. Cumpliendo un viejo mandato levantan las manos y abrían las bocas, bebiéndose el agua que han dejado de mamar. Las ekobias rodean a Sosa Illamba, jadeante, ansiosa, porque el hijo deseaba gatear entre sus piernas.”

(Ekobios es el nombre que el autor da a los negros).

La segunda parte del libro, El muntu americano, nos presenta a los esclavos instalados en sus nuevas tierras americanas.

La loba blanca, el colono, va a tratar, sin lograrlo, de borrar todos lis rastros de la cultura ancestral de los pueblos provenientes de África, a través, principalmente, de la religión católica.

«-Sobrino- me dijo después de larga meditación- comienza para el Muntu peores atafagos que los padecidos hasta ahora. Los africanos no tendremos más padres que los blancos Tratarán de matar nuestra magara pintándonos el alma con sus miedos, sus rencores y pecados. Y cuando nos veamos en un espejo con la piel negra, no nos quedaran dudas de que somos hijos de Satán, pues, según predican, el Dios blanco hace a sus criaturas a su imagen y semejanza», dice el viejo sabio Falupe a Sacabuche, un negro que se deja embrujar por los jesuitas.

«Los lenguaraces intentan hablar con todos, guiándose por el tono y el zumbido de las palabras. Desde Guinea al Manikongo, de Angola a Mozambique vienen a recalar a este puerto los sobrevivientes de la travesía. Hambrientos de sol, los ojos se avivaban con la luz. Las manos mendicantes levantan las cadenas y un crujir de dientes maldice a los cristianos.

—¿Qué dicen Domingo Falupo?

—Te ruegan la bendición —respondo a Claver que ya repartía sus golosinas. Más le alimentan las sombras de nuestros ancestros que no les han dejado morir. En esta tarea consumían el tiempo mientras los rendeiros llaman la atención de sus clientes sobre el porte, colmillos o los senos. Los más avezados se atenían mejor a las tajaduras en las caras que les revelan las naciones a las que pertenecían. Angolas, mandingas, wolofs, congos, serviles, rebeldes, inteligentes. Los observaban sin fijarse en las estacas que les sujetan del cuello por si pretendían escapar. Aún les escucho sus gritos desde esta barranca del río donde las palabras de los vivos nadaban en

el agua sin mojarse.

—Le vendo esa conga con su mulecón. Es buena cocinera y complaciente

para lo que usted desee.

Le tocan la cabeza, las caderas, las manos.»

Bajo la pluma de Zapata Olivella algunos héroes de la historia oficial reciben buen castigo, como aquí el padre Claver, santo evangelizador de la iglesia católica, punta de lanza del despojo tanto como, más tarde, de la colonización de África.

La tercera parte, La rebelión de los vodús, nos lleva a la primera república independiente de América latina, una república negra, además, Haití. Encontramos, entre otros, a Toussaint Louverture y a Bouckmanm, héroes de la revolución, así como a seres anónimos, como Marie-Jeanne.

«Marie-Jeanne es mi nombre de mortal. Mulata, nací esclava. Mi herencia es el trabajo y la humillación. Poco tiempo después de nacer yo, mi madre fue vendida por el ama. Celosa, tras repetidas azotainas, logró que mi padre la alejara de mi lado. De pequeña, aún no endurecida la nuca, debo cargar las tinajas llenas de agua sobre mi cabeza, vigilo las cabras de mi amo-padre y recogía leña en las laderas del Cabo.»

La cuarta parte, Las sangres encontradas, comienza con un juicio que le realizan los antepasados al libertador Simón Bolívar, quien, habiendo recibido ayuda militar de Haití, no cumplió la promesa que había hecho al presidente Petion de liberar a todos los esclavos de los países por donde pasaría.  

Le sigue José Prudencio Padilla, el almirante de sangres mezcladas, héroe de la revolución colombiana, fusilado por orden de Bolívar.

