L’esclavage en toutes lettres (3) – La esclavitud con todas las letras (3)

 


« Cela devint pour moi d’une grande évidence pendant mon séjour en Haïti. Je foulais une terre où des milliers d’hommes avides de liberté avaient cru au pouvoir de lycanthrope de Mackandal, au point que cette foi collective produisit un miracle le jour de son exécution. (…) Le réel merveilleux se présente à chaque pas dans l’existence d’hommes qui firent date dans l’histoire du Continent. »

Alejo Carpentier, Le royaume de ce monde

Nous continuons à naviguer dans la mer Caraïbe, et nous faisons escale à Cuba pour y découvrir un nouveau roman sur le soulèvement haïtien

Alejo Carpentier, né en 1904 à Cuba, publia, en 1944, Le royaume de ce monde, un classique incontournable à l’origine de tout un courant de la littérature latinoaméricaine du XXe siècle, mais dont l’influence est aussi évidente chez les romanciers de langue française antillais et même africains.

Carpentier va raconter l’Amérique, son histoire douloureuse de colonisation et d’esclavage, selon une perspective vraiment américaine. Un réel sentiment d’appartenance se dégage des pages de son roman.

Le royaume de ce monde retrace l’histoire d’Haïti depuis les révoltes d’esclaves menées par Mackandal vers la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la prise du pouvoir des Mulâtres Républicains au début du XIXe.

Le protagoniste du roman Ti Noël n’est pas un héros extraordinaire, c’est un esclave comme tant d’autres. Il est tour à tour une victime résigné et un combattant actif contre l’oppression. Un esclave comme tant d’autres. Et c’est ce qui lui donne une valeur universelle. 

« Ti Noel était profondément triste de la disparition de Mackandal. S’il lui avait proposé le marronage, il aurait accepté joyeusement la mission de servir le mandingue. Maintenant il pensait que le manchot l’avait considéré trop peu de chose pour le faire participer à ses projets. Pendant les longues nuits, tandis que le garçon souffrait à cause de cette idée, il se levait de la mangeoire où il dormait et étreignait, en pleurant, le cou de l’étalon normand, plongeant sa tête entre ses crins tièdes, que sentaient le cheval baigné.  Avec lui étaient aussi partis Kankan Muza, Adonos, les rois royaux et l’arc-en-ciel de Ouidah. Le sel de la vie perdu, Ti Noël s’ennuyait aux calendes dominicales, vivant avec ses brutes dont il conservait toujours sans tiques les oreilles et les périnées. Ainsi passa toute la saison des pluies. »

Le personnage de Mackandal nous introduit dans une autre dimension du roman, une dimension cosmique qui lui permet de se fondre avec les éléments :

« Tout le monde savait que l’iguane vert, le papillon de nuit, le chien inconnu, l’invraisemblable pélican, étaient de simples déguisements.

Doué du pouvoir de se transformer en animal à sabots, en oiseau, en poisson ou en insecte, Mackandal faisait de fréquentes visites aux habitations de la Plaine pour surveiller ses fidèles et savoir s’ils avaient encore confiance en son retour.

De métamorphose en métamorphose, le manchot était partout ; il avait recouvré son intégrité corporelle sous le vêtement d’animaux.

Un jour pourvu d’ailes, un autre jour de branchies, galopant, rampant, il s’était rendu maître du cours des fleuves souterrains, des cavernes de la côte, de la cime des arbres et il régnait maintenant sur l’île tout entière. Sa puissance était illimitée. »

C’est là qu’entre en scène le réel merveilleux qui marquera, et marque encore, la littérature latinoaméricaine et caribéenne.

“Né de la rage allumée dans la terre et fils païen de la pluie et du feu”, comme il le dit lui-même, en 1926, à Jacmel, Haïti, René Depestre publia son premier recueil de poèmes, Étincelles, en 1946. Une dictature militaire ayant pris le pouvoir, commença pour lui une vie d’errance.

Dix ans plus tard, parut à Paris son recueil Minerai noir, avec le poème du même nom, une dénonciation de l’exploitation que subirent les esclaves noirs en Amérique.

