UNE PETITE HISTOIRE DE LA CHANSON EN FRANÇAIS (7)

 LA GUERRE DE 14

Le brave troupier se prépare une couchette/dans un trou ténébreuxDans les tranchées de Lagny

Dans la boue des tranchés, dans les baraquements de fortune, dans les camps de prisonniers, les hommes rivalisent d’imagination pour sortir de l’horreur quotidienne. Ils faisaient de la musique, parfois avec des instruments de fortune fabriqués avec les moyens du bord: boîtes de cigares, gourdes...

  Les poilus composaient parfois eux-mêmes des chansons qui décrivaient leur vie, c’est le cas de Dans les tranchées de Lagny, écrite sur l’air de “Sous les ponts de Paris” par un soldat du 69e régiment.

En face d’une rivière

Du côté de Lagny,

Près des amas de pierres

Qui restent de Lagny,

Dans la “Tranchée des peupliers”

Vite on se défile en cachette,

Braquant le fusil sur l’ennemi

Prêt à presser sur la gâchette.


Aux abords de Lagny,

Lorsque descend la nuit,

Dans les boyaux on s’défile en cachette,

Car la mitraille nous fait baisser la tête.

Si parfois un obus

Fait tomber un poilu,

Près du cimetière on dérobe ses débris

Aux abords de Lagny.

  Â cause de la guerre, des hommes de différentes origines sociales et géographiques se sont rencontrés. Avec eux, leurs chansons. Le jazz apparaît en Europe à l’arrivée des troupes américaines. De leur côté les Américains rapportent sur leur sol un goût marqué pour le saxophone.

  Pour entretenir le moral des poilus sur le front, une nouvelle institution voit le jour : le théâtre aux armées. Parmi ses vedettes, Bach, un comique troupier crée l’évènement, Quand Madelon qui remporte un tel succès qu’elle sera surnommée “la Marseillaise des tranchées”.

https://www.youtube.com/watch?v=j1IVkkkzWjc

 


Pour le repos, le plaisir du militaire

Il est là-bas à deux pas de la forêt

Une maison aux murs tout couverts de lierre

Au Tourlourou c'est le nom du cabaret

La servante est jeune et gentille

Légère comme un papillon

Comme son vin son œil pétille

Nous l'appelons la Madelon

Nous en rêvons la nuit, nous y pensons le jour

Ce n'est que Madelon mais pour nous c'est l'amour

Quand Madelon vient nous servir à boire

Sous la tonnelle on frôle son jupon

Et chacun lui raconte une histoire

Une histoire à sa façon

La Madelon pour nous n'est pas sévère

Quand on lui prend la taille ou le menton

Elle rit, c'est tout le mal qu'elle sait faire

Madelon, Madelon, Madelon

 

Une autre chanson que chantaient les poilus, Je cherche après Titine, fut du goût des Américains qui la rapportèrent chez eux avec un tel succès que Charles Chaplin décida de l’utiliser pour son premier film parlant, Les Temps modernes.

https://www.youtube.com/watch?v=zmS2waT1iV4

 

Comme on le voit, deux chansons n’ayant aucun rapport entre elles.

Nous trouvons ainsi, parmi les chansons de la Grande Guerre, tout aussi bien des chansons patriotiques que des chansons contestataires comme La chanson de Craonne.