«Nada me enseñaste de este otro mar oculto: la traición. Siguiéndote los pasos, soy transparente. Mostraba a los amigos y extraños las cicatrices, las aguas ocultas, mis temores. Aunque el ancestro indio me hace sigiloso y taimado, cuando alguien franquea mi recelo, puede bucear en las sombras de mi alma. Entonces también se entregaba el negro que hay en mi sangre acostumbrado a compartir el mar con los náufragos. Te cuento sin rencores que las intrigas y envidias de quienes consideré hermanos lograron lo que el enemigo jamás pudo arrebatarme en la guerra: una derrota. Infortunadamente la muerte no nos permite resarcirnos de nuestros errores.

Padre escúchame, quiero relatarte desde esta otra vida el dolor de haber nacido negro en una sociedad donde la pigmentación de la piel es un estigma.»

Luego partimos a Brasil, en la región minera de Minas Gerais, para conocer al Aleijadinho, Antonio Francisco Lisboa, mestizo, hijo de una esclava, enfermo de lepra y, sin embargo, el mayor escultor del barroco brasilero

“¡Oh, san Francisco, no me veas en esta miseria, ¡mi cara destruida insulta tu belleza!

—Tranquilízate, soy Kanuri mai, tu hermano en el dolor.

Solo después de que lo bendijo, se deja ayudar y entre todos lo subimos al borrico hasta acostarlo al pie del altar del buen Jesús.

—¡El Aleijadinho!

—¡El Aleijadinho!

Negros y caboclos le depositaban granos de oro en lo hondo de sus heridas, le cuelgan cadenitas de plata labradas en los días de enfermedad. Los más fanáticos alargaban los dedos para humedecerlos en sus úlceras frescas. Cristo vivo, negro, comido por los dolores. Le gritan:

—¡Sálvanos Señor! ¡Nuestra esclavitud es más dolorosa que tus llagas!”

La sangre originaria americana es representada por el patriota mejicano José María Morelos, de origen olmeca. Y es así que llegamos a la última parte de Changó, Los ancestros combatientes. Zapata Olivella ubica ahora la acción en los Estados Unidos. No hay aquí ninguna fecha precisa, eta parte del relato se desarrolla entre el final de la guerra de secesión y los años 60. El personaje ficticio de Agne Brown encarna el espíritu y el coraje de todas las mujeres negras que se levantaron por sus derechos en Norteamérica, ,  de Sojourney Truth a Harriet Tubman.

“Agne Brown, soy Ngafúa, mensajero de Changó. Te hablo con los ojos invisibles de tus ancestros […] Changó, entre todos los ekobios te ha escogido a ti: mujer, hija, hermana y amante para que reúnas la rota, perseguida, asesinada familia del muntu en la gran caldera de todas las sangres”.

Los personajes se suceden, Nat Turner, Nicolas Biddle, el primer soldado negro del ejército norteamericano, Marcus Garvey, el poeta Langston Hughes y Malcolm X.

“En Chicago y Philadelphia se organizan mítines que terminarán en tumultuosas manifestaciones patrulladas por la Policía. Ya entonces, aunque tú no lo veas, los Escorpiones Negros rondan a tus seguidores cuando escuchaban a Malcolm X:

—Cuando veo que un policía armado de pistola y cachiporra golpea en la boca a un hermano negro, siento que el puñetazo se encaja en mis propios labios porque sé que eso le puede suceder a cualquiera de nosotros.”

Palabras que suenan aún con toda actualidad.

Hay que hundirse en la lengua barroca, imprevisible de Zapata Olivella, una lengua en la que el tiempo se difracta en ayermañana, en nochesdías, un tiempo abierto en que uno se desliza del pasado al presente sin ningún esfuerzo. El novelista pinta así la africanidad demasiadas veces ocultada del continente americano a todo lo largo de su historia.  Un enfoque que puede ser comparado al de Glissant, Chamoiseau y otras plumas de las Antillas.

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