« Quand la sueur de l'Indien se trouva brusquement tarie par le soleil

Quand la frénésie de l'or draina au marché la dernière goutte de sang indien

De sorte qu'il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d'or

On se tourna vers le fleuve musculaire de l'Afrique

Pour assurer la relève du désespoir

Alors commença la ruée vers l'inépuisable

Trésorerie de la chair noire

Alors commença la bousculade échevelée

Vers le rayonnant midi du corps noir

Et toute la Terre retentit du vacarme des pioches

Dans l'épaisseur du minerai noir

Et tout juste si des chimistes ne pensèrent

Aux moyens d'obtenir quelque alliage précieux

Avec le métal noir tout juste si des dames ne

Rêvèrent d'une batterie de cuisine

En nègre du Sénégal d'un service à thé

En massif négrillon des Antilles

Tout juste si quelque curé

Ne promit à sa paroisse

Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir

Ou encore si un brave Père Noël ne songea

Pour sa visite annuelle

À des petits soldats de plomb noir

Ou si quelque vaillant capitaine

Ne tailla son épée dans l'ébène minéral

Toute la Terre retentit de la secousse des foreuses

Dans les entrailles de ma race

Dans le gisement musculaire de l'homme noir

Voilà de nombreux siècles que dure l'extraction

Des merveilles de cette race

Ô couches métalliques de mon peuple

Minerai inépuisable de rosée humaine

Combien de pirates ont exploré de leurs armes

Les profondeurs obscures de ta chair

Combien de flibustiers se sont frayé leur chemin

À travers la riche végétation de clartés de ton corps

Jonchant tes années de tiges mortes

Et de flaques de larmes

Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné

Comme une terre en labours

Peuple défriché pour l'enrichissement

Des grandes foires du monde

Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle

Nul n'osera plus couler des canons et des pièces d'or

Dans le noir métal de ta colère en crues »

Cette même année 1956, Présence Africaine publia le recueil Coups de pilon de David Diop.

David Léon Madesi Diop, né en 1927 â Bordeaux, publia ses premiers poèmes dans la revue Présence Africaine et furent aussitôt reproduits par Léopold Sédar Senghor dans son Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française en 1948.

En 1958, il s’installa en Guinée où il devint directeur de l’École normale et mourut, en 1960 dans un accident d’avion au Sénégal.

 

« Afrique mon Afrique

Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales

Afrique que chante ma grand-mère

Au bord de son fleuve lointain

Je ne t'ai jamais connue.

 

Mais mon regard est plein de ton sang

Ton beau sang noir à travers les champs répandu

Le sang de ta sueur

La sueur de ton travail

Le travail de l'esclavage

L'esclavage de tes enfants.

 

Afrique dis-moi Afrique

Est-ce donc toi ce dos qui se courbe

Et se couche sous le poids de l'humilité

Ce dos tremblant à zébrures rouges

Qui dit oui au fouet sur les routes de midi.

 

Alors gravement une voix me répondit

Fils impétueux cet arbre robuste et jeune

Cet arbre là-bas

Splendidement seul au milieu des fleurs

Blanches et fanées.

 

C'est L'Afrique ton Afrique qui repousse

Qui repousse patiemment obstinément

Et dont les fruits ont peu à peu

L’amère saveur de la liberté. »


« Le marronnage est une opposition sociale, politique et culturelle que les historiens colonialistes refusent, le plus souvent, de considérer comme telle», écrivait Édouard Glissant.

Le marronage est le fait des « nègres marrons », ceux qui s’échappaient des plantations, de l’esclavage, pour trouver refuge, dans les Antilles, dans les mornes, ces collines à la végétation luxuriante où ils pouvaient se cacher. Le terme provient de l’espagnol « negro cimarrón. »

Ce personnage d’esclave fugitif est devenu le héros de nombreux romans dont Dominique, nègre esclave (1951) de Léonard Sainville, historien et membre, dans les années 50, du Mouvement national contre le racisme.

« Les trois forçats se rapprochèrent de lui et un cercle se forma dans un coin de la cour. Dominique déplia le journal, chercha un instant, et, à voix basse, se mit à lire : « Le nouveau gouvernement provisoire de la République… »

-Eh bien, et après, qu’est-ce ça peut nous faire ? Qu’est-ce qu’il y a de changé ? dit l’un des prisonniers.

-Couillon, va. La République c’est la liberté. Tu ne peux pas comprendre ça ? C’était comme ça avant. Quand il y avait la République, nous, Nègres, nous étions libres. Tiens, écoute encore.

Notre vieil ami tourna fiévreusement les pages du quotidien et tomba sur la phrase magique :

« Nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves. »

-Vive la liberté, crièrent tous ceux qui l’écoutaient. »

En 1963, Présence Africaine publia Au Seuil d’un nouveau cri du Guyanais Bertène Juminer. Ici aussi, les marrons trouvent refuge dans les montagnes et s’opposent ainsi à un système d’exploitation odieux.

« … vos échines, trop longtemps courbées, s’étaient du même coup raidies; vos bouches, trop longtemps muettes avaient conquis le verbe de la revendication fulgurante ; vos forces, trop longtemps gaspillées à enrichir autrui, à courber, à gerber, à transporter la canne maudite et, en même temps, à préparer à petit feu votre mort collective, avaient enfin porté feu et mort chez le colon. »

Modestin, le marron du roman, explique sa haine du colon :

« Jamais aucun Blanc n’était allé plus haut que nègre, c’est-à-dire animal, pour te désigner. Un poulet avait-il disparu ? Encore un coup de ces fichus nègres-mangoustes. Fallait-il cueillir des noix de coco ? Hé, macaque, grimpe un peu là-haut ! Quant à ces nègres marrons, ce n’étaient qu’une bande de guimbeaux qu’on descendrait un à un, à coups de fusil. Les négresses souffraient d’un répertoire encore plus vaste, ce qui n’empêchait pas le Petit de s’y vautrer consciencieusement, aussi bien en plein champ que dans les cases ; tout dépendait de l’heure… »

Dans ces mêmes années 60, et de la main du poète, romancier et penseur martiniquais Édouard Glissant (1928-2011) naquit le concept de l’Antillanité qui souhaitait mettre à jour la réalité des îles à travers leur histoire commune d’esclavage, de plantations sucrières, d’héritage africain et de langue créole. Une histoire occultée pendant trop longtemps.