https://www.youtube.com/watch?v=-HzpPyA_3r0

Quand au bout du jour le repos terminé

On va reprendre les tranchées

Notre place est si utile

Que sans nous on prend la pile

C'est bien fini, on en a assez

Personne ne veut plus marcher

Et le cœur bien gros comme dans un sanglot

On dit adieu aux civelots

Même sans tambours, même sans trompettes

On s'en va là-haut en baissant la tête

Adieu la vie, adieu l'amour

Adieu toutes les femmes

C'est bien fini et pour toujours

De cette guerre infâme

C'est à Craonne sur le plateau

Qu'on doit laisser sa peau

Car nous sommes tous condamnés

Nous sommes les sacrifiés

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance

Pourtant on a l'espérance

Que ce soir viendra la relève

Que nous attendons sans trêve

Soudain dans la nuit et dans le silence

On voit quelqu'un qui s'avance

C'est un officier de chasse à pied

Venu pour nous remplacer

Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe

Les petits soldats vont chercher leur tombe

Adieu la vie, adieu l'amour

Adieu toutes les femmes

C'est bien fini et pour toujours

De cette guerre infâme

C'est à Craonne sur le plateau

Qu'on doit laisser sa peau

Car nous sommes tous condamnés

Nous sommes les sacrifiés

C'est malheureux de voir sur les grands boulevards

Tous ces gros qui font la foire

Si pour eux la vie est rose

Pour nous c'est pas la même chose

Au lieu de se cacher tous ces embusquées

Feraient mieux de monter aux tranchées

Pour défendre leurs biens car nous n'avons rien

Nous autres pauvres purotins

Tous les camarades sont enterrés là

Pour remplir les poches de ces messieurs là

Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront

Car c'est pour eux qu'on crève

Mais c'est fini car les trouffions

Vont tous se mettre en grève

Ce sera votre tour, messieurs les gros

De monter sur le plateau

Car si vous voulez la guerre

Payez-la de votre peau

Car si vous voulez la guerre

Payez-la de votre peau


Puis une chanson très ironique sur ce que nous appellerions aujourd’hui le « fake news » qui circulaient dans ces temps d’horreur, Bourr’le crâne, composée en 1917 par Jean Daris.

https://www.youtube.com/watch?v=imF5MWREVGs

Depuis qu’la vie est chère


On donne de tout coté

Des recettes culinaires

Pour vivre à bon marché

Prenez des épluchures

De carottes et d'radis

Faites-en des confitures

Vous verrez c'est exquis

Ajoutez d'l'oignon

Et des champignons

Ça f'ra du pâté

Pour vous régaler

 

Et c'est comme ça qu'on vous

Bourre le crâne

Bourre le crâne

Bour et bour et ratatam,

Pic et pic et colégram,

 Bourre le crâne

Bourre le crâne

Avec une cuisine comme ça

Comment qu'on engraissera pas !

 

C'est comme pour le chauffage

Faut bien s'faire une raison

Le papier hors d'usage

Ça remplace le charbon

Faite les tremper à l'aise

Au fond d'un vieux baquet

Ajouter d'la terre glaise

Faites en des boulets

Vous aurez du feu

Ce s'ra merveilleux

Seulement je n'sais pas

Si ça vous chauffera

Mais avant d'chauffer

Si ça vous f'ra tuer

 

Et c'est comme ça qu'on vous

Bourre le crâne

Bourre le crâne

Bour et bour et ratatam

La maison n'fait pas d'réclâme

Bourre le crâne

Bourre le crâne

Ah vraiment ça vous donne chaud

Ces histoires de fourneau

 

Voilà maint'nant qu'les boches

Devenus très inquiets

Ont sorti d'leur caboche

Un superbe projet

Ils nous disent "Soyons frères

Oublions le passé

Et terminons la guerre

Pour mieux la r'commencer

Pas d'indemnité

Nous d'notre côté

Nous nous garderons

Tout c'que nous avons

Et ça s'ra fini

On s'ra bon amis"

 

Et c'est comme ça qu'on nous

Bourre le crâne

Bourre le crâne

Bour et bour et ratatam

Ça fait parti du programme

Bourre le crâne

Bourre le crâne

Mais nous ne voulons pas marcher

Nous avons les pieds nickelés !

 

Un grand compositeur, Claude Debussy, compose, à son tour, le Noël des enfants qui n'ont plus de maison, pour voix et piano, qu’il présente à Paris en avril 1916.

https://www.youtube.com/watch?v=b6tYcIPhBTs


Nous n’avons plus de maisons !

Les ennemis ont tout pris,

Tout pris, tout pris,

Jusqu’à notre petit lit !

Ils ont brûlé l’école et notre maître aussi.

Ils ont brûlé l’église et monsieur Jésus-Christ

Et le vieux pauvre qui n’a pas pu s’en aller !

Nous n’avons plus de maisons !

Les ennemis ont tout pris,

Tout pris, tout pris,

Jusqu’à notre petit lit !

Bien sûr ! papa est à la guerre,

Pauvre maman est morte !

Avant d’avoir vu tout ça.

Qu’est-ce que l’on va faire ?

Noël ! petit Noël ! n’allez pas chez eux,

N’allez plus jamais chez eux,

La môme aux poilus de Gaston Gabaroche, peut accepter plusieurs lectures, aucune d’entre elles très satisfaisante envers les femmes, qui vont de l’attrait supposé des uniformes sur l’esprit féminin aux bordels ambulants qui suivaient les contingents.

https://www.youtube.com/watch?v=wCab-Q_5nik

On m'appelle la môme aux poilus ; quand j'en vois mon cœur est ému

Y'a rien à faire, les militaires sont des costauds qui me collent à la peau

J'aime les soldats, et tout ce qu'on dira, entre nous, j'm'en fous

Je pourrais comme les honnêtes femmes, en choisir un pour l'épouser

Mais franchement mesdames, un seul c'est vraiment pas assez

Si j'obtenais le consentement, j'épouserais tout un régiment !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

UNE PETITE HISTOIRE DE LA CHANSON EN FRANÇAIS (13)

UNE PETITE HISTOIRE DE LA CHANSON EN FRANÇAIS (15)

8 mars - 8 de marzo