En 1961, Glissant publia Le Quatrième Siècle, un roman qui suit l’existence de deux familles, les Longoué et les Béluse, depuis 1788, aux temps de l’esclavage, jusqu’en 1946. Les deux ancêtres abordèrent les rives de la Martinique sur le même bateau négrier, l’un d’eux, le premier Longoué décida de marroner dans les mornes après quelques heures passés dans la plantation de l’Acajou ; l’autre, le premier Béluse accepta son sort d’esclave. Cette histoire est racontée par papa Longoué, un vieux quimboiseur, dernier de la lignée, son fils étant mort pendant la guerre, à Mathieu Béluse, un enfant curieux du passé.

Précisions qu’un quimboiseur est un sorcier, un ensorceleur.

« Et bien longtemps après, Longoué l’ancêtre sut que l’exhalaison imperceptible du bateau était certes aussi terrible que l’affreux remugle de la cale ; et il retrouva dans son souvenir, par-dessus l’épaisse masse des pourritures et des vermines du voyage, ce léger relent de mort balayé d’eau de pluie […]. Il le retrouva sous les bois et les racines. Et cette odeur, il sut la faire sentir à ses fils, de génération en génération, jusqu’à papa Longoué. »

« Le grand souffle du premier chapitre fait allusion à l’urgence de retracer l’arrivée des esclaves et de faire revivre les horreurs du bateau négrier, les pratiques du commerce esclavagiste et les périples de la vie et des découvertes dans un nouveau territoire. La grande proportion du chapitre révèle l’avidité pour remplir les vides d’une histoire nationale dans laquelle la perspective noire a été étouffée pendant très longtemps. Dans ce sens, il s’agit de la conquête d’une parole niée, d’un discours véritablement antillais dont la grandeur et la splendeur doivent être mises en relief. Dans le plan de l’intrigue, le format décroissant des chapitres fait écho à la diminution de la voix du griot Papa Longoué, narrateur des réminiscences du livre, en annonçant son affaiblissement et sa disparition », écrit Vanessa Massoni da Rocha, spécialiste brésilienne des littératures caribéennes, dans son article Paroles d’antan et devoir de mémoire dans Le Quatrième siècle d’Édouard Glissant.

« Et papa Longoué riait doucement, car il pensait à ces Longoué depuis le premier qui avaient tous laissé des noms par quoi ils se distingueraient entre eux. Par exemple Liberté le second fils de l’ancêtre, ainsi prénommé parce que son père avait refusé de croupir en esclavage sur la propriété L’Acajou : et ainsi de suite pour les autres, il y avait toujours une explication aux noms. Les noms s’étaient avancés dans la nuit, il avait fallu simplement les voir et les cueillir. Excepté, oui excepté pour l’ancêtre dont on ne connaissait pas la nomination, puisqu’il s’était enfui dans les bois le jour même et on peut dire à l’heure même de l’arrivage et que là il avait nommé ses fils mais s’était oublié, lui (en se retrouvant). Excepté donc ce premier sarment qui avait été le Longoué par excellence et – bêtise, bêtise – papa Longoué lui-même le dernier de la série, qu’on n’avait jamais nommé autrement que par ces deux mots : papa Longoué. »

« C’est un singulier essai de transmission qui se trame en ce quatrième siècle. Il y a du désir et de la défiance. Chez Mathieu Béluse autant que chez le quimboiseur-porteur de mémoire, qui semble radoter mais se contente d’explorer.

Rien qui puisse s’affirmer doctement. Il faut, cependant, prendre force et confiance. Sans tricher. Comment être à la fois catégorique et équivoque ? Ici, la pensée du tremblement est déjà à l’œuvre. Ni peur ni incroyance ni indécision, mais la délectation lentement mâchée d’un doute réjoui. Et une perplexité féconde. Les choses et les actes et les gens dévoilent-ils ce qu’ils font, ce qu’ils sont, ce qu’ils paraissent ? Brumes et tâtonnements. Les clartés sont souvent irrésolues », nous dit Christiane Taubira dans sa préface de l’édition 2021.

Dans cette même édition, Mathieu Glissant, fils de l’écrivain, écrit :

« Ce que Le quatrième siècle nous propose, ce nouveau siècle des mystiques, des voyances, et des grands chaos, c’est au fond une sensibilité au monde présent et à venir. Une poétique de l’identité qui nous permet d’échapper aux souffrances de la filiation à racine unique et jalouse, qui nous ouvre au vertige et à la richesse d’un déracinement, d’une digenèse, d’une saisie exaltante de soi et des siens qui se ferait dans le mouvement perpétuel.

Et tout commence par le vent… »

Le marronage devint le substrat thématique d’une grande partie de l’œuvre de Glissant.

Dans La case du commandeur (1981), Glissant, mettant en scène une partie des personnages du Quatrième siècle, et dressant la généalogie de Marie Célat, Mycéa, la femme de Mathieu Béluse, jusqu’à retrouver la trace de son ancêtre africain Odono, se réapproprie du passé antillais fragmenté et chaotique.

Mitan du temps, la partie centrale de La case du Commandeur, retrouve l’ancêtre, l’un des premiers marrons, Odono, qui sous le nom d’Aa se lie avec les survivants des tribus aborigènes, et puis, est capturé et mis à mort.

La troisième partie revient aux années de l’après-guerre, celles de La Lézarde, le premier roman de Glissant. La modernisation de la Martinique, l’ordre imposé par la métropole tente de gommer définitivement l’histoire de l’île déjà bien écornée. Marie et Mathieu, qui apparaissent dans le premier roman, ont une fille, Ida, se séparent et Marie met au monde deux fils, Patrice et Odono, qui meurent tragiquement. Marie est enfermée dans un asile psychiatrique, Cette folie est la réponse au silence imposé depuis des siècles par la torture ou par l’éducation. Les différents « moi » ont du mal à rejoindre un « nous » commun.

« Nous qui ne devions peut-être jamais former, final de compte, ce corps unique par quoi nous commencerions d’entrer dans notre empan de terre ou dans la mer violette alentour (aujourd’hui défunte d’oiseaux, criblée d’une mitraille de goudron) ou dans ces prolongements qui pour nous trament l’au-loin du monde ; qui avions de si folles manières de paraître disséminés ; qui roulions nos moi l’un contre l’autre sans jamais en venir à entabler dans cette ceinture d’îles (ne disons pas dans cette-ci seulement dont la Saint-Martin avait coché le jour de découverte – en Martinique –, comme si avant ce jour n’avait flaqué à sa place de terre qu’un peu de cette mer Caraïbe dont nous ne demandons jamais le pourquoi du nom) ne disons pas même une ombre, comme d’une brousse qui aurait découpé dans l’air l’absence et la nuit qu’elle dérive – nous éprouvions pourtant que de ce nous le tas déborderait, qu’une énergie sans fond le limerait, que les moi

se noueraient comme des cordes, aussi mal amarrées que les dernières cannes de fin de jour, quand le soleil tombe dans l’exténuement du corps, mais aussi raides et têtues que l’herbe-àver quand elle a passé par ta bouche »

« Nous méditons ensemble ce mahogani, multiplié en tant d’arbres dans tant de pays du monde. Plutôt qu’écrire, il est vrai que nous préférons crier en rafales. C’est notre plaisir et justice », dit Mathieu Béluse, l’un des dix narrateurs du roman Mahagony, publié en 1987.

Le marronage y est présenté à travers les histoires de trois personnages, Gani, Maho et Mani mais aussi au moyen d’un symbole, l’arbre mahogani, planté en 1815 avec le placenta de l’esclave Gani et qui contient le germe protecteur de la rébellion.

Mathieu croit reconnaître en lui « ces écorces gravées qui jadis avaient représenté à gros traits les nègres marrons. »

Avec celle de Mathieu, nous allons entendre, entre autres, les voix de Marie, celle de sa fille Ida, celle de l’esclave Hégéssipe et même celle de l’auteur présenté comme « celui qui commente ». Des discours que résume Mathieu à la fin du roman :

« C’est que, si l’on peut dire, en matière de voyage, le peuple des Plantations en connaît un bout. Depuis ce bateau du grand voyage, tous sans le ressentir, ou désireux de l’oublier au plus vite, avaient affronté l’inconnu. […] Le ventre de cette barque-ci vous dissout et vous rejette dans un non-monde où vous criez.

C’est que cette barque est une matrice, le gouffre-matrice. Génératrice de votre clameur. Productrice de votre unanimité.

Car si vous êtes seul dans l’épouvante, vous partagez déjà l’inconnu avec quelques-uns que vous ne connaissez pas encore. »

Bibliographie

Alejo Carpentier, El reino de este mundo, Compañía General de Ediciones. 1967

René Depestre, Minerai noir. Anthologie personnelle et autres recueils, Points, 2019

David Diop, Coups de Pilon, Présence Africaine, 1987

Léonard Sainville, Dominique, nègre esclave, Présence Africaine, 2000

Bertène Juminer, Au Seuil d’un nouveau cri, Présence Africaine, 2000

Édouard Glissant, Le Quatrième Siècle, Gallimard, 2021

Édouard Glissant, La case du commandeur, Gallimard, 1997

Édouard Glissant, Mahagony, Seul, 1987

Donatella Ruscito, Mythe et Histoire dans El reino de este mundo d'Alejo Carpentier et Ti Jean L'horizon de Simone Schwarz-Bart: vers une libération, McMaster University, Juin 1994

Edmundo Paz Soldán, Alejo Carpentier: teoría y práctica de lo real maravilloso, Cornell University

Vanessa Massoni da Rocha, (UFF), Paroles d’antan et devoir de mémoire dans Le Quatrième siècle, d’Édouard Glissant.

Dominique Chancé,  Apprendre à lire le Tout-Monde avec Édouard Glissant, Bordeaux III

Ewa Grotowska-Delin, Discours romanesque, théorie littéraire et théorie du monde dans l’œuvre d’Édouard Glissant et d’Ernesto Sábato, Université des Antilles et de la Guyane

 

La esclavitud con todas las letras (3)

 


“Esto se me hizo particularmente evidente durante mi permanencia en Haití, al hallarme en contacto cotidiano con algo que podríamos llamar lo real maravilloso. Pisaba yo una tierra donde millares de hombres ansiosos de libertad creyeron en los poderes licantrópicos de Mackandal, a punto de que esa fe colectiva produjera un milagro el día de su ejecución. (…)

Lo real maravilloso se encuentra a cada paso en las vidas de hombres que inscribieron fechas en la historia del Continente y dejaron apellidos aún llevados”

Alejo Carpentier, El reino de este mundo

Seguimos navegando en el mar Caribe, y hacemos escala en Cuba para descubrir una nueva novela sobre el levantamiento haitiano.

Alejo Carpentier, nacido en 1904 en Cuba, publicó, en 1944, El reino de este mundo, un clásico imprescindible que se encuentra en los orígenes de toda una corriente de la literatura latinoamericana del siglo XX, pero cuya influencia es también evidente entre los novelistas de lengua francesa, antillanos y aún africanos.

Carpentier va a contar América, su historia dolorosa de colonización y esclavitud, desde una perspectiva realmente americana. Un real sentimiento de pertenencia se desprende de las páginas de su novela.  

El reino de este mundo retrasa la historia de Haití desde las revueltas de los esclavos comandadas por Mackandal a fines del siglo XVIII hasta la toma del poder de los Mulatos Republicanos, a comienzos del siglo XIX.

El protagonista de la novela, Ti Noel, no es un héroe extraordinario, es un esclavo como tantos otros. Es ora una víctima resignada ora un combatiente activo contra la opresión. Y es lo que le da un valor universal.

“Ti Noel estaba profundamente acongojado por la desaparición de Mackandal. De haberle sido propuesta la cimarronada, hubiera aceptado con júbilo la misión de servir al mandinga. Ahora pensaba que el manco lo había considerado demasiado poca cosa para hacerlo partícipe de sus proyectos. En las noches largas, cuando el mozo era dolorido por esta idea, se levantaba del pesebre en que dormía y se abrazaba, llorando, al cuello del semental normando, hundiendo la cara entre sus crines tibias, que olían a caballo bañado. La partida de Mackandal era también la partida de todo el mundo evocado por sus relatos. Con él se habían ido también Kankán Muza, Adonhueso, los reyes reales y el Arco Iris de Widah. Perdida la sal de la vida, Ti Noel se aburría en las calendas dominicales, viviendo con sus brutos, cuyas orejas y perinés tenía siempre bien limpios de garrapatas. Así transcurrió toda la estación de las lluvias.”

El personaje de Mackandal nos introduce en otra dimensión de la novela, una dimensión cósmica que le permite fundirse con los elementos.

“Todos sabían que la iguana verde, la mariposa nocturna, el perro desconocido, el alcatraz inverosímil, no eran sino simples disfraces. Dotado del poder de transformarse en animal de pezuña, en ave, pez o insecto, Mackandal visitaba continuamente las haciendas de la Llanura para vigilar a sus fieles y saber si todavía confiaban en su regreso.

De metamorfosis en metamorfosis, el manco estaba en todas partes, habiendo recobrado su integridad corpórea al vestir trajes de animales. Con alas un día, con agallas al otro, galopando o reptando, se había adueñado del curso de los ríos subterráneos, de las cavernas de la costa, de las copas de los árboles, y reinaba ya sobre la isla entera. Ahora, sus poderes eran ilimitados.”

Es aquí que entra en escena lo real maravilloso que marcará, y marca aún, la literatura latinoamericana y caribeña.

“Nacido de la rabia encendida en la tierra e hijo pagano de la lluvia y del fuego”, como lo dice el mismo, en 1926, en Jacmel, Haití, René Depestre publicó su primer libro de poemas, Centelleos, en 1946. Habiendo tomado el poder una dictatura militar, comenzó para él una vida errabunda.

Diez años más tarde, apareció en París su libro Mineral negro, con el poema del mismo nombre, una denuncia de la explotación que sufrieron los esclavos negros en América.  

“Cuando el sudor del indio se vio bruscamente agotado por el sol  

Cuando el frenesí del oro drenó al mercado la última gota de sangre india

De manera que no quedó un solo indio en los alrededores de las minas de oro,

se dieron vuelta hacia el río muscular del África,

para asegurar el relevo de la desesperación.

Entonces comenzó la carrera hacia la inagotable tesorería

de la carne negra.

Entonces comenzó el desorbitado asalto

al esplendente mediodía del cuerpo negro

y toda la tierra resonó del estruendo de los azadones

en el espesor del mineral negro,

y no se sabe si algunos químicos pensaron

y si algunas señoras soñaron con una batería de cocida

de negro del Senegal,

de un servicio de té macizo negrito de Las Antillas.

Si algún cura prometió a su parroquia una campana

fundida en la sonoridad de la sangre negra,

o aún si un buen Papá Noel soñó para su visita anual

en pequeños soldados de plomo negro,

o si algún valiente capitán forjó su espada en el ébano

mineral.

Toda la tierra resonó con la trepidación de los taladros

en las entrañas de mi raza,

en el yacimiento muscular del hombre negro.

Hace muchos siglos que dura la extracción de las

maravillas de esa raza.

¡Oh capas metálicas de mi pueblo,

mineral inagotable de rocío humano!

¡Cuántos piratas han explorado con sus armas

las oscuras profundidades de tu carne,

cuántos filibusteros se han abierto camino

a través de la rica vegetación de claridades de tu cuerpo

sembrando tus años de tallos muertos y de charcos de

lágrimas!

Pueblo desvalijado

Pueblo de arriba abajo como una tierra labrada,

Pueblo diezmado para enriquecimiento de los grandes

mercados del mundo

Madura tu grisú en el secreto de tu noche corporal,

nadie se atreverá ya a fundir cañones y monedas de oro

en el negro metal de tu creciente cólera…”

Ese mismo año de 1956, Présence Africaine publicó Coups de pilon (Golpes de mortero) de David Diop.

David Léon Madesi Diop, nacido en 1927 en Burdeos, publicó sus primeros poemas en la revista Présence Africaine y fueron reproducidos de inmediato por Léopold Sédar Senghor en su Antología de la nueva poesía negra y malgache de lengua francesa, en 1948.

En 1958 se instaló en Guinea donde llegó a ser director de la Escuela Normal y murió, en 1960, en un accidente de avión en Senegal.

«África mi África

África de los valientes guerreros en las sabanas ancestrales

África que canta mi abuela

A orillas de su río lejano

Nunca te conocí.

 

Pero mi mirada está llena de tu sangre

Tu bella sangre negra volcada a través de los campos

La sangre de tu sudor

El sudor de tu trabajo

El trabajo de tu esclavitud

La esclavitud de tus hijos.

 

África decime África

Sos acaso vos esa espalda que se curva

Y se acuesta bajo el peso de la humildad

Esa espalda temblorosa de cicatrices rojas

Que dice sí al látigo en las rutas del mediodía.

 

Entonces gravemente una voz me respondió

Hijo impetuoso este árbol robusto y joven

Ese árbol allá

Espléndidamente solo en medio de las flores

Blancas y mustias.

 

Es el África tu África que vuelve a crecer

Que vuelve a crecer pacientemente obstinadamente

Y cuyos frutos tienen poco a poco

El amargo sabor de la libertad.»


“El cimarroneo es una oposición social, política y cultural que los historiadores colonialistas se niegan, lo más a menudo a considerar como tal”, escribía Édouard Glissant.

El cimarroneo es la acción de los «negros cimarrones», aquellos que se escapaban de las plantaciones, de la esclavitud, para refugiarse, en las Antillas, en las «mornes», las colinas de vegetación lujuriosa donde podían ocultarse.

Este personaje del esclavo fugitivo devino el héroe de numerosas novelas entre las cuales Dominique, nègre esclave (Dominique, negro esclavo) (1951) de Léonard Sainville, historiador u miembro, en los años 50, del Movimiento nacional contra el racismo.

«Los tres presidiarios se le acercaron y se formó un círculo en un roncón del patio. Dominique desplegó el diario, buscó un instante y, en voz baja, se puso a leer: “El nuevo gobierno provisorio de la República…”

-¿Y entonces, qué puede importarnos? ¿Qué cambió? Dijo uno de los presos.

-Boludo. La República es la libertad. ¿No podés entenderlo? Así era antes. Cuando había una República, los negros éramos libres. Escuchá algo más.

Nuestro viejo amigo volteó fiebrosamente las páginas del periódico y encontró la frase mágica:

«Ninguna tierra francesa ya no puede tener esclavos.»

-Viva la libertad. Gritaron todos los que lo escuchaban.»

En 1963, Présence Africaine publicó Au seuil d’un nouveau cri (En el umbral de un nuevo grito) del guyanés Bertène Juminer. Aquí también, los cimarrones se refugian en las montañas y se oponen así a un sistema de explotación odioso.

«… sus espaldas, encorvadas durante demasiado tiempo, se habían endurecido por ello, sus bocas, mudas por demasiado tiempo, habían conquistado el verbo de la reivindicación deslumbrante; sus fuerzas malgastadas durante demasiado tiempo para enriquecer a otro, en curvar, apilar, en transportar la maldita caña y, al mismo tiempo, en preparar a fuego lento su muerte colectiva, habían llevado por fin fuego y muerte a lo del colono.»

Modestin, el cimarrón de la novela, explica su odio por el colono:

“Nunca ningún blanco había más allá de negro, es decir animal, para designarte. ¿Había desaparecido un pollo? Otro golpe de estos malditos negros mangostas. ¿Había que cosechar cocos? ¡Eh, macaco, trepate un poco! En cuanto a los negros cimarrones, sólo eran una manga de tontos que bajarían a los tiros uno por uno. Y las negras sufrían un repertorio aún más amplio, lo que no impedía que el Chiquito se revolcara concienzudamente, tanto en pleno campo como en las cosas, todo dependía de la hora…”

En esos mismos años 60, y de la mano del poeta, novelista y pensador martiniqués Édouard Glissant (1928-2011) nació el concepto de Antillanidad que deseaba llevar a la luz la realidad de la islas a través de su historia común de esclavitud, de plantaciones azucareras, de herencia africana y de lengua creole. Una historia ocultada durante demasiado tiempo.

En 1961, Glissant publicó El cuarto siglo (Le Quatrième Siècle), una novela que acompaña la existencia de dos familias, los Longoué y los Béluse, desde 1788, en tiempos de la esclavitud, hasta 1946. Los dos antepasados abordaron las orillas de la Martinica en el mismo barco negrero, uno de ellos, el primer Longoué decidió hacerse cimarrón en las colinas después de algunas horas pasadas en la plantación del Acajou; el otro, el primer Béluse aceptó su suerte de esclavo.  Esta historia es contada por papá Longoué, un viejo curandero, último del linaje, habiendo muerto su hijo durante la guerra, a Mathieu Béluse, un niño curioso por el pasado.

Précisions qu’un quimboiseur est un sorcier, un ensorceleur.

“Y mucho tiempo después, Longoué el antepasado supo que la exhalación imperceptible del barco era ciertamente tan terrible como el horrible hedor de la bodega; y encontró en su recuerdo, por encima de la espesa masa de las podredumbres y alimañas del viaje, ese liviano olor a muerte barrido por el agua de lluvia (…) Lo encontró bajo los bosques y las raíces. Ese olor, se la hizo oler a sus hijos, de generación en generación, hasta papá   Longoué.”

«El gran soplo del primer capítulo alude a la urgencia de trazar la llegada de los esclavos y hacer revivir los horrores del barco negrero, las prácticas del comercio de esclavos y los periplos de la vida y de los descubrimientos en un nuevo territorio. La gran amplitud del capítulo revela la avidez por llenar los vacíos de una historia nacional en que la perspectiva negra fue ahogada durante mucho tiempo. En este sentido, se trata de la conquista de una palabra negada de un discurso verdaderamente antillano cuyas belleza y esplendor deben ser recalcadas. En el plano de la intriga, el formato decreciente de los capítulos es un eco de la disminución de la voz del griot papá Longoué, narrador de las reminiscencias del libro, anunciando su debilitamiento y su desaparición», escribe Vanessa Massoni da Rocha, especialista brasilera de las literaturas caribeñas, en su artículo Paroles d’antan et devoir de mémoire dans Le Quatrième siècle d’Édouard Glissant.

«Y papá Longoué reía suavemente, ya que pensaba en esos Longoué desde el primero que había dejado todos nombres con los que se distinguirían entre ellos. Por ejemplo, Liberté el segundo hijo del antepasado, llamado así porque su padre se había negado a pudrir esclavizado en la propiedad L’Acajou: y así sucesivamente para los otros, siempre había una explicación para los nombres. Los nombres habían avanzado en la noche, simplemente sólo hubo que verlos y cosecharlos. Les noms s’étaient avancés dans la nuit, il avait fallu simplement les voir et les cueillir. Excepto, sí, excepto en el caso del antepasado de quien no se conocía la denominación, ya que había huido al bosque el mismo día y aún se podría decir a la hora misma de la llegada y que allí había nombrado a sus hijos pero se había olvidado a él (al encontrarse). Excepto entonces este primer sarmiento que había sido el   Longoué por excelencia y -tontería, tontería- el mismo papá Longoué último de la serie, que nunca había sido llamado de otra manera que con esos dos nombres papá  Longoué.»

«Es una singular prueba de transmisión la que se trama en esta cuarto siglo. Hay deseo y desconfianza. Tanto en Mathieu Béluse como en el curandero-conservador de memoria, que parece divagar pero que se contenta con explorar.

Nada que pueda afirmarse doctamente. Hay que, sin embargo, armarse de fuerzas y confianza. Sin trampas. ¿Cómo ser a la vez categórico y equívoco? Aquí, el pensamiento del temblor ya está en marcha. Ni miedo no descreimiento ni indecisión, sino la delectación lentamente masticada de una duda regocijada. Y una perplejidad fecunda. ¿Las cosas y los actos y la gente acaso develan lo que hacen, lo que son, lo que parecen? Brumas y tanteos. Las claridades son a menudo irresolutas», nos dice Christiane Taubira en su prólogo de la edición 2021.

En esta misma edición, Mathieu Glissant, hijo del escritor, escribe:

«Lo que nos propone El cuarto siglo, este nuevo siglo de las místicas, de las videncias y de los grandes caos, es en el fondo una sensibilidad ante el mundo presente y por venir. Una poética de la identidad que nos permite escapar de los sufrimientos de la filiación de raíz única y celosa,  que nos abra al vértigo y a la riqueza de un desarraigo, de una digénesis, de una captación exaltante de un o mismo y de los suyos que se haría en el movimiento perpetuo.   

Y todo comienza con el viento…»

El cimarroneo se volvió el sustrato temático de gran parte de la obra de Glissant.

En La choza del comendador (1981), Glissant, poniendo en escena parte de los personajes del Cuarto Siglo, y haciendo una genealogía de Marie Célat, Mycéa, la mujer de Mathieu Béluse, hasta encontrar los rastros de su antepasado africano Odono, se reapropia del pasado antillano fragmentado y caótico.

Mitad del tiempo, la parte central del libro, encuentra al antepasado, uno de los primeros cimarrones, Odono, que con el nombre de Aa se relaciona con los sobrevivientes de las tribus aborígenes, y luego es capturado y muerto.

La tercera parte vuelve a los años de posguerra, la de La Lagarta (La Lézarde), la primera novela de Glissant. La modernización de la Martinica, el orden impuesto por la metrópoli trata de borrar definitivamente la historia de la isla ya bien maltrecha. Marie y Mathieu, que aparecen en la primera novela, tienen una hija, Ida, se separan y Marie trae al mundo dos hijos, Patrice y Odono, que mueren trágicamente. Marie es encerrada en un asilo psiquiátrico. Esta locura es la respuesta al silencio impuesto desde hace siglos por la tortura o por la educación. Los diferentes «yo» tienen dificultades para reunirse en un «nosotros» común.  

«Nosotros que nunca debíamos formar, al final de cuentas, este cuerpo único con el que comenzaríamos a entrar en nuestro espacio de tierra o en el mar violeta alrededor (hoy difunto de pájaros, lleno de una metralla de alquitrán) o en esas prolongaciones que traman para nosotros el allá lejos del mundo; que teníamos maneras tan locas de parecer diseminados;   que empujábamos nuestros yo uno contra otro sin nunca lograr entablar en esta cintura de islas (no digamos solamente en esta en que la Saint-Martin había marcado el día de descubrimiento – en Martinica – como si antes de ese día no hubiera chorreado en su lugar de tierra sólo un poco de este mar Caribe del que nunca preguntamos el porqué del nombre) ni siquiera decimos una sombra, como de un matorral que hubiera recortado en el aire la ausencia y la noche que deriva de ella -   sentíamos sin embargo que de ese nosotros desbordaría el montón, que una energía sin fondo lo limaría, que los yo se anudarían como sogas, tan mal amarrados como las últimas cañas del fin del día, cuando el sol cae sobre la extenuación de los cuerpos, pero tan rígidos y testarudos como la hierba aver cuando pasó por tu boca.»

«Meditamos juntos este mahogani, multiplicado en tantos árboles en tantos países del mundo. Más que escribir, es cierto que preferimos gritar en ráfagas. Es nuestro placer y justicia.», dice Mathieu Béluse, uno de los diez narradores de la novela Mahagony, publicada en 1987.

El cimarroneo es presentado en ella por medio de las historias de tres personajes, Gani, Maho y Mani pero también por medio de un símbolo, el árbol mahogani, plantado en 1815 con la placenta del esclavo Gani y que contiene el germen protector de la rebelión.

Mathieu cree reconocer el él “esas cortezas grabadas que otrora habían representado con trazo burdo a los negros cimarrones.”

Con la de Mathieu, vamos a escuchar, entre otras, las voces de Marie, la de su hija Ida, la del esclavo Hégéssipe y aún la del autor presentado como “el que comenta”. Discursos que resume Mathieu al final de la novela:

«Es que, si podemos decir así, en materia de viajes, el pueblo de las Plantaciones conoce bastante. Desde aquel barco del gran viaje, todos sin sentirlo, o deseosos de olvidarlo lo más rápido, habían enfrentado lo desconocido. (…) El vientre de aquel barco te disuelve y te arroja a un no mundo en el que gritás.  

Es que ese barco es una matriz, un precipicio-matriz. Generadora de tu clamor. Productora de tu unanimidad.

Ya que si está solo en el espanto, ya compartís lo desconocido con algunos que no conocés todavía.»

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